Festival Musique du Bout du Monde 2024 | Martin Léon et Noé Lira
En cette ultime journée de cette 20e édition du Festival Musique du Bout du Monde, c’est un concert bien spécial qui était au programme alors que Martin Léon, lors du lever du soleil au Cap-Bon-Ami, est sorti de sa période de création pour venir offrir un dernier souffle aux compositions de son long jeu Les Atomes, lequel est paru en 2010. Puis en après-midi, lors du 100e spectacle de sa tournée, la québéco-mexicaine Noé Lira a su déverser avec aplomb les vibrations de son ensemble Latiendo de la tierra, le pouls de la terre, album aux teintes multiples paru en 2021.
Martin Léon
Se lever à 3h du matin pour aller voir un spectacle est une expérience que je n’avais pas faite dans le passé, surtout sachant que cette dite performance se déroulerait dans un lieu grandiose et dans une ambiance des plus apaisantes. Autrement dit, ce que le Festival de Gaspé offre depuis quelques années, c’est un spectacle au Cap-Bon-Ami lors du lever du soleil. Cette année, c’est Martin Léon que les programmateurs ont avec magie convaincu de venir faire un tour et du même coup, de donner à la fois une dernière balade à son disque Les Atomes tout en sortant de sa période de création pour son prochain album, un premier en 14 ans. C’est que, depuis toutes ces années, Martin Léon se consacre surtout à la production et à la réalisation de trames cinématographiques. Ce dernier a à un certain point réalisé que la connexion avec le public lui manquait et c’est d’ailleurs l’un des éléments qui l’aura fait accepter cette irrésistible proposition.
Le parolier, poète et guitariste était accompagné de Martin Lizotte au piano et de Robin Lalonde à la batterie. Le trio a offert un moment lunaire, rond et chaleureux, discret tout en donnant une bonne dose d’énergie. En musique, ça s’est parfois rapproché d’Émile Proulx-Cloutier, les vieilles chansons quasi rock-rap de Karkwa, Radiohead, Cortex, Daniel Bélanger, The Doors, bref un amalgame de sons qui adoucissent tout étant entraînants. Sa voix venait quant à elle se suspendre à ses compositions, se juxtaposer aux textures en leur donnant plus de feutre.
Sa poésie est simple et imagée, facile à comprendre sans être remplie de chemins trop évidents. Elle est réaliste et quotidienne, accrocheuse. Bien que je connaisse l’album depuis un certain temps et que j’en tiens une forte appréciation, en vrai, quelques paroles sont, à certains moments, venues ainsi me questionner : est-ce que certaines tournures de phrases employées passent aussi bien aujourd’hui qu’à l’époque ? Mais voilà, ce n’est nullement problématique ni matière à longue discussion, c’est plutôt un sentiment que, j’ai l’impression, quelques personnes pourraient avoir eu.
Autrement, cette expérience dans le Parc Forillon fut un moment phare de cet été de festivals et il n’y a nul doute que l’événement aura de nouveau été très populaire, affichant plus que complet. C’était beau de voir plusieurs yeux collés ensemble et de gens en pyjama sur leurs grosses couvertures, toutes et tous entassé.es comme à un spectacle d’enfants. Évidemment, la vue demeure ce qu’il y a de plus magnifique avec le bruit des oiseaux qui se sont maintes fois ajoutés aux compositions. Ce lieu, ainsi que le sommet du Mont-Béchervaise, donnent une bonne idée de ce que les festivals peuvent faire pour rendre l’expérience encore plus enrichissante.
Noé Lira
De mon côté, le festival se sera terminé en beauté avec le passage de Noé Lira, une artiste multidisciplinaire québéco-mexicaine qui en était à la 100e prestation de son excellent long jeu jazz folk Latiendo de la tierra. Elle a d’ailleurs joué plusieurs de ses pistes, en plus d’un grand classique, Clandestino de Manu Chao. Sa musique et la danse auront fait bon ménage lors de sa prestation sur la Rue de la Reine alors que la chanteuse et accordéoniste Noé Lira a offert une pétillante, voire rayonnante performance en collaboration avec ses trois acolytes Juliette au violoncelle, Catherine au synthétiseur et Guillaume aux percussions. Il y avait tantôt des moments planants et dansants, tantôt des moments plus introspectifs, réflexifs et spirituels. C’est que le jazz prend ici plusieurs formes, il se veut alternatif autant en s’imbriquant à une forme de RnB qu’au folk traditionnel mexicain qu’au jazz spirituel, bref tout ça est bien voulu sachant que la musicienne orchestre également un heureux mélange entre l’espagnol, le français et l’anglais. Quelques éléments me rappellent d’ailleurs deux groupes que j’affectionne particulièrement, soit le trio d’Argentines Fémina ainsi que la bande américano-mexicaine Y La Bamba, laquelle est menée par Luz Elena Mendoza.
Noé Lira aime faire participer son public et partage ouvertement certains enjeux qui lui sont chers, ce qui donne d’autant plus de personnalité à son spectacle. Je dirais que la femme et le féminisme sont deux sujets qui portent chez l’artiste, le tout se complexifiant avec ses créations. Il me fera un grand plaisir de recroiser son chemin et ses réflexions dans un avenir rapproché. Est-ce qu’un prochain projet musical est en vue, alors que son premier long jeu est paru en 2021 ? À suivre avec intérêt.