Tash Sultana
Flow State
- Lonely Lands Records
- 2018
- 65 minutes
Son simple Jungle, tiré du premier EP Notion avait attiré l’attention l’an dernier. Ça groovait, la voix texturée accrochait l’oreille et l’ambiance générale transmettait un sentiment d’urgence qui portait à l’écoute. C’est donc avec de bonnes attentes que j’aie lancé le premier disque complet de la jeune artiste multi-instrumentiste australienne Tash Sultana (oui, elle est née en 1995).
Ce premier disque explore le groove, le rythm’n’blues, le lo-fi, le reggae-rock. Il y a quelque chose de trip hop parfois, de « nineties », sans que ce soit écrit en néon. On pourrait croire à lire cette liste que Flow State tire dans tous les sens. Que nenni ! L’artiste de Melbourne se distingue du paysage musical actuel et maîtrise ce qu’elle fait. Elle a son créneau, détonne un peu comme Amy Winehouse qui a brassé les cartes de la pop lorsqu’elle avait fait son entrée en scène. Sans proposer quelque chose d’inédit, mais simplement hors de l’offre générale. Avec du caractère, une livraison assumée, du chien.
Tash Sultana, de son nom complet Natasha Sultana, a enregistré tous les instruments sur Flow State. Continuant sa quête d’indépendance, elle a aussi produit son album sur sa propre étiquette de disque, Lonely Lands Records. Résultat : les treize pièces s’enchaînent sur une heure de pur plaisir.
Autant les pièces peuvent être très décontractées, comme Cigarettes, qu’elles peuvent faire preuve de plus d’audace comme Seven, une pièce instrumentale qui explore les synthés, les ambiances, le lyrisme. La voix passe de la douceur au grunge, rappelant tantôt Emma Ruth Rundle, tantôt Aldous Harding, tantôt LP.
L’émotion se transmet sur Pink Moon, balade guitare-voix qui se transforme en un cri du coeur. On prend la mesure de la puissance de la voix de Sultana, modulable, douce, violente et rauque. « ’Cause I’m going crazy/again ». Plus la pièce avance, plus la douleur se ressent :
Cut the noose, run away
You’re running with the wind
Winter soon ends
I’m buckling in my shins.
– Pink Moon
En finale, les guitares déchirent, le synthé souligne la mélodie.
Suit Mellow Marmalade, une pièce où Sultana chante presque en scat tandis que sa guitare se prend des airs de flamenco. Polyvalente, oui!
Au trois quarts de l’album, on s’étonne d’être encore à l’écoute dans un monde où la durée des albums se réduit de plus en plus. D’un point de vue éditorial, quelques chansons auraient pu être écartées pour en faire un EP entre Flow State et le prochain album (car il y en aura certainement d’autres). L’album s’essouffle un peu à la hauteur d’Harvest Love, pièce où Sultana vocalise près d’une minute sur les mots « Carry me home ».
Flow State prouve le talent brut et le travail assumé de Tash Sultana. Les mélodies variées, l’originalité des arrangements, le haut degré de la guitare, la force de la voix : tous ces éléments promettent un long avenir pour l’artiste. Chapeau.