Chroniques

Maten X Pako X Shauit | Entrevue : Unité, partage et fierté

Un enthousiasme renouvelé existe depuis quelques années autour de la musique d’artistes autochtones. On le sent, on le voit et on l’entend surtout. Le vendredi 31 mars, trois projets issus de communautés différentes lanceront leurs nouveaux albums au Cabaret Lion d’Or. Je me suis entretenu avec eux pour prendre le pouls de ce qui s’en vient et parler de ce vent de changement duquel ils font partie. 

C’est une conversation à plusieurs que nous avons engagée par un matin gris du mois de mars. Autour de la table, il y a Mathieu Mckenzie et Kim Fontaine de Maten, Pako (aussi connu sous le nom de Pascal Ottawa) et Shauit. Les trois projets sont différents, mais sont unis par leur solidarité entre peuples autochtones. Maten est particulièrement au centre de la mouvance. Alors qu’on attendait la venue de Pako dans la discussion, Mathieu McKenzie me montrait fier, avec un gros sourire aux lèvres, leur studio à Uashat Mak Mani-utenam (Maliotenam). Cette communauté de la Côte-Nord est décrite comme le Nashville de la musique autochtone. D’ailleurs, plus qu’un studio, le groupe d’artistes derrière le projet a aussi lancé une nouvelle maison de disque : Makusham Musique. Quand on sait que « makusham » désigne à la fois un rassemblement et une danse traditionnelle de groupe, le terme ne pourrait être mieux choisi pour désigner le studio.

Redonner de la fierté

Quand je parle aux trois artistes, les messages vont tous dans le même sens : l’importance de l’éducation et celle de redonner une fierté aux membres de la communauté. « Dans mes chansons, il y a des messages qui affirment que l’éducation c’est important. » déclare Pako. D’ailleurs, l’école c’est important, et c’est important aussi d’y laisser de la place pour que les jeunes puissent pratiquer les activités ancestrales ». « Il y a beaucoup de choses qui se font pour redonner aux jeunes les connaissances qui ont été égarées. Il y a la langue qui se perd aussi. Quand tu ne fais plus certaines activités traditionnelles, il y a des mots qui se perdent parce qu’ils ne sont dits que dans ce cadre-là, » continue Pako

Mathieu McKenzie le dit sans détour, il y a une partie des communautés autochtones qui n’est plus fière. Shauit explique aussi que « Pendant longtemps, j’aurai pas le choix de parler des pensionnats, parce que pendant cette période-là, les sœurs et les frères ont inculqué à nos parents, ma mère est allée dans un pensionnat, que ce sont des bons à rien, des incapables. Même si tu résistes, tu finis par le croire. Ma mère elle l’a cru, elle n’a pas eu de carrière. C’est pour ça que c’est important qu’on parle de fierté autochtone, parce qu’on veut rappeler que c’est hot d’être qui on est. On veut le retrouver. »

Mathieu McKenzie le dit : « on la voit la lumière. On a tellement été rabaissé dans le passé, quand tu vas venir dans la communauté, tu vas le voir, les enfants, ils marchent la tête baissée. Ils ne sont pas droits et fiers. Il y a du travail à faire. Mais des artistes comme nous, Samian et tous les autres, je pourrais tous les nommer, quand ils nous voient réussir, ça redonne de la fierté. » Kim Fontaine en rajoute : « Je vais te donner l’exemple de Shauit. Il est venu ici, il ne parlait plus la langue et, à travers la musique, il l’a appris à nouveau. Aujourd’hui, il la chante, il la rappe, des fois, tellement vite qu’on n’y croit même pas qu’il peut condenser autant de mots en si peu de temps. C’est un exemple pour nos jeunes qui ne parlent pas la langue. Il n’est jamais trop tard pour apprendre sa langue ». 

L’unité

Autour de la table, il y a Pako, un Atikamekw de Manawan et trois Innus de Uashat Mani-Utenam. Malgré leurs origines différentes et les langues qui diffèrent, ils se retrouvent pour porter le drapeau des cultures au-devant de la scène. Les communautés semblent plus unies que jamais, ayant compris qu’en faisant front commun, elles peuvent faire avancer des questions qui leur tiennent à cœur. De plus, les échanges culturels entre nations sont de plus en plus fréquents. Kim Fontaine cite les pow-wow comme exemple d’échange entre nations. Même si celles-ci viennent de l’ouest des États-Unis, elle donne envie à la nouvelle génération de se rencontrer et de vivre sa culture. 

Les projets : 

Maten : Utenat, le prochain album a débuté avant la pandémie, mais ça pris quelques temps avant de pouvoir vraiment tout enregistrer en raison des confinements. Utenat est un mot en innu qui désigne la ville. Le groupe a décidé de nommer ainsi l’appel parce qu’il veut puiser dans des sonorités plus urbaines. Et c’est sans compter sur le fait que les membres de Maten ont dû aller plus souvent dans les grands centres dans les dernières années. C’est aussi l’endroit où tu vas chercher un savoir professionnel pour revenir dans la communauté et participer à la vie communautaire. Leur folk rock en innu prend un peu de muscle avec ce nouvel album.   

Pako: Nanto s’est beaucoup inspiré de l’actualité des dernières années pour écrire ses textes comme la pandémie, ce qui s’est passé avec Joyce Echaquan, d’autres événements qui se sont déroulés à Manawan, mais il assure que c’est avec un angle de réconfort qu’il écrit. Il parle aussi de textes qui sont parfois un peu humoristiques et de l’importance de l’éducation qui est un puissant levier. Le tout est abordé dans un blues rock qui flirte avec le folk et le country en atikamekw. 

Shauit: Peut-être le plus surprenant des trois projets est le retour au folk rock de Shauit qui, par le passé, avait fait ses preuves en tant que reggaeman. C’est en quelque sorte un retour à ses racines pour l’artiste innu qui a décidé de prendre une pause. Avant que le reggae ne s’impose, il était un chansonnier qui reprenait des pièces de musiciens connus innus. Aujourd’hui, c’est un retour à ses racines qu’il effectue avec Natukun.

Ne manquez pas le lancement de Maten, Pako et Shauit au Cabaret Lion d’Or le 31 mars prochain dès 19h30. Pour vous procurer des billets, c’est par ici.

*Cet article a été écrit en collaboration avec Makusham musique.  

Crédit photo: Facebook / Facebook / Carlos Guerra

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