Chroniques

Les albums parfaits des années 80

En automne 2020, une nouvelle employée se joignait à l’équipe du Canal Auditif. Lors de l’écriture de sa première critique pour nous, elle voulut naïvement accoler une note presque parfaite à l’album (dont nous tairons le titre). Notre rédacteur en chef a dû lui expliquer que « tant que l’oeuvre ne constitue pas un point tournant dans l’histoire de la musique », il est impossible de lui accorder une note de plus de 9 sur 10. Ce à quoi notre chère Eloïse répliqua : « Ok, mais quels sont ces albums parfaits, pour le Canal Auditif ? »

Nous avons demandé à nos 27 collaborateurs et collaboratrices, dans un sondage très pointilleux, quels disques considéraient-ils comme des «notes parfaites»? Le Canal en a donc recensé 113, tous approuvés par l’équipe de rédaction habituelle.

Merci à Mathieu Robitaille, Bruno Coulombe et à Stéphane Deslauriers de s’être joint à Eloïse Léveillé et Louis-Philippe Labrèche pour cette chronique. Bonne lecture!

Talking Heads — Remain In Light (1980)

Sire Records

Après la sortie de Fear of Music, disque paru en 1979, le réalisateur Brian Eno cherchait à dissiper la tenace impression que les Talking Heads ne soient que le véhicule de création d’un seul homme : David Byrne. S’inspirant fortement du musicien nigérien Fela Kuti, le quatuor expérimente les polyrythmies, le funk et la musique électronique africaine en enregistrant des pistes instrumentales sous la forme de boucles répétitives. Encore aujourd’hui, ces ascendants métissés et maîtrisés font de Remain in Light une source inépuisable d’inspiration pour plusieurs groupes de post-punk. (SD)

Joy Division — Closer (1980)

Factory Records

Le dernier album de la courte carrière de Joy Division a été lancé deux mois après le suicide de son chanteur, Ian Curtis. Closer met de l’avant les deux profils du groupe : l’approche synthétique, grâce à l’apport d’une multitude de claviers (Isolation, Heat and Soul, etc.), et le penchant rock caractérisé par une pièce comme Atrocity Exhibition. La musique est linéaire, nébuleuse et exprime une vision du monde où la souffrance ne prend jamais congé et où le néant est un havre de paix. Un disque troublant. (SD)

Bad Brains — Bad Brains (1982)

ROIR

Ces quatre Afro-Américains de génie sont considérés comme les pionniers du punk hardcore. Connu sous l’appellation « The Yellow Tape », le premier album homonyme de la formation établit clairement ce qui deviendra les bases sonores de ce genre musical : des rythmes ultra rapides et des riffs flirtant parfois avec le heavy métal, l’ensemble bonifié par des revendications sociopolitiques pertinentes. C’est cette colère justifiée, transformée en énergie positive, qui différencie Bad Brains de ses semblables. Un disque essentiel pour tout fan de punk hardcore qui se respecte. (SD)

Michael Jackson — Thriller (1982)

Epic Records

On va passer par-dessus le malaise tout de suite : séparons l’homme de l’oeuvre. Ici, on se trouve devant l’un des plus grands monuments de la musique pop de l’histoire et qui fut réalisé par le grand Quincy Jones. L’album Thriller du controversé Michael Jackson n’a plus besoin d’être présenté, mais bon, nous y sommes: c’est l’album le plus vendu au monde. Il fut récompensé huit fois aux Grammy Awards, un record. L’industrie de la musique n’a plus jamais été la même après Thriller. Le monde du vidéoclip a aussi pris une toute autre tournure après la sortie du court-métrage homonyme. Aimez-le ou détestez-le, Thriller est l’Everest de la pop. (EL)

Prince — Purple Rain (1984)

Warner Bros.

Dans cette liste, il y a quelque chose de très satisfaisant à avoir l’un des albums qui ont été centraux dans le développement de la mention : « avertissement parental ». Considérant la nature expérimentale et audacieuse des œuvres de Prince, c’est surprenant qu’il ait été autant encensé. Purple Rain est peut-être l’œuvre la plus accessible du coloré personnage, mais on est tout de même très loin de la musique facile à digérer, et ce, sans compromettre son immense influence sur ce qui restera étiqueté comme le son des années 80. On y retrouve des pièces monumentales comme When Doves Cry, Purple Rain, Darling Nikki et Let’s Go Crazy. (LP)

Sade — Diamond Life (1984)

Epic

Pendant que les nouvelles coqueluches synth-pop du Royaume-Uni comme Duran Duran ou Spandau Ballet remplissaient des stades, un groupe anglais s’affairait doucement à créer un son intemporel; une soul vintage infusée de smooth jazz et de pop minimaliste. Qui étaient-ils et quelle était leur arme secrète? La sensuelle voix d’Helen Folasade Adu — Sade — une puissante contralto alors âgée de 25 ans d’origine nigérienne. Avec Diamond Life, Sade et sa bande ont produit une musique émouvante qui deviendra le prototype de base pour une génération de musiciens et musiciennes qui privilégient l’élégance : D’Angelo, Jill Scott, Alicia Keys, Erykah Badu. Coulant d’une pièce à l’autre de manière tellement naturelle et magnifique, cet album reste la trame sonore idéale pour un souper aux chandelles ou un slow avec l’amour de notre vie. (EL)

Kate Bush — Hounds of Love (1985)

EMI Records

C’est ce cinquième album autoproduit qui a propulsé l’autrice-compositrice-interprète britannique Kate Bush au sommet de son art. Hounds of Love embrasse les possibilités grâce à des échantillonnages numériques étonnants — du jamais vu pour l’époque — en créant ainsi un mariage parfait entre technique et exploration. Ni synth-pop ni prog-rock, Bush a néanmoins puisé dans les deux genres avec brio. La soprano démontre sur ce disque qu’il n’y avait pas de montagnes qu’elle ne pouvait escalader. Alors que le côté B affirmait un son à l’avant-garde grâce à des chants inspirés du grégorien, des hymnes celtes et des allégories witchy-féministes, la face A a su lui offrir quatre coups de circuit dans le Top 40 britannique. À écouter en boucle, de A à Z. (EL)

Metallica — Master of Puppets (1986)

Elektra

À peine quelques notes de guitare classique nous induisent en erreur sur Master of Puppets. Alors que Battery prend près d’une minute à s’installer, la suite n’est que riffs de thrash métal livrés avec une brutalité implacable. Metallica connaissait maintenant du succès et cet album va les propulser comme meneurs de ce mouvement qui a révolutionné le heavy métal. On retrouve des bijoux auditifs comme Orion, Master of Puppets et Disposable Heroes. Enregistré au Danemark, c’est le premier effort où les membres de Metallica cherchent la perfection sonore. (LP)

Slayer — Reign in Blood (1986)

Def Jam Recordings

Ceux qui me connaissent le savent : c’est mon album métal préféré de tous les temps. Le rythme très élevé et soutenu de ces chansons, c’était du jamais vu à l’époque (merci Dave Lombardo). Les thèmes de la nécrophilie et du génocide juif servaient à narguer ce monde qui souscrivait aveuglément aux doctrines droitistes de l’époque… et ça aussi, on ne s’en est jamais remis. Trente-quatre ans après sa sortie, Reign In Blood de Slayer est toujours aussi pertinent… ne serait-ce que pour Epidemic ! (SD)

The Smiths — The Queen Is Dead (1986)

Rough Trade

C’est l’album-charnière de Morrissey, Johnny Marr, Andy Rourke et Mike Joyce. En Angleterre, The Queen Is Dead a propulsé les Smiths au rang de rock stars. Lors du processus de gestation, Marr était immergé dans le son protopunk de la région de Detroit (MC5, The Stooges, etc.), d’où les guitares plus acérées si caractéristiques de cette création. Morrissey, de son côté, pourfendait la royauté anglaise avec encore plus de verve que Johnny Rotten. Il nous livrait aussi les textes les plus émouvants de son corpus, dont There Is A Light That Never Goes Out et I Know It’s Over en tête de liste. (SD)

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