
Entrevue | Alphonse Bisaillon: L’écriture et ses mystères
En 2024, l’auteur-compositeur-interprète Alphonse Bisaillon participait aux Chemins d’écriture du Festival de la chanson de Tadoussac. Entouré de sept autres artistes de la relève, Alphonse a vécu des moments créatifs formateurs qui l’ont sortis de sa zone de confort. Nous l’avons rencontré pour jaser de son expérience à Tadoussac, de création et de l’album sur lequel il s’échauffe actuellement.
Chaque été, le bucolique village de Tadoussac accueille des artistes locaux talentueux à son Festival de la chanson. Depuis 2003, l’évènement propose Les Chemins d’écriture, des ateliers d’écriture qui permettent à de jeunes artistes émergents d’aiguiser leur mine et de créer.
Une expérience formatrice
Alphonse Bisaillon se rappelle bien de la semaine de création qu’il a passée à Tadoussac à l’été 2024. Avec ses confrères et consœurs, ils écrivaient plusieurs heures par jour, épaulés par l’auteur-compositeur-interprète Xavier Lacouture, pour ensuite partager ses écrits en groupe. Selon le jeune homme, sa rencontre avec Xavier lui aura été fortuite en raison des techniques qu’il a adoptés par la suite. Les cinq journées d’écriture ont été très formatrices pour lui et l’ont d’ailleurs sortie de sa zone de confort à plusieurs reprises. « Le défi était tough. Parce que tout ce que j’écrivais, je n’étais pas satisfait. Puisqu’on écrivait vraiment vite, moi, je trouvais ça dur », explique Alphonse au sujet des séances. « Comme beaucoup d’autres artistes, je suis dur avec moi-même en maudit, puis vraiment sensible. Je suis kind of a little drama king », ajoute-t-il en riant.
C’est de cette façon que le chanteur a dû baisser ses gardes pour affronter ce sentiment de vulnérabilité. En ce sens, Alphonse nous confie qu’il a pu mettre ces apprentissages et techniques d’écriture en œuvre, à la maison, lors de séances de création avec des proches. « Je fais tout le temps des exercices d’écriture avec mes collègues et des amis qui viennent le mardi matin chez nous. C’est la même affaire que lors des ateliers d’écriture. On écrit une heure, puis après ça, on lit tous nos textes », précise-t-il.
La création: entre fruit du hasard et instinct
En ce sens, Alphonse Bisaillon use aussi de ses apprentissages dans l’écriture d’un premier long jeu, qui devrait voir le jour cette année, même s’il avoue que la recette précise pour une bonne chanson lui est toujours inconnue. « C’est l’éternelle question. Pour vrai, la question que je me pose le plus souvent, c’est comment on écrit une crisse de tune », s’interroge le jeune homme. Malgré le mystère qui émane dans la création, l’artiste se rabat sur deux points clés lorsqu’il trace les lignes d’une nouvelle pièce. « La première étape, c’est l’écriture automatique. C’est vraiment important. Juste laisser des trucs sortir, laisser ton cerveau aller dans toutes les directions qu’il veut. […] Puis, il faut lui trouver une structure, essayer de créer comme un édifice cohérent », révèle-t-il.
Alphonse Bisaillon passe par toutes ces réflexions dans la confection de son nouvel album. En plus de tout ça, il se donne l’immense défi de « connecter avec sa sensibilité ». C’est la part d’instinct qui appartient à la création et qui, selon lui, « prime sur la rationalité. » La notion d’instinct revient à maintes reprises dans la création. Pour lui, ce qui relie tous ces concepts ensemble, c’est l’honnêteté. « Je pense que c’est la seule chose qui me fait peur. Est-ce que j’ai été vraiment honnête? Si j’ai été 100% honnête, ça va être chill. Je ne vais pas pouvoir m’en vouloir. Alors, j’espère que j’ai bon instinct. Une de mes qualités, c’est que je suis quand même vraiment difficile par rapport à l’émotion que j’essaye de me faire ressentir », dit-il.
Puis, quand est-il de ce nouvel album? Alphonse Bisaillon explique, qu’à l’inverse de son EP éponyme, paru en 2022, qu’il bénéficie de plus de temps pour son nouveau projet et qu’il tente d’y trouver une trame narrative plus conceptuelle. Ici, le jeune homme s’inspire entre autres du climat actuel qui témoigne d’une certaine violence. Il explique ceci: « Malgré moi, je suis tombé dans beaucoup de politique, d’articles, de reportages, de frustrations, de peurs et de réflexion sur le climat actuel mondial. Puis, ça va nécessairement habiter l’album ». « Pour l’instant, cet album, c’est sur les hommes, sur ma relation avec les hommes. Puis, je pense que c’est une relation qui est profondément politique, comme la plupart des relations intimes », précise-t-il.
En abordant ces thématiques, le jeune homme reste fidèle à sa vision de l’artiste et à la rébellion qui l’habite. « À la base, ma vision de l’artiste, c’est quelqu’un qui dérange, qui pose des questions. Pour qu’une société aille bien, ça prend des contre-pouvoirs. Les journalistes et les artistes ont la responsabilité d’être ça. C’est important d’avoir la liberté, d’avoir la liberté de dénoncer ce qui doit l’être », avance-t-il. Alphonse Bisaillon en ajoute : « Je pense qu’à cet égard-là, c’est dur de considérer l’art comme une job. Parce que des fois, ce qui doit être dit, c’est pas quelque chose que le monde a envie de payer pour. »
Chose certaine, on sent que l’ancien étudiant en littérature tend à faire de la musique de manière bien intime, en laissant place aux multiples réflexions et sans oublier son côté contestataire. Même s’il confie ne pas savoir par où passer pour composer une bonne tune, sa discographie et les motifs réfléchis derrière sa création le font mentir.
La 41e édition du Festival de la chanson de Tadoussac se déroulera du 12 au 15 juin 2025. Pour une autre année, une nouvelle mouture d’artistes prendra la direction des Chemins d’écriture.
*Cet article a été rédigé en collaboration avec le Festival de la chanson de Tadoussac.
Crédit photo: Charles-Antoine Marcotte