Entrevue avec Dobet Gnahoré : Amazone de nature
Avec un sixième opus à l’épithète Couleur (Cumbancha), l’artiste absolue ivoirienne fait un pied de nez à la lourde période derrière nous. Chacun des titres de cet album dont le titre Lève-toi s’érige comme un bouclier au marasme ambiant, à toute crise déstabilisatrice. À quelques jours de sa venue à Montréal, la jeune femme dotée de tous les dons de l’écriture musicale et du rythme – chant, danse, percussion – relate sa trajectoire et propage son énergie contagieuse.
Le Canal Auditif : D’où provient l’inspiration positive de l’album Couleur qui a vu le jour en Côte-d’Ivoire durant la pandémie ?
Dobet Gnahoré : Mon message est simple : il ne faut pas se laisser abattre, et espérer pour créer son avenir. Faites attention aux émotions qui nous font oublier que l’on n’a qu’une seule vie. En tant que croyante, je crois en l’attraction de la vie. Si je bifurque d’elle, c’est tout droit au gouffre que je me dirige. Couleur s’adresse à ceux et celles qui ont perdu foi en la vie, surtout à travers Lève-toi et son appel à se relever, à chaque moment d’impasse…
Le Canal Auditif : La beauté et la grâce s’inscrivent dans votre art depuis les débuts. À 40 ans, quelles forces en retirez-vous ?
Dobet Gnahoré : Le pouvoir de la beauté grandit avec l’âge, il faut savoir le façonner au fil du temps. Utiliser l’énergie physique et la joie, et ne pas se laisser aller malgré l’âge de 40 ans. Tout est relatif à l’envie, et ce, jusqu’au dernier souffle. Je continue de diffuser un message de paix telle une amazone terrestre !
Le Canal Auditif : La femme africaine et sa combativité traversent votre œuvre. Quelles femmes contemporaines vous inspirent ?
Dobet Gnahoré : Difficile de taire les noms d’Angélique Kidjo et notre maman Makeba, mais je crois aussi en des femmes anonymes. Celles qui veillent à leur famille, au jour le jour, avec cinq enfants à chérir au quotidien. Elles s’accrochent, battantes, et me procurent une réelle inspiration. Souvent sans avoir eu accès à des bases en éducation, elles se démènent. Tant qu’on a de l’énergie en soi et l’envie de réussir, on dispose de solides piliers dans la vie. Aucune femme ne doit accepter d’être maltraitée, il faut s’imposer en tant que femme, à sa manière, avec ses choix. Soyez indépendantes !
Le Canal Auditif : Comment réagissez-vous aux mouvements féministes occidentaux, #Metoo et autres ?
Dobet Gnahoré : Les femmes sont aussi fortes que les hommes, mais de notre génétique émerge la douceur. Certains hommes en profitent, et perçoivent malheureusement cette vertu comme une faiblesse. La femme est entièrement dans son droit de dénoncer toute forme d’abus ou violence, cela est légitime. Mais il ne faut pas oublier le cas de certains hommes en minorité, abusés mentalement, manipulés et parfois même battus. Ce fléau existe aussi, on a honte de le montrer aux yeux du monde entier. Pour sortir de l’ombre et laisser libre cours à la parole dénonciatrice, il y a ces deux sens…
Le Canal Auditif : Votre carrière se confirme à l’international, votre nomination au Grammy en 2010 fut un propulseur. Quel serait votre duo de rêve à réaliser ?
Dobet Gnahoré : Bien sûr, ce serait un honneur et la réalisation d’un rêve d’enfant même ! Chanter avec Alicia Keys et Beyoncé et créer un tube, certes, mais je dois encore continuer à me perfectionner pour qu’elles aient un coup de cœur…
Le Canal Auditif : Comment entrevoyez-vous le concert aux Nuits d’Afrique ?
Dobet Gnahoré : Cela fera plus de trois ans depuis ma dernière performance à Montréal dans le cadre de ce festival mythique des Nuits d’Afrique ! Je serai fidèle à moi-même sur scène, autour de la promotion de Couleur. Un spectacle énergique en danse et percussions, avec mon message d’amour et de joie de vivre durant deux heures intenses. J’aime beaucoup Montréal, j’y ai de la famille lointaine, une ville d’ouverture et de culture de l’accueil.
Le Canal Auditif : Quels projets t’attendent d’ici la fin 2022 ?
Dobet Gnahoré : Depuis avril dernier, je réalise une tournée avec les amazones d’Afrique qui me tiendra sur scène jusqu’en décembre. Un album philharmonique du côté du Luxembourg est en gestation et un 7e album sur étiquette Cumbancha. Je partage aussi mon savoir-faire et réalise de jeunes artistes de la relève en Côte-d’Ivoire, dont un artiste de rap Lil Black.
Crédit photo: Festival International Nuits d'Afrique