Steve Gunn
The Unseen in Between
- Matador Records
- 2019
- 44 minutes
La première fois qu’on a prêté l’oreille à un album de Steve Gunn, c’était en 2014 avec la parution de Way Out Weather; un excellent disque de folk-rock psychédélique. En 2016, Gunn nous proposait le tout aussi réussi, Eyes on the Lines, sur lequel l’instrumentiste empruntait un virage plus rock évoquant par moments la musique de Wilco. L’homme est un modèle de discrétion et d’humilité. Depuis plus d’une quinzaine d’années, il a accompagné une panoplie d’artistes fort respectés; Kurt Vile, Lee Renaldo, The War on Drugs, pour ne nommer que ceux-là. Toujours dans l’ombre et parfaitement au service de ces estimés musiciens.
C’est vendredi dernier que Steve Gunn lançait officiellement The Unseen in Between, sa nouvelle création. Réalisé par James Eklington, le Brooklynois d’origine s’engage dans une voie plus personnelle et introspective. L’élément déclencheur qui a servi d’inspiration pour cette production est le décès de son père. Il lui consacre une magnifique chanson : l’émouvante Stonehurst Cowboy qui met en vedette son jeu de guitare arpégé et la basse de Tony Garnier, un proche collaborateur du vénérable Dylan.
Musicalement, il délaisse quelque peu l’enrobage psychédélique et hypnotique qu’il insufflait à ses chansons. La formule est plus directe, forcément moins inventive, mais ça demeure très efficace et pertinent… et pour deux raisons.
La première réside dans l’approche mélodique plus assurée de Gunn. Si le guitariste est toujours aussi doué (une sorte de Chris Whitley en moins salopé), le chanteur, lui, a pris sérieusement du galon. La réalisation plus lumineuse d’Eklington amenuise quelque peu l’effet « live » qu’on pouvait peut-être déceler sur ses derniers efforts, particulièrement sur Way Out Weather. Néanmoins, même si le son d’ensemble est un peu plus domestiqué, le compositeur possède un talent exceptionnel et, combiné à la bonification mélodique dont il fait preuve, le résultat est tout à fait convaincant. The Unseen in Between est un disque moins « guitaristique » et plus « chansonnier ». Voilà !
À titre comparatif, on peut lier aisément ce nouvel album au caractère réconfortant du plus récent album de Jeff Tweedy, WARM. Ceux qui ont aimé le disque du vétéran se retrouveront en terrain connu en écoutant le dernier opus de Gunn.
Après un début plus ou moins persuasif – même si Vagabond tient la route – The Unseen in Between décolle réellement avec Stonehurst Cowboy. Par la suite, s’enchaînent Luciani, New Familiar et Lightning Field, pièces sur lesquelles on retrouve, à plus faible dose, le penchant « poteux » de la musique de Gunn. La « beatlesque » Paranoid conclut admirablement cette énième réussite à ajouter à la discographie de ce mésestimé créateur.
Même si on le préfère en mode plus aventureux, Steve Gunn demeure malgré tout un faiseur de chanson, un guitariste – et maintenant un chanteur – se positionnant nettement au-dessus de ses semblables.
The Unseen in Between est le disque qui le fera connaître à un public plus large.