Concerts

Mutek 2019 — mercredi 21 août

Deuxième soirée de Mutek 2019 où se sont succédés Kazuya Nagaya, Tim Hecker avec le Konoyo Ensemble, Chloe Alexandra Thomson et Matt Henderson, Luca Paris, Ash Koosha & YONA et finalement Matmos pour finir en beauté.

Crédit : Mutek / Myriam Ménard

X/Visions

Le début de la soirée s’annonçait plutôt calme avec l’artiste japonais Kazuya Nagaya, qui compose de la musique ambient agrémentée de percussions traditionnelles. Les rideaux du Théâtre Maisonneuve se sont ouverts sur l’artiste assis au centre sur un coussin devant son portable, entouré de plusieurs cercles de bols métalliques et de quelques bols plus gros à sa proximité, dont un qui se jouait de façon circulaire. La performance a commencé très progressivement avec Nagaya qui prenait le temps de manipuler le bâton de bois et de frapper les différents bols/notes dans un geste fluide pour établir le flot de la pièce. Je m’attendais à ce que les bols (et leur réverbération) restent au centre de la performance, mais c’est finalement une trame new age émanant du portable qui a servi de fil conducteur, reléguant les 212 bols à un décor de scène sur lequel l’artiste allait cogner de temps en temps. L’effet d’introspection a donc plus ou moins fonctionné pour moi, et pas du tout pour la centaine de spectateurs qui ont quitté la salle durant la performance.

Crédit : Mutek / Myriam Ménard

Après le changement de décor, Tim Hecker & Konoyo Ensemble ont amorcé leur performance en combinant un drone étouffé avec une flûte, combinaison simple au départ, mais dont la partie flûte était reprise par Hecker et trafiqué selon l’évolution de la pièce. Strident est un mot faible relativement à la sensation de la flûte qui atteint les oreilles comme un avion de chasse perçant les tympans et faisant craquer le crâne autour du canal auditif. Je me suis retrouvé dans l’obligation de mettre mes bouchons d’oreille, décision qui m’a permis d’apprécier la performance pendant une trentaine de minutes durant laquelle le Konoyo Ensemble performait « normalement » sur leurs instruments traditionnels, et Hecker amplifiait et saturait le tout à un niveau démesuré. J’ai ainsi quitté la salle en voilier, mu par l’air déplacé par les basses fréquences, en compagnie d’autres spectateurs qui ne souhaitaient pas aller voir l’ORL le lendemain.

Crédit : Mutek / Myriam Ménard

Nocturne 2

La soirée continuait de façon audiovisuelle à la salle des Studios des 7 Doigts avec Chloe Alexandra Thompson à la musique et son complice Matt Henderson aux visuels. Malgré de petits ajustements de salle au début de la performance (les lumières des réfrigérateurs à bière au bar bavaient sur l’écran de projection), le duo a déployé une atmosphère manufacturière constituée de bourdonnements fréquentiels rythmés et de projections quadrillées, voire tricotées. L’évolution de la partie visuelle faisait passer le public à travers les mailles/points des motifs projetés, pendant que la musique variait en clarté et en densité. À un certain moment, Henderson a allumé une lumière permettant à un appareil de captation 3D de filmer le duo et de projeter leur silhouette sur l’écran, sous forme de particules lumineuses alimentées en vagues comme une lecture de sonar. L’effet était captivant, même si l’élément géométrique en 3D qui l’enveloppait semblait un peu simple, comme limité par des mouvements de screensaver.

Crédit : Mutek / Myriam Ménard

Lucas Paris a assuré la suite avec son nouveau projet : Emotional Synthesis, croisant (entre autres) des visuels inspirés de la synesthésie avec une musique IDM qui fluctue entre le filament minimaliste et la densité corrosive. La correspondance entre la musique et l’image était impressionnante, et particulièrement satisfaisante durant les séquences plus rythmées. Le public a fini par embarquer complètement rendu au segment sponsored by, durant lequel le thème de l’œuvre était amené au centre de la performance. Après une coupure franche permettant quelques secondes d’applaudissements, Paris est reparti sur une séquence EDM et la mention « art washing », au grand plaisir du public. Suivant l’interlude dance, une suite d’émoticônes combinant une expression faciale avec une source de stimulus se succédaient rapidement vers une finale représentant le lavage de cerveau provoqué par la mise en marché de l’expérience humaine.

Crédit : Mutek / Myriam Ménard

La performance de l’artiste iranien Ash Koosha a commencé énergiquement avec une trame électro pop sur laquelle YONA, créature virtuelle, chantait les paroles écrites à partir d’un programme d’intelligence artificielle, avec une voix générée par un programme de « Text to Speech ». La projection durant la première pièce était hallucinante, représentant le buste de YONA en flux énergétique sur fond uni, bien qu’Ash Koosha brillait par son absence, proposant une scène vide habitée seulement par l’écran. Ça a changé un peu d’atmosphère à partir de la deuxième pièce avec une représentation de YONA en train de danser, contrastant le niveau de résolution entre la chanteuse, qui semblait sortir d’un jeu de The Sims, et le décor abstrait qui se démarquait dans la précision des lumières et reflets 3D. Sans la présence de Koosha sur scène, l’impression de « playback » a pris le dessus sur la performance, qui est malheureusement devenue froide et impersonnelle.  

Crédit : Mutek / Myriam Ménard

Difficile de mieux terminer la soirée qu’avec le duo Matmos et leur palette sonore éclectique intégrant des éléments inspirés de la musique concrète dans des structures électro-pop et techno. Le joyeux duo nous présentait la version scénique de leur dernier album, Plastic Anniversary, en chair, en os et en plastique comme ils le disent. Ça a fait plaisir aux oreilles d’écouter des objets sonores et de la matière première, en contraste à toutes les manipulations de circuits électroniques.

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