FME 2023 | Jour 1 : N Nao, Laurence-Anne, Quebec Redneck Bluegrass Project, Myst Milano et Population II
Après un long périple en direction de Rouyn-Noranda incluant un long détour involontaire vers Amos, j’ai donc assisté, hier, aux concerts de N Nao, Laurence-Anne et Population II. Dans ce premier compte-rendu, le bon LP Labrèche se joint à moi pour vous présenter un résumé des spectacles de Quebec Redneck Bluegrass Project et Myst Milano.
Et c’est parti pour un autre périple épuisant, mais assurément satisfaisant en terre abitibienne !
N Nao, Agora des arts
Naomie De Lorimier, alias N Nao, est une multi-instrumentiste de talent qui collabore notamment avec Laurence-Anne. Donc, de réunir les deux autrices-compositrices dans le cadre d’une même soirée relevait de l’automatisme pour les programmateurs du festival.
C’est donc N Nao qui avait le mandat d’ouvrir la soirée dans ce superbe endroit récemment rénové, l’Agora des Arts. En mars dernier, De Lorimier et ses acolytes nous présentaient une création singulière catégorisée pop expérimentale : L’eau et les rêves. Dans la critique de ce long format, mon estimé collègue et ami Mathieu Robitaille soulignait avec justesse la grande inventivité sonore et chansonnière de l’artiste.
Accompagnée par Samuel Gougoux et Charles Marsolais-Ricard, De Lorimier nous a présenté des relectures habiles des chansons de l’opus susmentionné. En plus des enregistrements en direct de pistes superposées, une voix noyée dans l’autotune, des crescendos cathartiques et une théâtralité sobre, mais assumée, c’est surtout la fluidité avec laquelle les chansons de N Nao s’imbriquaient les unes dans les autres qui m’a impressionné. Et ce n’est pas étranger à l’excellence individuelle des membres de ce trio. En concert, N Nao prend des risques sonores qui dynamisent ses chansons.
Dans Nymphe, j’ai pris conscience à quel point que De Lorimier et ses accompagnateurs refusent obstinément d’employer leurs instruments respectifs de manière « traditionnelle ». Je salue, ici, cet effort de sortir des sentiers battus au risque de s’aliéner le mélomane avide de structures chansonnières plus intelligibles. Lors d’un instant chargé d’émotion dans le concert, la scène fut plongée dans la pénombre. De Lorimier était alors éclairée par une lanterne manipulée avec soin par une technicienne de scène. Une évocation réussie de l’aube.
Bref, si vous aimez la pop expérimentale remémorant parfois le travail de Grouper ou de Julia Holter, ce que propose N Nao pourrait vous plaire. Pour ce qui est de celles et ceux qui préfèrent leurs chansons en mode plus accessibles, la fuite est peut-être l’option la plus appropriée…
Laurence-Anne, Agora des arts
Le troisième album en carrière de l’autrice-compositrice-interprète Laurence-Anne, intitulé Oniromancie, sera disponible très bientôt, le 8 septembre plus précisément. Dans le cadre du FME, l’artiste venait nous présenter sur scène le premier concert mettant en vedette les chansons de ce long format à venir. Réalisé avec la contribution de François Zaïdan, cet opus pousserait un cran plus loin les codes synthétiques et rêveurs des deux premières créations de l’artiste.
En voyant l’armada de synthétiseurs bien en vue sur scène — quatre postes « synthétiques », pour être plus précis —, une certaine appréhension liée au fait de devoir assister à un concert « froid » m’a envahi. Mais Laurence-Anne a eu tôt fait de casser ce préjugé de « mélomane-mononcle avide de guitares grinçantes », en employant cette lutherie synthétique de manière admirable. Rarement dans ma longue vie de mélomane ai-je assisté à un alliage aussi beau et pertinent d’autant de synthés. Cette prestation aurait pu verser dans un énième hommage aux sonorités des années 80. Or, Laurence-Anne et ses musiciens nous ancrent dans le vingt et unième siècle de belle façon.
La relecture dynamique d’un des premiers extraits de l’album, Polymorphe, — pièce évoquant subtilement Beach House — fut des plus réussies. Si en concert l’ancienne Laurence-Anne se campait en toute humilité derrière ses instruments, hier, l’artiste s’est transformée en une véritable « frontwoman » qui arpente la scène de long en large, allant même jusqu’à déambuler dans les marches de l’Agora des arts.
J’offre enfin une sincère génuflexion aux nouvelles chansons de l’artiste qui me semblent plus ramassées tout en conservant leur aspect tortueux. Coup de chapeau au boulot impeccable accompli par la section rythmique formée de Pete Pétel (batterie) et de l’excellent Jonathan Arsenault (basse).
Un solide concert qui ne pourra que se bonifier avec le temps.
Quebec Redneck Bluegrass Project, Scène Principale
S’il y a une chose qui est sûre, c’est que la formation menée par Jean-Philippe « Le Pad » Tremblay ne fait plus partie de la relève depuis belle lurette. En fait, QRPB arpente la province depuis plusieurs années en remplissant les salles de manière impressionnante. Hier soir n’était pas l’exception alors que la 7e rue était pleine à craquer pour venir chanter les hymnes « gawa » de la formation du Saguenay Lac-Saint-Jean, via la Chine. Le groupe a lancé les hostilités avec Mange-moé l’pad en se lançant dans un concert qui a duré bien plus d’une heure et demie. En plus de jouer plusieurs pièces classiques comme Tsé quand ça va ben, on a eu droit aux dix minutes de Guerres de clocher paru sur J’ai bu en 2020.
Si QRPB chante J’t’à côté d’la track, c’est à se demander si ce n’est pas le reste du monde qui n’est pas dans le champ quand on voit la ferveur que suscite la formation chez ses admirateurs. Je connais peu de public aussi investi et passionné que celui de la formation. Tremblay est toujours aussi impressionnant avec sa dégaine rapide qui reste en tonus tout au long du concert et qui est un peu la Nadia Comăneci de la babine.
Myst Milano, Petit Théâtre du Vieux Noranda
En provenance de Toronto, Myst Milano était de passage devant une foule timide dans le Petit théâtre du Vieux-Noranda. Ne se formalisant pas de la quantité, la jeune rappeuse y est allée avec toute la fougue qu’iel avait. C’est impressionnant comme elle a de l’énergie sur scène et qu’elle livre son rap avec habileté. Iel utilise beaucoup la sensualité à travers les nombreuses danses pendant sa performance et c’est peut-être son point faible. Ce serait beaucoup mieux d’avoir des danseurs qui font les gestes et elle qui se concentre sur le rap. Parce que ça donne un peu des enchaînements de rap-danse-rap. Ça créé des coupures alors que son débit est flexible et hypnotique.
Ses paroles sont plutôt premier degré encore, en tout cas dans ce qui a été présenté jeudi soir, et pourrait aussi gagner un peu plus en complexité, notamment dans le jeu des références qui est presque inexistant. Mais ça demeure une solide performance que Myst Milano a présentée au Petit Théâtre et nous allons certainement garder la Torontoise à l’oeil.
Population II, Diable Rond
Après la beauté de l’Agora des arts, c’est la franche, mais réconfortante odeur de houblon du Diable Rond qui m’attendait afin d’assister à ma première prestation d’une formation que j’apprécie beaucoup, Population II.
C’est au son de Go For A Soda de l’ineffable rockeur canadien Kim Mitchell que je me suis commandé un gin-tonic tout en attendant patiemment l’arrivée du trio aux accents rock psychédélique… Rouyn-Noranda, je t’aime !
Sachez que Population II avait présenté un excellent premier album en 2020. À la Ô Terre est un long format publié sur la maison de disques Castle Face Records, propriété de nul autre que John Dwyer, meneur incontesté des Osees. Le prochain album du trio, intitulé Électrons libres du Québec, lui, paraîtra le 6 octobre.
Évidemment, le groupe nous a présenté plusieurs nouvelles pièces auxquelles il m’est bien difficile de porter un jugement définitif. Cela dit, la formation improvise beaucoup en concert, mettant plus particulièrement de l’avant le son vrombissant de la basse de Sébastien Provençal. Même si les synthétiseurs se perdaient parfois dans le mix et même si, par moments, j’ai eu l’impression que les chansons du groupe allaient s’effondrer, Population II possède cet indéfinissable talent qui consiste à rebondir avec une accroche qui nous ramène les deux pieds sur terre.
Un seul bémol au tableau. Lors des envolées exploratoires du trio, le jeu du batteur-chanteur Pierre-Luc Gratton aurait avantage à être plus varié. Du même souffle, son approche rythmique est hautement défendable, car il doit vocaliser tout en gardant le rythme. Pas une mince tâche.
Groupe qui méritera une deuxième visite en concert de ma part.
Et c’est ce qui conclut notre compte-rendu de ce jour un du FME. On revient à la charge dès demain !
Crédit photo: Dominik McGraw