Mutek 2019 — vendredi le 23 août
4e soirée de ce 20e Mutek où s’enchaînaient Loscil, Drew McDowall, Steve Bates, Kathy Hinde et bien plus.
A/Visions 2
La deuxième soirée de A/Visions s’est superbement bien déroulée avec Loscil, projet ambient drone du producteur Scott Morgan, qui nous présentait des pièces en direct de son dernier album Equivalents. Les visuels étaient particulièrement relaxants, passant des nuages aux percées de soleil, à de l’eau qui bouille en gros plan ou un paquet de bulles qui ne savent pas trop où elles vont, tout ça ponctué par des éléments géométriques. La variation entre l’aérien, l’aquatique et le terrien créait une respiration entre la légèreté et la lourdeur, créant une correspondance avec la densité de la partie musicale. L’équilibre entre les images concrètes et la trame abstraite a réussi à créer un effet de contemplation, parfois équivalent à regarder un paysage à perte de vue.
La deuxième partie avait l’honneur d’accueillir l’artiste Drew McDowall, ancien membre de Coil et Psychic TV, en chair et en os pour présenter une version en direct de Time Machines, album de Coil sorti en 1998, en compagnie de Florence To aux visuels. Le niveau de minimalisme de la pièce était fascinant, commençant par établir une seule onde, un seul filament qui se doublait pour créer momentanément un effet de battement dans l’oscillation. Les ondes se sont dédoublées progressivement, accompagnées par des rayures verticales projetées dans la moitié inférieure de l’écran. Les quatre parties de l’œuvre ont hypnotisé le public les unes après les autres en croisant les ondes sonores et en jouant avec leur niveau d’harmonies, pendant que les rayures les suivaient comme des lignes d’autoroutes hallucinatoires frétillant à chaque oscillation. L’effet d’immersion était particulièrement réussi.
Play 2
Steve Bates et Michaela Grill du Black Seas Ensemble démarrait la deuxième soirée Play avec des extraits en direct de leur dernier album Atmospheres, Soundtracks and Transmissions (et peut-être d’autres trucs également). Bates a pris son temps pour développer une trame sonore constituée de vent saturé et de feedback, de pulsions noise et de réverbérations amplifiées. Visuellement, Grill proposait en parallèle des feuillus agités par le fameux vent saturé, et autres éléments de la nature filtrés et réinterprétés de manière abstraite de façon à créer une correspondance avec la musique.
Kathy Hinde a complètement changé l’atmosphère avec son projet Twittering Machines, présenté sur scène avec une panoplie d’instruments acoustiques, dont une boîte à musique avec cartes perforées de chants d’oiseaux. L’introduction et la conclusion enveloppaient la pièce avec du code morse comme source rythmique, à laquelle se fondaient de la synthèse analogique et des échantillons d’enregistrements sur le terrain. Le mélange ressemblait à un documentaire nature expérimental en 16 mm, avec en particulier un passage sur le comportement de tel oiseau décrit par un animateur britannique. Petit coup de cœur ici qui m’a fait penser à Monty Python (désolé pour le lien obscur). La dimension acoustique de la performance a apporté un contraste remarqué aux générateurs d’ondes entendus dans la salle depuis la veille, le public était visiblement ravi du lien concret entre la matière physique et sa mutation en matière numérique.
Nelly-Ève Rajotte assurait la troisième partie avec une version en direct de son projet Rückenfigur, performance audiovisuelle inspirée par l’île Rügen en Allemagne. L’ouverture nous a donc transportés doucement à la fameuse île, mélangeant des visuels abstraits et concrets de celle-ci avec une trame enveloppante reprenant les mouvements des vagues et du vent, et de leurs différentes mélodies jouées sur les rochers et feuillus. L’effet immersif du voyage a bien fonctionné. Pour ma part, il y a un segment durant lequel la boucle mélodique a pris le dessus sur les variations en direct, donnant une impression de répétition quand même intense.
Quel plaisir de continuer la soirée avec Myriam Boucher et Pierre-Luc Lecours, qui nous avaient proposé Imaginary Landscape à MUTEK 18 en compagnie de Charlotte Layec à la clarinette basse. Cette fois-ci, les musiciens impliqués n’étaient pas sur scène, mais échantillonnés de façon à pouvoir recréer leurs performances numériquement, en notes attachées ou en pièces détachées. Le duo était là pour présenter Elements, nouvelle pièce inspirée par les quatre éléments de la nature, thème rendu avec précision dans la correspondance image/son et avec une intensité qui se rapprochait parfois de certains phénomènes naturels, justement. Le public a réagi de façon très enthousiaste, comblé par l’expérience audiovisuelle de changements climatiques.
J’étais également comblé à partir de là, mais Joni Void a continué la soirée avec une version audiovisuelle de son album Mise en Abyme, accompagné par l’artiste pluridisciplinaire Sonya Stefan aux projections visuelles. Flora Yin-Wong fermait ensuite le programme avec sa performance Áskesisen duo avec l’artiste Go Watanabe.