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Prix Nobel de littérature décerné à Bob Dylan

Bob DylanDepuis que l’Académie suédoise a annoncé le jeudi 13 octobre qu’elle remettait le prix Nobel de littérature à l’auteur-compositeur-interprète américain Bob Dylan « pour avoir créé dans le cadre de la grande tradition de la musique américaine de nouveaux modes d’expression poétique », moult réactions se sont fait entendre à l’échelle internationale. Alors que certains crient au scandale, d’autres, j’en suis, se réjouissent et saluent l’ouverture d’esprit de l’Académie.

Avant d’argumenter sur la valeur littéraire de l’œuvre de Bob Dylan, remémorons-nous ce qu’est le prix Nobel de littérature. Il existe depuis 1901. Contrairement aux prix Goncourt et Fémina, le prix Nobel de littérature vise à honorer un auteur pour l’ensemble de sa carrière et il reconnaît la poésie. Bob Dylan est le tout premier musicien à en être honoré. Selon les dires de l’auteur Dany Laferrière, « la grande force du prix Nobel de littérature est l’aspect mystérieux des règles de l’Académie suédoise. Les membres sont les seuls à les connaître ».

Depuis le début du débat entourant le prix Nobel de littérature décerné à Bob Dylan, plusieurs de ses détracteurs ont avancé que l’œuvre du singer/songwriter américain n’est pas littéraire. Et pourtant. Dans une chronique diffusée sur les ondes de la première chaîne, le philosophe Normand Baillargeon s’est amusé à nous partager la définition que donne Jim Meyer, professeur au Gordon College dans le Massachusetts, au mot littérature. Il définit la littérature comme suit : « On appelle littérature un texte écrit avec une utilisation soignée du langage qui inclut des métaphores, de belles phrases, une syntaxe soignée, du rythme. Un texte qui appartient à un genre littéraire (poésie, prose romanesque, théâtre), qui demande à être lu avec une réceptivité esthétique et qui est ouvert à l’interprétation. » Le professeur fonde cette définition du mot littérature sur l’approche des prototypes du philosophe autrichien Ludwig Wittgenstein. En résumé, l’approche des prototypes sert à déterminer la nature d’un objet ou d’une chose abstraite. L’une des pierres d’assise de cette approche est la notion d’air de famille. En opposition à l’approche des critères, l’approche des prototypes ne nécessite pas que le sujet de l’analyse réponde à 100 % des critères pour être admis dans une famille, soit la famille littérature dans le cas qui nous intéresse. Bref, puisque l’œuvre de Bob Dylan rassemble plusieurs des éléments compris dans la définition de la littérature ci-dessus, elle peut être considérée comme étant littéraire.

Alors, à la lumière de la définition de Jim Meyer, est-ce que l’œuvre de Bob Dylan relève de la littérature? Votre humble scribe estime que oui. Depuis le tout début de sa carrière, l’essence des chansons de Bob Dylan réside dans les paroles. La poésie y est flagrante. Sa plume est habile. Ses textes évoquent des images, regorgent de magnifiques figures de style et sont toujours portés par un rythme indéniable. De plus, les textes de ses chansons existent aisément seuls, sans musique. Pour tout dire, il est légitime d’affirmer qu’aucun autre musicien américain n’a su saisir avec autant de justesse l’âme de l’Amérique. Bob Dylan chante l’Amérique et sa poésie traverse les générations et les frontières.

Étant fan de Bob Dylan depuis une dizaine d’années, j’ai quelques-unes de ses œuvres en disque compact et en vinyle. Chaque fois, j’éprouve un grand plaisir en écoutant le chef-d’œuvre intitulé The Freewheelin’ Bob Dylan (1963), Highway 61 Revisited (1965), Blond on Blond (1966), le chef-d’œuvre ayant pour thème la rupture amoureuse qu’est Blood on the Tracks (1975) et Time Out of Mind (1997). J’ai même The Freewheelin’ Bob Dylan en disque compact et en vinyle. Selon moi, c’est sans doute l’une des plus grandes œuvres de l’histoire. Tous ces albums regroupent un grand nombre de chansons et de textes éternels. Les premières chansons qui me viennent à l’esprit sont : Masters of War, Don’t Think Twice, It’s All Right, Blowin’ in the Wind, Sad-Eyed Lady of the Lowlands, Thombstone Blues, Tangled Up in Blue et Not Dark Yet.

Rappelons-nous que l’Académie suédoise n’est pas la première institution à reconnaître la qualité poétique de l’œuvre de cette icône américaine. En 2008, Bob Dylan a été honoré d’une mention spéciale du prix Pulitzer pour l’« impact profond [qu’il a eu] sur la musique et la culture américaine ainsi que pour ses textes qui sont dotés d’une puissance poétique extraordinaire ».

Bob Dylan était une légende, il est maintenant immortel.

Concluons en laissant la place à la poésie de Bob Dylan.

Come you masters of war
You that build the big guns
You that build the death planes
You that build all the bombs
You that hide behind walls
You that hide behind desks
I just want you to know
I can see through your masks

You that never done nothin’
But build to destroy
You play with my world
Like it’s your little toy
You put a gun in my hand
And you hide from my eyes
And you turn and run farther
When the fast bullets fly

Extrait tiré de la chanson contestataire Masters of War.

http://bobdylan.com