Billie Eilish
When We All Fall Asleep, Where Do We Go?
- Darkroom / Interscope Records
- 2019
- 43 minutes
Billie Eilish est une ovni surprenant dans le monde de la pop et de la culture de masse. Qui aurait pensé qu’une jeune femme de 18 ans avec un style gothique et un traitement du son beaucoup plus proche de la scène underground trouverait le moyen de convertir les mélomanes par milliers? When We All Fall Asleep, Where Do We Go? est plus près des albums emo et de la musique industrielle que de Rihanna.
Ce premier album n’est pas pour autant sans défauts. C’est inconstant et certaines pièces tombent dans le néant. Mais pour la plupart, il s’agit ici d’une nouvelle façon d’approcher la pop et Billie Eilish détonne dans un monde qui a trop souvent le mauvais réflexe de se drapper de beige pour ne pas fâcher les oreilles bien pensantes. Billie Eilish est de mauve et de noir. Elle est arrogante dans sa dégaine, mais aussi sensible, originale et sensible.
I wanna, I wanna, I wanna… end me– Bury A Friend
À de nombreuses reprises Billie Eilish plonge sans retenue dans les pensées plus noires qui ont tendance à assaillir les jeunes esprits. Je dis ça avec aucune arrière pensée, mais cela explique peut-être pourquoi rapidement les jeunes mélomanes ont trouvé chez elle une source de réconfort. Bury A Friend décrit une scène de la perspective d’un monstre sous le lit pour finir par avouer que le monstre, il est dans le lit. Rajoutez à cela la magnifique trame qui soustend la chanson. C’est très réussit à tous les points de vues.
Billie Eilish se permet aussi de jouer sur la limite avec des paroles comme sur Wish You Were Gay. Étant donné le peu d’intérêt qu’une flamme semble lui manifester, elle préfère penser qu’il est tout simplement aux hommes.
I just wanna make you feel okay
But all you do is look the other way
I can’t tell you how much I wish I didn’t wanna stay
I just kinda wish you were gay– Wish You Were Gay
C’est quand même un peu fou de penser que cet album de pop champ gauche a été fait par deux jeunes artistes : Billie Eilish et son frère Finneas O’Connell, qu’on connaît pour son rôle dans Glee. Les pièces plus sentimentales frappent aussi dans le mile. L’interprétation est à point sur When the Party’s Over en plus de compter sur un excellent refrain. On y sent de lourdes influences de Bon Iver. I Love You est aussi une belle trame franchement bien trafficottée.
Dans le monde de la pop de masse, il y a peu d’albums qui font aussi bien que Billie Eilish. On se surprend à penser qu’elle ferait de belles collaborations avec Bon Iver autant que Beyoncé. Son personnage public possède un petit quelque chose de Bowiesque et peut-être est-ce la jeunesse et une certaine insouciance, mais elle ose aller dans des spectres non convenus de la musique. Il ne s’agit pas de faire une révolution complète de la pop, mais préparez-vous à entendre beaucoup de copies de la jeune femme dans les 5 prochaines années. C’est rassurant de voir autant de jeunes mélomanes adhérer à sa proposition audacieuse et ça augure bien pour l’avenir.