Osheaga 2025 | Jour 1: Doechii, Jorja Smith, Barry Can’t Swim, Finneas et La Femme
Avec sa programmation de près de 90 artistes et groupes musicaux et ses 140 000 festivaliers qui déambulent sur trois jours au parc Jean-Drapeau, Osheaga se targue d’être un incontournable du genre en Amérique du Nord.
Crédit photo couverture: Benoit Rousseau
Pour ma part, ça fait trois ans que n’y ai pas mis les pieds, après y être allée assidûment pendant les 15 premières années du festival. Entre un mélange de désintérêt pour les trois dernières programmations et un budget plus serré, je ne peux cacher l’éternel FOMO qui m’envahissait à chaque premier weekend du mois d’août. Ce n’est donc pas sans ressentir une certaine fébrilité que je m’aventure sur ce site que je retrouve avec joie.
Dès mon arrivée, l’application envoie une notification de changements de plan, alors que Wunderhorse, prévu au début de la journée, – et que j‘avais hâte de voir! – est annulé. Bon. Pas plus grave, on en profite pour partir à la découverte d’artistes.

Group Project
Ma journée commence donc avec Group Project, un band qui n’a visiblement pas franchi l’étape du brief lors de son brainstorm pour se trouver un nom de groupe.
Heureux d’être contents d’être à Osheaga, les membres du projet de groupe, fiers propriétaires de t-shirts de Bagel St-Viateur, défendent bien les chansons de leur dernier album, Here Now, sorti en mai, devant un parterre clairsemé de début d’après-midi. Toujours ingrate, cette tâche de jouer en début de journée le vendredi à Osheaga.
Group Project a même osé une reprise de Don’t Look Back Anger d’Oasis, qui est une bonne façon de me rappeler que certaines chansons seraient mieux de n’être jamais interprétées par un gars qui porte une casquette à l’envers.
The Struts
Le show des Struts a commencé en même temps que les deux esties de jets d’eau sur les côtés de la scène, comme si 23 degrés avec du vent, ça justifiait de se faire toute mouiller son gear…
J’ai donc passé mon show plus loin à faire sécher mon sac au soleil, au son de la musique énergique du groupe, rappelant une certaine époque où le rock vivait encore ses belles années, mais rendue par les Struts de façon tout de même plus convenue. La foule, beaucoup plus nombreuse qu’au spectacle précédent, danse aux rythmes entraînants et crie aux solos de guit’ et aux petits moves du foulard à motif de léopard du chanteur. Mon début de festival commence bien, mais je dois avouer que je ne suis pas transcendée par la musique entendue jusqu’ici…
Joey Valence & Brae
Petit saut à la Scène de la Vallée pour aller voir Joey Valence & Brae, et là, c’est la véritable première révélation du festival, enfin! Le style musical du duo rallie un rap que je pourrais considérer de vintage à des sonorités actuelles, aux tendances hip-hop, rock, et même parfois dance et techno.
Avec des petits airs de Ad-Rock dans les timbres de voix, on n’est pas loin d’avoir devant nous des émules des Beastie Boys ou de Cypress Hill. Le public, qui semble conquis d’avance, chante par cœur la totalité des paroles, et vire complètement fou lors d’une pièce à l’échantillonnage de 360 de Charli XCX. C’est un vrai bon spectacle de festival, d’un groupe qui réussit autant à plaire à ses fans hardcore qu’à courtiser un nouveau public.

Finneas
Le frère de l’autre. Difficile de ne pas comparer avec Billie Eilish, la “vraie” enfant prodige de la famille. Pourtant, Finneas s’en sort vraiment très bien, enchaînant les morceaux tantôt au piano, tantôt au micro seulement. Un groupe solide de musiciens l’accompagne sur scène, une belle chimie opère et on sent le plaisir d’être là… Mais il manque un petit quelque chose, est-ce la présence scénique? Le charisme?
Finneas reste un peu “passe-partout” pour un festival, meublant parfaitement une plage horaire, mais on ne sort pas d’une perfo’ de l’artiste en trouvant qu’on a réellement “vécu quelque chose”. On a passé un bon moment, sans plus.

La Femme
La Femme souffre de gros problèmes techniques dès le début de leur performance, amputant leur set d’au moins 15 minutes. La foule, composée à 80% de Français, ne cesse de les encourager pendant les tests interminables.
Et puis ça y est, les problèmes sont (à moitié) réglés, La Femme commence et ça sera un feu roulant jusqu’à la fin de leur performance! Interchangeant les micros qui ne fonctionnent pas, les membres du groupe ne se découragent pas et donnent tout ce qu’ils ont, le guitariste jouant avec ses dents, la claviériste s’adonnant à des petites chorégraphies, la chanteuse principale prenant les devants de la scène, le chanteur-claviériste décrochant son keyboard comme si c’était une keytar, tout ça à tour de rôle, comme si chacun avait besoin de son petit moment de gloire.
Parlant des membres du groupe, aucun ne semble provenir du même groupe de musique. Il y a le guitariste en chemise hawaïenne, le chanteur en coat de Michael Jackson, la chanteuse en robe à la Françoise Hardy, la claviériste déguisée en écolière, le claviériste qui pourrait être dans une version chic des Strokes et le gars qui a plus l’air de monter des chars à Blainville.
C’est disparate, mais le tout fonctionne parfaitement bien, un band bien rodé qui fait passer les problèmes techniques, comme des peccadilles parce que hey, il en a vu d’autres.

Bibi Club et PYPY à la Scène Sirius XM
Dans une sorte de showcase sur une scène beaucoup plus petite que les autres, Bibi Club a démontré toute l’étendue de son talent et le mérite de se retrouver sur la courte liste des prix Polaris. Dans une perfo short’n’sweet de seulement 30 minutes, mais costaude, le duo complice enchaîne les morceaux mélodiques et entrainants devant une foule qui aurait pu en prendre davantage.
Puis suit le show de PyPy, à cette même petite scène pour la même durée, de véritables bêtes qui passent plus de temps à aller chanter, danser et jouer de la guitare dans la foule que sur scène, et encore ici, on se demande pourquoi Osheaga s’entête à confiner les bands locaux sur les scènes minuscules, alors que le festival pourrait jouer un vrai rôle de propulseur auprès d’une clientèle avide de découvertes.
Ni Bibi Club ni PyPy n’ont rien à envier aux bands sur les plus grandes scènes; en fait, ils ont même fait mieux que certains d’entre eux.

Jorja Smith
Je fais un petit saut à Jorja Smith, le temps de trouver une chanteuse en pleine maîtrise de sa voix aux sonorités soul, dont les chansons mêlent r’n’b, hip hop, afrobeats, disco et dance.
Ce que je remarque c’est surtout une belle vibe positive, une réelle joie de chanter et partager la scène avec ses choristes et ses musiciens. La chanteuse britannique a su créer une atmosphère intime dans un parterre plein à craquer de la Scène de la Forêt, faut le faire!
Barry Can’t Swim
Dès le début du set de Barry Can’t Swim, je me suis sentie parachutée en 1993. Gros dance mix’96, mais de 93, mais en 2025. Je me comprends. Avec des airs de Caribou/Daphni aux accents de piano et de drum bien prononcés, le jeune écossais réussit à créer de réels moments dramatiques, stoppant parfois les beats pour assumer des mélodies jouées seules sur l’un des trois claviers l’entourant.
J’ai un gros coup de coeur aussi pour les projections derrière lui et ses deux musiciens, mêlant animations, dessins à la main et formes géométriques mouvantes aux couleurs éclatées.
Bref, Barry ne peut peut-être pas nager, mais il peut certainement faire danser.

Doechii
Pendant Barry Can’t Swim, on voit les techniciens s’affairer sur l’autre scène à installer le décor du prochain concert, celui de Doechii, dans des aller-retour de plantes, gazon, représentations de lianes et marécages; on sent que le spectacle sera mordant et légèrement dirt.
Sans attendre l’heure prévue à l’horaire, Doechii apparaît sur une plateforme surélevée, tout sourire, fumant un joint d’entrée de jeu. On sent déjà que notre première impression de la thématique Biting & Dirting était la bonne! Elle enchaîne les morceaux Nosebleeds, Spookie Coochie et Bitch I’m Nice sans nous donner le temps de nous en rendre compte.
Doechii a un flow qui coule comme du mercure, tellement il est lourd, dense, mais fluide, il s’échappe de partout et il est difficile à contenir, et on sent que son thermomètre peut péter à tout instant, comme entre deux chansons où elle s’écrie, de manière tout à fait libératrice – autant pour nous que pour elle – “WHAT THE FUCK IS GOING OOOOOONNNNN!?”
Vraie bête de scène dans son vivarium, la rappeuse donne tout pour ce premier concert en sol canadien (rien de moins!), dansant, twerkant, montrant ses fesses sous sa jupe en demandant à ses détracteurs de “Kiss my *ss!” ou en faisant la split.
Malgré ces gestes se voulant provocateurs, le public en redemande, parce que tout le monde comprend le ton ironique de Doechii, le personnage dur et tendre, la femme forte et anxieuse, la sérieuse et la goofy. La rappeuse est tout ça à la fois, complexe et plurielle, et c’est sans doute ce qui nous touche le plus.
DJ Miss Milan, son acolyte, toujours aux aguets pour lancer un sampling “DO-DO-DO-DOECHIIIIIII” fait partie intégrante du concert, les deux femmes se nommant l’une après l’autre plusieurs fois durant le set, demandant à la foule de réagir. Alors que les premières chansons interprétées étaient très rap, Doechii bifurque vers ses morceaux plus pop en mi-parcours, toujours en s’assurant que le public a autant de plaisir à la suivre, laissant aller une belle voix lors des bouts plus mélodiques de ses chansons. Elle enchaîne les Catfish, Crazy, Anxiety, Slide, Denial Is A River puis Boom Bap, dans une sorte de setlist de rêve, qui ne pouvait mieux terminer notre première journée d’Osheaga.
Une (trop?) courte performance de 50 minutes plus tard, nous sortons du show de Doechii (es)soufflés, ébahis, convaincus qu’elle est l’une des grandes artistes du hip hop des dernières années et qu’on a hâte de la voir évoluer.
Et si… ce n’était pas vraiment la fin? Une apparition comme invitée samedi sur la scène avec Tyler, The Creator ne serait pas de refus!
Crédit photo: Benoit Rousseau, Tim Snow et Julio Alejandro