Concerts

FME 2023 | Jour 3 : Tess Parks, Philippe B, Karkwa, Ammar 808, The Mugzy and Maam Show, Les Lunatiques, DVTR, Truckviolence et Tukan

Pour cette troisième journée en territoire abitibien, j’ai jeté mon dévolu sur les concerts de Tess Parks, Ammar 808, The Mugzy and Maam Show, Truckviolence et Tukan. Pour sa part, LP Labrèche a couvert les spectacles de Philippe B, Karkwa, Les Lunatiques et DVTR.

Tess Parks, Le Paramount

Puisque je suis preneur des créations auxquelles participe le meneur de la formation The Brian Jonestown Massacre, Anton Newcombe, j’ai écouté plus attentivement les deux derniers albums de la Torontoise Tess Parks en préparation à la couverture de ce concert. I Declare Nothing (2015) et Tess Parks & Anton Newcombe (2018) sont, bien entendu, fortement empreints de l’univers rock psychédélique de l’Américain.

Hier, au Paramount, c’était en mode esseulée que la Canadienne s’est présentée sur scène tout juste avant la prestation de Karkwa. Je souligne ce fait, car seule, avec sa guitare électrique en bandoulière, Parks devait capter l’attention d’un public qui attendait impatiemment l’arrivée d’un groupe hautement respecté ; une formation qui, de surcroît, offrira sous peu à son public un premier long format en treize ans.

Et sans l’apport d’un groupe capable de recréer les atmosphères « cannabisantes » qui caractérisent ses chansons, Parks devait faire preuve d’une présence sur scène plus assumée. Malheureusement, sans les arrangements de Newcombe, les structures chansonnières assez linéaires de Tess Parks ont été mises à nu. Ne restait plus que cette voix envoûtante, évoquant celle de Hope Sandoval (Mazzy Star), pour nous garder en vie.

Dans une salle plus intimiste, et sans la pression de réchauffer un public qui n’en avait que pour son groupe favori, Parks aurait sûrement mieux tirée son épingle du jeu.

À revoir dans un contexte plus favorable.

Crédit photo : William B. Daigle

Philippe B, Agora des arts

Nous avons couvert Philippe B quelques fois cet été, mais bon… moi, je ne l’avais pas encore vu et je trouvais que ce concert en tant que « homeboy » au FME était la parfaite occasion d’entendre de mes propres oreilles les excellentes chansons de Nouvelle administration, paru un peu plus tôt cette année. Je n’ai pas été déçu ! C’est un fin raconteur (c’était ma première fois avec Philippe B) qui nous transporte à travers ses pièces en slalomant de l’une à l’autre à coup d’anecdotes comiques et de belle humanité. Avant de faire Pauline à la ferme, il raconte l’histoire derrière la création de la chanson alors que pendant la pandémie, il était allé faire un concert au Festif! de Baie St-Paul, plus précisément dans une ferme près de Charlevoix. C’était la première sortie de sa petite famille après la grande fermeture que nous avons connue. Puis, il enchaîne avec cette savoureuse déclaration : « Si ç’a avait été à Rouyn, ça aurait été Pauline chez Morasse! » Et les rires ont fusé. 

Épaulé sur scène par les talentueuses Marie Claudel et Ariane Bisson-McLernon, il a proposé un savant mélange de nouvelles chansons et de pièces de son répertoire. Rouge-GorgeMarianne s’ennuieNocturne #632California GirlCheveux courts, cheveux longsInterurbainLes orages là-bas et quelques autres. C’était un baume sur le semi-zombie que j’étais après trois jours de festival à Rouyn-Noranda et ça m’a réchauffé le cœur comme s’il avait été placé au micro-ondes à « high » pendant 5 minutes. 

Crédit photo : William B. Daigle

Karkwa, Le Paramount

Bon, on ne se le cachera pas, c’était LE concert qui était attendu, alors que Karkwa allait présenter de nouvelles chansons de Dans la seconde qui paraîtra vendredi prochain. Eh ben, le groupe n’y a pas été légèrement sur les nouvelles pièces, passant à travers l’entièreté du nouvel album (je le sais, je l’ai déjà écouté… j’entends vos cris de jalousie jusque dans ma chambre d’hôtel). J’espérais que le groupe joue Gravité qui me semblait particulièrement propice à la scène et ce fût le cas. C’était tout aussi bon que je me l’imaginais. Les moments musicaux de ce nouvel album, qui prennent souvent presque l’allure d’improvisations, se traduisent merveilleusement sur scène. 

À tout ça, il faut ajouter l’atmosphère qui régnait sur scène. Il n’y a rien de plus beau que de voir des musiciens qui s’échangent des sourires complices après une pièce bien réussie ou de voir qu’un de la gang prend le « lead » pour nous emmener en voyage musical. Ces moments étaient légion dans le Paramount alors que nous étions en train de perdre une bonne partie de notre eau en raison de la chaleur incroyable de la salle. Karkwa était d’ailleurs lessivé sur scène, mais ça n’a pas empêché François Lafontaine d’être aussi incarné derrière ses claviers. Je me souviens de la première fois que j’ai vu le groupe, il doit bien y avoir 15 ou 16 ans maintenant, et mon impression de ce claviériste intense à souhait est demeurée intacte. Visiblement, les années n’ont pas calmé le feu qui l’anime lorsqu’il joue avec ses amis. C’était beau à voir. Tout comme le sourire de Julien Sagot derrière ses percussions. Le trio rythmique de Sagot, Stéphane Bergeron et Martin Lamontagne était d’une solidité exemplaire. 

En plus des nouvelles chansons, Karkwa nous a envoyé quelques bons classiques par la gueule dont Pyromane qui a donné lieu à un beau moment de chant par la foule. Le courant passait entre la salle et la scène. Ce fût aussi le cas pour Oublie pasL’acouphèneMoi-légerLe compteur28 joursÉchapper au sort et Dormir le jour. Pendant Les Chemins de verre, la guitare de Louis-Jean Cormier a décidé de rendre l’âme. S’arrêtant, Cormier a demandé qu’on recommence : « Ça fait 13 ans qu’on ne l’a pas fait, c’est pas vrai que je vais la faire avec une guitare qui marche pas.» 

Le groupe est revenu pour un rappel généreux de trois chansons pour donner suite aux applaudissements nourris de la salle. Deux nouvelles, L’échafaud et Du courage pour deux en rajoutant entre les deux L’épaule froide des Tremblements s’immobilisentKarkwa était en grande forme et a démontré à quel point ce sont des machines de guerre musicales. Comme le bon vin, Karkwa continue de s’affiner avec le temps. Je vous le recommande chaudement si ça passe par chez vous prochainement.

Ammar 808, Petit Théâtre du Vieux-Noranda

Ammar 808 est un projet électro mené parSofyann Ben Youssef. L’artiste amalgame de manière inventive des échantillonnages de musiques maghrébines et indiennes, des nappes hypnotiques ainsi que des chants transcendants. En y greffant des rythmes matraqués et de la grosse basse qui fait vibrer le corps tout entier, Ammar 808 m’a complètement conquis.

Derrière le DJ, des images étranges et malsaines d’humains à tête de boucs défilaient en rafales augmentant ainsi la charge pulsative de la prestation. Or, en plein climax, l’attirail technologique de Ben Youssef a rendu l’âme momentanément. Difficile de raccrocher un public sur le point d’entrer en transe quand ce genre d’imprévu survient. Comme un pro, Ammar 808 a repris là où il avait laissé, ce qui en dit long sur l’indéniable talent du bonhomme.

Honnêtement, j’en aurais pris plein les oreilles, et ce, pour tout le reste de la nuit. Mais festival oblige, l’homme a quitté la scène sous les applaudissements nourris d’un public gagné à sa cause.

Une magnifique découverte.

Crédit photo : Dominic McGraw

The Mugzy and Maam Show, Petit théâtre du Vieux-Noranda

Ce spectacle théâtral / musical met en vedette deux marionnettes extraterrestres. Les deux personnages, nommés Mugzy et Maam, s’animent grâce au travail de leur marionnettiste. Passé l’absurde surprise de voir deux figurines jouer le rôle de DJ, et après avoir bien sûr rigolé, il ne restait qu’à subir cette house music… mille fois entendue ! Après trente minutes à attendre patiemment qu’une surprise sonore se manifeste, quelle qu’elle soit, j’ai quitté la salle pour me diriger dans un tout autre univers, celui du punk / hardcore revendicateur de Truckviolence.

Quand la mise en scène surclasse en importance la musique…

Crédit photo : William B. Daigle

Les Lunatiques, Diable Rond

Ce n’est pas tout à fait la même chose qui se passait du côté du Diable Rond alors que Les Lunatiques venaient présenter les pièces de leur album Orange flottant, paru un peu plus tôt cette année. Décousu est le moins qu’on peut affirmer au sujet de la performance qu’ils ont offert. Le groupe offre des moments d’humour, mais le tout prend une éternité. Pour vous donner une idée, on a eu droit à un bon cinq minutes d’allumage et de « quêtage » de cigarette sur scène. On aurait dit une scène tirée d’un concert d’Éric Lapointe quand il est trop en boisson (ce qui arrive souvent). Les premières chansons n’étaient pas très « tight » non plus.  C’est dommage parce que les quelques moments où le groupe s’est décidé à jouer de la musique pour vrai, ça se passait bien. Ils sont tous très habiles et talentueux et ça donne de beaux moments. Bref, j’avais hâte de les voir sur scène et je suis resté sur ma faim. 

Crédit photo : William B. Daigle

DVTR, Diable Rond

On ne peut pas dire la même chose de DVTR qui a offert une prestation punk énergique et décoiffante en fin de soirée au Diable Rond. Laurence Giroux-Do se fait un plaisir de monter sur les enceintes pour crier sa vie dans le micro et ça fonctionne très bien. En vrai concert punk, c’était un peu déglingué au début et les surprises fusaient. Que ce soit une flûte à bec pour quelques chansons ou encore la chanteuse qui vient chanter dans le public. Le groupe a offert notamment la chanson-titre du groupe et l’excellente Vasectomie. Mais c’est avec la manière de terminer son concert que le groupe m’a le plus impressionné. Mais comme je ne veux pas divulgâcher le tout, je vais vous donner la chance d’aller les voir en concert au cours des prochains mois avant d’en parler. 

Crédit photo : FME

Truckviolence, Cabaret de la Dernière Chance

Au préalable, Truckviolence est un groupe formé de deux jeunes musiciens originaires d’une communauté autochtone albertaine qui ont décidé de s’installer à Montréal. Or, pour ce dégraissage d’oreilles en règle, Truckviolence s’est présenté sur scène en format trio : un batteur, un guitariste-banjoïste et un menaçant hurleur au charisme indéniable qui rappelle le jeune Henry Rollins.

Le dispositif scénique simple, mais efficace, était constitué d’une vieille télévision sur laquelle était présentée des vidéos VHS étranges de chasses à l’homme et d’un drap sur lequel on y décelait un fusil de chasse dessiné à la main. Le punk hardcore proféré par ce jeune trio est joué sans compromis et exprimé dans une rage authentique. Après trente minutes de cette charge cathartique, le chanteur a retiré l’uniforme d’ouvrier qu’il portait pour arpenter la scène en sous-vêtement, torse nu.

Est-ce que le trio devra travailler sur sa cohésion et modifier quelque peu ce « set list » un peu bâclé ? Bien sûr. Mais je salue ici la véracité avec laquelle sont exprimées les souffrances du peuple autochtone.

Si vous aimez les formations Death Grips et Black Flag, vous serez probablement attirés par ce que propose Truckviolence.

Tukan, Sous-sol du Petit théâtre du Vieux-Noranda

Et j’ai conclu cette soirée chargée avec l’électro organique de la formation belge Tukan. Si l’approche électro-traditionnelle offerte par le quatuor a le mérite de sortir des sentiers battus, après trente minutes de prestation, j’ai eu peine à déceler l’apport des instruments traditionnels à la house music aux accents jazzistiques proposée par le groupe.

Si Tukan « ramène les instruments au milieu de la piste de danse », en quoi font-ils la différence dans le son d’ensemble présenté par le quatuor ? Cela dit, le public, lui, semblait apprécier les trames pulsatoires de la formation. Et dans un cadre festivalier, c’est tout ce qui compte !

Voilà ce qui conclut ce troisième compte-rendu. L’ultime résumé de cette 21e édition du FME sera publié le mardi 5 septembre prochain.

Bon congé de la fête du Travail !

Crédit photo: Dominik McGraw

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