Critiques

Xiu Xiu

Girl with Basket of Fruit

  • Polyvinyl Records
  • 2019
  • 37 minutes
5,5

Je pensais être conscient que Jamie Stewart, leader de la formation à géométrie variable Xiu Xiu, aime faire de la musique pour déstabiliser l’auditeur et le rendre mal à l’aise. C’est sa marque de commerce depuis l’aube du projet au début des années 2000. Peut-être que c’est le plaisir que je trouve à écouter sa musique depuis quelque temps qui m’a fait baisser ma garde. Après des projets qui allègent le malaise profond en l’associant avec des tournures au moins un peu familières et accrocheuses, Stewart s’est entouré cette fois de collaborateurs anciens et nouveaux et a pondu une de ses œuvres les plus laides jusqu’à présent : l’album Girl with Basket of Fruit.

Est-ce que laid égale mauvais? En général, non. Dans le cas qui nous occupe ici, je dois admettre que la laideur volontaire laisse peu de répit et devient plutôt lourde. Alors que Stewart a tendance à trouver quelque chose qui groove et qui rocke pour faire passer ses amères pilules, cette fois-ci il semble avoir choisi d’en faire des suppositoires administrés sans lubrifiant ni rien.

Il faut dire que Stewart semble être aux prises avec un profond dégoût de l’humanité ces temps-ci, abordant des sujets scatologiques et macabres, dont la décrépitude des corps, celui en particulier de sa sœur atteinte d’un cancer, et l’atroce sort réservé à Mary Turner en 1918 (qui pourrait encore se produire, d’ailleurs). Rien de jojo. Ce n’est jamais jojo avec Stewart, mais ça atteint ici un sommet/bas-fond d’écœurement et de pessimisme.

Divers musiciens ont contribué à cet album, dont sa comparse habituelle Angela Seo, son fréquent bassiste Devon Hoff et le nouveau batteur Thor Harris, en plus de quelques chanteurs et percussionnistes invités. Ça donne un album rythmé, mais pas de façon harmonieuse. C’est plutôt chargé, étouffant. Et puéril. On a affaire ici à beaucoup de sonorités de synthés sales, superposées et entremêlées de la voix de Stewart, prononçant ses textes comme s’ils lui venaient d’une façon automatique, aucunement censurée ni révisée. Stewart y va même de bruits d’enfant par moments, remuant sa langue entre ses lèvres pour créer un charabia conçu spécialement pour tester votre patience.

Sur un bon deux-tiers de l’album, les idées ont l’air d’un premier jet (j’ai presque envie de dire d’une éjaculation) non réfléchi et gardé dans le produit fini précisément pour son aspect inachevé. Les moments où l’ambiance est mieux travaillée, notamment en dernier tiers de l’album, nous rappellent ce dont Xiu Xiu est capable quand il essaie de transcender au lieu de simplement se défouler, mais c’est trop peu trop tard.

Certains fans y trouveront peut-être matière à explorer, mais même en y voyant un reflet du malaise et de la détresse vécus par bien du monde depuis quelques années face au retour en force de l’intolérance potentiellement brutale, je vois un peu mal comment on voudrait y passer beaucoup de temps. C’est de l’art très valide, mais je vois mal qui voudrait y passer beaucoup de temps, à part peut-être pour se sentir moins seul d’avoir des idées vraiment très sombres.

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