
La Noce 2025 | Jour 3: Avec pas d’casque, Gabriella Olivo, Les Shirley, Corridor et Patrick Watson
Un autre programme pas piqué des vers nous attendait lors de la troisième et dernière journée de la Noce de laine. Malgré les caprices de Dame Nature, on a eu droit à une ultime veillée particulièrement marquante. Maintenant on sait que laine et pluie font bon ménage.
Les shows de quand il faisait beau
Sur le coup de 14h30, je m’étais donné rendez-vous avec Stéphane Lafleur et son équipe d’Avec pas d’casque. Placée sous un aride soleil de juillet, la formation ouvrait le bal de cette dernière journée nuptiale. Alors que les nombreux spectateurs, présents en grand nombre pour un samedi après-midi de Noce, s’enduisaient de crème contre les UV, le tendre groupe a déballé son sac de chansons folk, ratissant large dans leur discographie.
Lafleur et sa gang ont, entre autres, su nous charmer avec d’excellentes pièces de l’album Cardinal, comme Quelque chose, Flamboyons et Accepter le mystère. D’ailleurs, sur les premières notes de cette dernière, un magnifique papillon amiral s’est déposé sur le bout du doigt d’une voisine dans la foule pour y rester quelques secondes, nous offrant un joli mystère à accepter.
Sur scène, le groupe s’affairait avec doigté, entre la mélancolie de l’euphonium de Mathieu Charbonneau et des guitares aux habits country. Ainsi, il a clôt un excellent concert avec des morceaux populaires, comme La journée qui s’en vient et flambant neuve que la foule a harmonisé avec le chanteur. « C’est 100 fois mieux qu’Osheaga », a lancé Stéphane Lafleur, sourire aux lèvres, décrochant la satisfaction des spectateurs.
Puis, pour une énième fois ce week-end, j’ai effectué la courte marche en descente vers la petite scène. Cette fois, c’était pour y retrouver Gabriella Olivo. L’artiste nommée Révélation Radio-Canada 2025-2026 venait nous bercer au son de sa proposition dream pop contemplative habitée par ses influences latines.
Au son du fingerpicking subtil et des arrangements doux assurés par son band, qui rassemblait notamment les musiciens de blesse, Olivo chante en espagnol et en français sur les chansons indie pop que l’on peut retrouver sur ses EP Sola et A todos mi amores. Petit bémol, la jeune artiste a été, par moments, enterrée par un soundcheck tonitruant sur la grande scène, nous sortant légèrement de la douceur de sa musique. Elle a tout de même assuré dans les circonstances avec la qualité de sa voix, des arrangements et de la chaleur de ceux-ci qui accompagnaient les derniers rayons ensoleillés de la journée.
Les shows de la grisaille
C’est sous un ciel vraiment moins jovial qu’est arrivé le concert du power trio punk rock Les Shirley. Avec énormément de conviction et une présence scénique absolument contagieuse, les trois musiciennes ont offert un moment des plus relevés à la foule. Menée par les interventions naturelles et savoureuses de la fougueuse Raphaëlle Chouinard, la formation, complétée par la batteuse Lysandre Bourdage et la bassiste Sara Dion, ont entrainé les noceux dans leur univers rock grinçant. Leurs excitants riffs ont eu un effet galvanisant sur la foule un peu raquée de son séjour à Chicoutimi. « Ça te replace l’estie de madame », a scandé Chouinard, après l’une de leurs compositions mouvementées.
Comme quoi ça nous prenait seulement une reprise ingénieuse de All the Things She Said de t.A.T.u., une corde de basse pétée et le charisme de ce trio pour nous préparer à notre dernière soirée de laine.
Plus tard en soirée, après une nouvelle performance impeccable de Bon Enfant, dont je vous évite le retour complet puisque nous avons écrit sur leur concert aux Francos en juin, c’était au tour de Corridor de faire des siennes. Devant une jolie foule ayant troqué la chemise fleurie et les Birkenstocks pour l’imperméable et les bottes d’eau, le groupe nous a fait plaisir avec son indie rock franc qui a retenti avec des chansons du dernier album Mimi et d’autres bangers plus anciens du groupe. Avec rythme, la formation montréalaise nous a réchauffés avant la folie qui allait suivre.
Le show du déluge
L’apothéose. La cerise sur le sundae d’une fin de semaine déjà délicieuse. Je vous parle bien sûr du concert de l’inimitable Patrick Watson. Même si tout le monde dans la grande foule savait qu’une pluie diluvienne allait s’abattre sur nos cocos, personne ne voulait rater ça.
Plongé dans l’obscurité sur les planches, le chanteur a commencé son concert tendrement. Autour d’un micro subtilement éclairé, Watson et deux de ses musiciens se sont réunis pour chanter Silencio au son la guitare dépouillée. Le jeu d’ombre sur scène, accompagné des éclairages aux couleurs vives ajoutaient au mystère de cette prestation. La voix unique de l’artiste, quant à elle, a aussi résonné au son de sa reprise de Creep de Radiohead et de la sublime To Build A Home. Pour celle-ci, Patrick Watson est allé chercher un gros tricot, se l’est enroulé autour de la tête avant de le tendre au public qui l’a déroulé longuement. Un moment absolument privilégié en a émané, avec cette connexion, ce tissu qui arpentait l’immense foule.
Les émotions n’étaient pas près de s’arrêter, loin de là. Avec la folie qu’on lui connait, Watson a sillonné les planches entre le micro de l’avant-scène et son piano, ponctuant son passage de commentaires impromptus à son équipe au son et de rires de satisfaction ou simplement parce qu’il avait du fun.
Son interprétation de Melody Noir a envouté tout le monde, mais c’est Je te laisserai des mots qui nous a scié en deux. La seule chanson francophone de sa discographie s’est emparée des corps des festivaliers et a déclenché le déluge attendu. Une lourde pluie a commencé à tomber, ajoutant à l’unicité du moment.
Puis, les éclairs. En raison des enjeux de sécurité, les organisateurs ont dû tirer la plug du concert, laissant toutefois planer la possibilité de le finir si la situation météorologique s’améliorait. Transis par l’une des plus fortes averses que j’ai eu la chance de voir depuis longtemps, nous sommes plusieurs à nous être réfugié sur le site, dans l’espoir de retrouver le chanteur plus tard. Après une quarantaine de minutes, les nouvelles n’étaient pas bonnes. Un membre de l’équipe de la Noce est venu nous avertir que le Montréalais n’allait pas remonter sur scène et que c’était ainsi que se terminait l’édition 2025 du festival. Atterrés, nous nous sommes avoués vaincus et avons entrepris un retour à la maison.
Mais passant devant la grande scène, sur le chemin du retour, qui ne voit-on pas au loin? Un certain Patrick Watson se déposant devant son piano, et une minuscule foule en liesse devant lui. Il était de retour! Sans être obligé de le faire, Watson a voulu terminer les choses qu’il avait commencées. Dans ce que je qualifierais de l’un de mes moments les plus fous vécus en concert, le musicien nous a présenté, sous la pluie battante, The Great Escape et Here Comes The River, fermant généreusement les livres d’une soirée qui devait initialement se terminer abruptement. Les souliers, comme des marécages boueux, nous avons une nouvelle fois accepté le mystère et jubilé au son de ses plus belles créations.
Quelle grisante façon de terminer cette excitante fin de semaine. Hier soir, constamment plongés dans l’ombre et sous la flotte, Patrick Watson et ses comparses l’ont fait pour la musique et la musique seulement. Un immense merci pour ça, on s’en rappellera longtemps.
Merci à toi aussi la Noce, la laine te va à merveille.