Critiques

Adult Jazz

Gist Is

  • Indépendant
  • 2014
  • 52 minutes
9
Le meilleur de lca

a3762416444_10Adult Jazz fait partie des groupes qui portent un nom plus ou moins approprié pour les décrire. Avec Gist Is, leur premier album, le groupe anglais de Leeds composé de Harry Burgess, Tim Slater, Steven Wells et Tom Howe propose une indie inventive, intellectuelle et sublime plutôt qu’un jazz de matante, même si les influences jazz et de l’électro-acoustique ne sont pas bien loin. La signature d’Adult Jazz se trouve dans la voix polyvalente de Harry Burgess, tantôt basse, tantôt trois octaves plus hautes (OK, j’exagère, mais quand même pas tant que ça) et dans l’étonnante ligne percussive. Souvent, la guitare reprend la note de la voix.

Le charme de Gist Is se trouve dans ses silences, dans ces espaces immenses évoqués par les échos des instrumentations. À plusieurs reprises, le quatuor se tait pour mettre en valeur un instrument, une ligne de voix, laissant à l’auditeur tout le loisir de combler le dénuement orchestral. En résulte un son épuré, savamment déstructuré et poignant.

La voix de Burgess rappelle parfois le scat, ce style d’improvisation vocal jazz où les onomatopées remplacent les paroles. Or, les textes des pièces jouent tant avec les sonorités, les allitérations pullulent sur les pièces à un point qu’on ne différencie plus les mots des onomatopées. Rarement les groupes d’indie utilisent autant la voix comme un instrument en ayant en plus des textes costauds.

Costaudes sont aussi les pièces, durant entre quatre minutes et environ dix minutes, sauf une de deux minutes trente et une secondes (Be A Girl) et elles forment un album de cinquante-deux minutes, une éternité par rapport aux albums actuels qui font tous autour de la demi-heure. La totalité se déguste d’un bout à l’autre dans un bonheur raffiné. Si Hum lance l’album avec des effets électroniques rappelant Wild Beasts, Bonedigger clôt l’album dans une aura folk souligné par du trombone et des chœurs de cris «ayayayay» et des parfums de Bon Iver. Des échos de Grizzly Bear s’entendent dans Springful.

La pièce-fleuve (près de dix minutes) au cœur de l’album, Spook, vaut à elle seule l’album. Elle présente différents paliers émotifs, une évolution musicale qui, sans même écouter les paroles, raconte. À cinq minutes seize secondes précises, commence le frisson, le cri du cœur: «But I do/And I have/And I will/And I write these songs/To trick God/But I do not take it/Lightly/No I do not take it/Lightly».

Idiot Mantra rappelle Radiohead (Idiotheque?), où les voix se répondent dans des paroles insensées, des sons plutôt que des mots: «Been humming an idiot mantra so long!»

Gist Is se déguste les yeux fermés, pour pouvoir se perdre dans toutes les subtilités de la musique et toutes les ouvertures que le quatuor nous laisse explorer. Un plaisir pour l’intellect, pour les oreilles, pour le corps au complet.

Ma note: 9/10

Adult Jazz
Gist Is
Indépendant
52 minutes

adultjazz.bandcamp.com

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