Chroniques

Guillaume Moffet: l’homme de Barclay

Celui qui a pris la barre de Maison Barclay Canada en juin est connu de l’industrie de la musique, mais plutôt méconnu du public. Mais qui donc est Guillaume Moffet? Entretien.

Originaire de Québec, Moffet, 37 ans, a gradué de la Cité collégiale à Ottawa; sa première job fut journaliste culturel dans l’Outaouais, où il fit de la radio pendant trois ans, à Tag Radio, puis comme pigiste à Voir Gatineau.

«J’ai eu la chance d’interviewer Jack White, Norah Jones et Björk puis, suite à un départ, j’ai hérité du poste de rédacteur en chef pendant trois ans, raconte Moffet. Par la suite, j’ai écrit pour l’émission BRBR (Barbare) sur TFO, un peu comme le chef de contenu, nous avions une plate-forme Web pour le Canada et l’on offrait une nouvelle visibilité sur une partie de la francophonie avec des collaborateurs d’un peu partout».

Surtout connu pour son travail à la SOCAN comme A&R (recruteur et développeur de talent), son départ il y a deux ans en a étonné plusieurs.

Genre de job de rêve qu’on ne quitte jamais!

«D’abord, on m’a donné carte blanche pour faire ce que je voulais. Notre travail comme A&R, aux artistes et répertoires, c’est qu’on s’assoit avec les artistes pour trouver des pistes pour les aider. De les mettre en contact avec un éditeur ou avec quelqu’un qui va les aider à passer à la prochaine étape. C’est du développement. De ça sont nés les camps d’écriture Kenects dont l’objectif est la création, j’agissais en tant que curateur et entremetteur. Ça a été déterminant, j’ai compris que j’avais une force là-dedans, pas pour écrire la musique, mais pour encadrer».

Et il enchaîne: «On voyait le besoin dans l’industrie de mettre de l’avant la collaboration alors que les gros succès sur la planète s’écrivent à quatre, cinq personnes. Au Québec, on a toujours mis l’accent sur l’auteur-compositeur qui va écrire SA chanson ou son album pratiquement tout seul. La collaboration amène de l’eau au moulin et change la façon de faire. Kenect, c’était ça: prenons ce que les Américains ou les Britanniques font de très bien en pop internationale, je ne parle pas ‘’des gratteux de guitare’’, mais de la vraie pop radiophonique avec une production commerciale et appliquons-le au Québec, à cette unicité-là. Je me considère comme un curateur beaucoup plus qu’autre chose. Dans les camps d’écriture, c’est moi qui choisissais les équipes, qui choisissais qui allait être jumelé à des beatmakers ou des producteurs tels que (entre autres) : Mike Clay, Ruffsound, Banx & Ranx…»

«Mais je suis parti pour deux raisons. Pendant mes trois années à la SOCAN, j’étais en relation avec quelqu’un à Toronto et pour simplifier ma vie j’ai pris la décision de rejoindre cette personne, c’était mon but ultime, SOCAN ou non. Toronto, c’est ma ville! C’est vivant, c’est une ville de quartiers. Je suis en plein coeur de Toronto, comme si j’habitais au coin Saint-Laurent et Mont-Royal».

Parallèlement, Moffet était sur le comité de sélection francophone des prix Juno et du Prix Polaris, tous deux basés dans la Ville-Reine.

«Il y a eu donc un poste d’ouvert chez Spotify à Toronto, j’ai appliqué et obtenu la job, je ne pouvais pas refuser. Mais je n’étais pas prêt à quitter la SOCAN, de façon pragmatique, c’était devenu la routine: les événements et les festivals, c’était bien, mais c’était devenu répétitif, je me suis alors dit: what’s next? Aussi, je me suis rendu compte que je suis à la fois un peu impatient ET un peu ambitieux…c’est un mauvais combo. Mais ç’a été un bon déclencheur».

Et l’autre raison? «Je ne me voyais pas faire le calendrier d’événements pendant cinq autres années… Est-ce qu’il y a des opportunités d’avancement dans la compagnie (SOCAN)? Et, ultimement, est-ce que ces opportunités-là me plaisent? Est-ce que je me vois comme le prochain chef des affaires du Québec et des arts visuels (poste occupé depuis cinq ans environ par Geneviève Côté)? La réponse est non. Je ne voulais pas devenir blasé à la SOCAN. C’est quand même drôle, depuis que je suis sorti de l’école, tous mes emplois ont été des cycles de deux ans et demi, trois ans. Je suis conscient que ça peut te coller l’étiquette d’opportuniste».

«Coup de théâtre, ma relation s’est terminée avant que je ne démarre ma nouvelle job chez Spotify! Mais c’était une job super chouette, je faisais des playlists francos, country, dance, folk et indie, un peu comme chez Stingray. On dira ce qu’on voudra par rapport aux redevances, c’est un problème entre Spotify et la commission sur le droit d’auteur et l’industrie en général. Les fournisseurs Internet, c’est une autre affaire. La musique francophone chez les utilisateurs de Spotify n’est pas une priorité, il y a un fossé entre ce que les utilisateurs des plates-formes francophones veulent entendre et ce que l’industrie propose…»

Puis, il y a eu cette ouverture chez Maison Barclay Canada, une offre du président d’Universal Music Canada, Jeffrey Remedios. Pas de doute, Guillaume Moffet est l’homme de Barclay. Il est l’homme de la situation. Ses artistes vont l’adorer.