Francos de Montréal 2023 : Keith Kouna
Fort de son excellent long format intitulé Métastases — mon album québécois préféré de l’année en cours, il va sans dire —, Sylvain Côté, alias Keith Kouna, présentait un concert fort attendu par ses fans dans le cadre des Francos de Montréal.
Photos par Alexanne Brisson (avec quelques extras de Bønanza et Social Dance)
Et ce sont les mythiques Foufounes Électriques qui avaient le privilège d’accueillir cet excellent créateur chansonnier qui mériterait sans aucun doute un meilleur rayonnement !
Métastases est l’aveuglante démonstration de tout l’étendu du talent d’auteur-compositeur qui habite Keith Kouna. L’artiste est un parolier d’exception que je n’hésite aucunement à comparer à Richard Desjardins, tant sa plume est unique et percutante à la fois.
Et le bon Keith en concert, ça donne quoi ?
Eh bien, le sympathique punk a démarré sa prestation avec Le narratif, pièce tirée bien entendu de son plus récent opus. Dès la chanson suivante intitulée Bouquet, on a pris conscience rapidement de l’importance qu’aura le claviériste Vincent Gagnon tout au long du spectacle. Le groupe qui accompagne Kouna, fort compétant par ailleurs, bénéficie grandement du boulot colossal accompli par Gagnon, lui qui colore magnifiquement les chansons assez « carrées » de l’auteur-compositeur.
Kouna et ses acolytes nous ont présenté une version bien grasse de Y faut des sales pour ensuite nous faire rigoler avec la comptine G3A 1W8. Coup de chapeau à la version musclée de C’est un bum. Quand le chanteur a entamé Le Travail, autre pièce extraite de Métastases, je n’ai pu m’empêcher de sourire en entendant le public chanter en chœur cette chanson portant sur nos existences assujetties démesurément au sacro-saint boulot. Tout juste avant Les Américaines, il nous a confié qu’il conservait « un cartoon de Marlboro dans son congèle… en cas de guerre ! ». L’homme manie admirablement bien l’ironie.
Après une version plus percussive des Vieux qui courent, l’artiste m’a fait bien plaisir avec une interprétation explosive de Les gens; une chanson qui tombait à point nommé. En effet, depuis le début de la soirée, dès que l’artiste y allait d’un moment plus apaisé, le quart de l’auditoire se mettait à jacasser sans égard à ce qui se passait sur scène…
Pendant Aéroplane, un courageux spectateur s’est lancé doucement dans la foule afin de la surfer; un moment aussi étrange que poétique. Évidemment, j’ai fortement apprécié la relecture plus abrasive de Pas de panique, morceau portant sur la superficialité de tout ce qui gravite autour de « l’industrie du disque ». Kouna s’est alors transformé en une version punk de Philippe Katerine.
Avant que ses accompagnateurs le laissent seul en scène pour conclure le concert en mode acoustique, Kouna a interprété de manière magistrale Requins, un autre titre provenant de Métastases. Avant d’entamer son moment esseulé, un bris d’équipement est venu retarder sa prestation, mais tout est finalement revenu à la normale. Il a entre autres enchaîné avec des versions dépouillées et senties de Coat de cuir, un classique des Goules — mythique formation punk menée par Kouna — et de Marilyn.
Et il nous a littéralement arraché le cœur avec l’émouvante Napalm, morceau-phare de l’album Du plaisir et des bombes (2012), et avec Au Revoir qui deviendra sans aucun doute un incontournable de son répertoire.
Keith Kouna est un artiste généreux, charismatique et bouleversant de sincérité. Or, il est aussi injustement mésestimé. Mais l’homme s’en fout éperdument. Dans une entrevue accordée à l’excellent journaliste culturel Domnic Tardif du journal La Presse, il déclarait que « L’idée, c’est de durer et de ne surtout pas attendre les médailles, l’argent et le succès […] De toute façon, il y a toujours eu du monde trop connu qui ne devrait pas l’être et du monde peu connu qui devrait l’être plus ».
Voilà, tout est dit.
Crédit photo: Alexanne Brisson