Lenny Kravitz au centre Bell : le grand riff originel
Cela faisait un bail que l’on n’avait pas vu à Montréal le guitariste et chanteur américain de 55 ans dont la tournée Raise Vibration faisait escale chez nous avant de poursuivre sa route vers Trois-Rivières samedi dernier.
Malgré quelques sièges libres dans cette configuration de salle intermédiaire, entre celle des grands soirs (U2, McCartney, Coldplay, voyez le genre?) et celle du ‘’Théâtre’’ qui embrasse l’extrémité de la patinoire et qui peut accueillir environ quatre mille spectateurs, la scène sans écran de Kravitz (face à des sièges, s’arrêtait à la section rouge) était sans artifices, ni grands jeux de lumières, une plate-forme derrière sur fond de stores vénitiens géants et ornés de cornes (géantes aussi) qui rappellent au premier regard dans sa disposition les couronnes de laurier de Loud. C’est tout. Mettons qu’avec le look de rock star psychédélique de l’icône du rock classique, le voir de près dans toute sa splendeur avec ses postures et sa dégaine sur sa Les Paul aurait été de mise, voire essentielle pour les nombreux fans qui le suivent depuis 1989. Rare qu’on voit ça de nos jours, un show au Centre Bell pas d’écrans, mais bon.
Concert en demi-teintes faut se le dire. Un début flamboyant avec toute la ‘’rock attitude du personnage’’, dreads, chemise ouverte, colliers, veste courte qui s’arrête bien au-dessus de la taille, bottillons sixties, les jambes écartées, la guitare au niveau des hanches, le gros flash mauve fantasmagorique psyché-rock jouissif, quoi!. Haut perché derrière, il enchaîne une série de morceaux rock qui cognent dur, Kravitz s’occupe surtout des riffs, son guitariste des solos, ça décoiffe, ça percute, c’est bel et bien le Kravitz qui renvoie à son image. Des titres? We Can Get It All Together, Fly Away (oui, on décolle), Dig In, Bring It On et sa version d’American Woman des Guess Who qui se muera en reggae avec l’obligatoire clin d’oeil à Get Up Stand Up du Messie Marley. Efficace, même si convenu. Les trois joueurs de cuivres qui se sont glissés dans le concert ont donné le tonus prescrit. Le public, extatique, répond de ces premiers coups de canon par une clameur des grands soirs. Que nous réservera-t-il pour la suite de ce concert de deux heures et quart qui débuta à 20h15 sans entracte ni première partie?
Kravitz s’est ensuite lancé, pour ne pas dire enlisé, dans une longue tirade de ballades soul, de messages prêchi-prêcha – ’’célébrons et bénissons une autre journée sur terre’’ (Bonjour le vieux groupe motown Rare Earth et sa chanson Celebrate!- “I just want to celebrate, another day of living’’) – en déclinant les Fields of Joy, Freedom Train, Stillness of the Heart et la sulfureuse It’s Not Over Till It’s Over, où Kravitz étale sa voix de falsetto, Low et I Belong To You se sont ensuite enchaîné, bref, une bonne heure de chansons mielleuses qui s’étiraient dans leur forme et leurs arrangements. Dans ce registre, aux antipodes du rock, il se la jouait un peu crooner, chantait dans les hautes, ce qui est parfait, mais racolait un brin trop. Comme on dit dans le monde de l’impro: il y a eu décrochage!
Lorsque Mr. Cab Driver a réanimé le public aux trois quarts du concert (souvenir d’une perfo mémorable au Club Soda en 1989, aujourd’hui Théâtre Fairmount), l’effet boeuf des premiers titres n’était plus le même, puis quelques chansons plus tard, Lenny Kravitz nous larguait pour clore la soirée son gros tube rock en pleine face, Are You Gonna Go My Way, qu’on entend dans ce même aréna lors des matchs du Canadien.
Au rappel, les fans de la première heure ont été ravis d’entendre Let Love Rule avec son grand crescendo final, hymne d’un second souffle rock classique sorti tout juste avant la vague grunge qui déferla au début des années 90.
Superbe chanson fédératrice d’un musicien qui nous a présenté, vendredi avec ses trois cuivres et quatre musiciens dont la bassiste Gail Ann Dorsey qui avait l’air d’un moine tibétain avec sa tête rasée et sa longue toge, les deux facettes de son numéro: le compositeur et guitariste rock aux allures de sex-symbol qui chante magnifiquement aidé d’un son rétro qui s’abreuve aux bonnes sources en recyclant une irrésistible mouture et de l’autre côté, le chanteur de bons sentiments en mode consensuel.
Comme on dit parfois: on en aurait pris moins, mais avec juste les meilleures, traduire ici: 90 minutes. Le gars a dans sa besace un bel éventail de chansons. Il a la forme et le talent pour nous en pondre des aussi bonnes. Mais en spectacle, tout est question de pacing, n’est-ce pas? Une belle soirée malgré tout!