Critiques

Adrianne Lenker

songs / instrumentals

  • 4AD
  • 2020
  • 77 minutes
8,5
Le meilleur de lca

Adrianne Lenker est d’abord et avant tout reconnue pour son travail avec la formation indie-folk-rock Big Thief; un groupe respecté par de nombreux mélomanes. L’année dernière, le quatuor avait épaté avec la sortie de deux excellents albums qui ont meublé de multiples listes de fin d’année : U.F.O.F et Two Hands. Par ailleurs, le respecté collègue Bruno Coulombe considère Two Hands comme le chef-d’œuvre de la formation états-unienne : « Big Thief a beau avoir eu le culot d’appeler son premier album Masterpiece en 2016, c’est ici que le groupe américain signe son véritable chef-d’œuvre. »

Stoppé en pleine tournée, le groupe new-yorkais a dû plier bagage afin de rentrer sagement à la maison. Pandémie oblige. C’est dans ces conditions particulières que l’auteure-compositrice-interprète s’est réfugiée dans un chalet situé dans l’état du Massachusetts, accompagnée de quelques guitares et d’un enregistreur numérique huit pistes, afin d’enregistrer de nouvelles chansons. C’est ainsi que songs/instrumentals a vu le jour.

Enregistré entre avril et mai dernier en compagnie de l’ingénieur de son Phil Weinrobe, songs met de l’avant la voix fragile et quasi enfantine de Lenker qui survole deux pistes de guitares acoustiques superposées. instrumentals propose plutôt deux improvisations titrées respectivement music for indigo et mostly chimes; deux pièces axées sur le jeu de guitare arpégé de Lenker. Alternants entre des effets de « drone » et de superbes harmoniques, ces instrumentaux escortent l’auditeur vers un mode contemplatif.

Pour enrichir l’authenticité de sa démarche artistique, Lenker a eu recours à des pinceaux ainsi qu’à des aiguilles provenant d’un pin blanc comme instruments percussifs. L’artiste a aussi incorporé des sonorités issues de son environnement immédiat : pluie, vent, feu d’un poêle à bois, carillon du hall d’entrée, chant des oiseaux et des insectes de la forêt, etc. Tout au long de l’enregistrement, des aléas ont ralenti le processus de création. Le duo a dû s’adapter à de nombreuses interruptions de courant, semble-t-il.

Ce diptyque traduit à la perfection l’effet spleenétique du confinement et les reconsidérations émotionnelles qui en découlent. Lenker chante au creux notre oreille, tape du pied, se sert du milieu naturel qui l’entoure pour nous raconter des histoires d’amour, de pertes et de solitude. Dans not a lot, just forever, elle extériorise, avec une réelle émotion, tout l’amour inconditionnel qu’elle entretient à l’endroit de l’être cher :

« Not a lot, just forever

Intertwined sewn together

Like the rock bears the weather

Not a lot, just forever »

– not a lot, just forever

Malgré l’économie des moyens employés, on « entend » l’état d’esprit de Lenker qui impose naturellement le recueillement. Littérairement et musicalement intemporelles, les chansons de songs sont d’une sincérité désarmante. L’enrobage sonore préconisé et la voix singulière de la compositrice crédibilisent les chansons leur conférant ainsi une certaine dignité. Les deux instrumentaux sont de magnifiques compléments à ces chansons douces-amères.

Lenker nous transporte dans ses souvenirs dans anything. come est une parfaite pourvoyeuse de frissons. half return et forwards beckon rebound contiennent quelques relents de Big Thief et mostly chimes conclut en toute sérénité instrumentals.

Adrianne Lenker nous présente le meilleur album folk depuis A Crow Looked at Me de Mount Eerie (2017). Du très grand art.