Mark Pritchard
The Four Worlds
- Warp Records
- 2018
- 33 minutes
Pour moi, la sortie de nouveau matériel de Mark Pritchard est toujours un événement assez majeur. DJ anglais, il a trempé dans plusieurs milieux, s’illustrant tout d’abord dans l’IDM avec le respect de grands noms comme Aphex Twin, avant de se lancer dans les dernières années dans des compositions plus expérimentales et ambiantes. C’est un peu à partir de ce moment que j’ai commencé à le suivre, surtout grâce à la magnifique et douce pièce Beautiful People (2016) écrite en collaboration avec Thom Yorke. Tout ça pour dire que j’avais donc bien hâte de me lancer dans l’écoute de son nouvel opus The Four Worlds et je dois dire d’emblée que je suis loin d’avoir été déçu. La performance de Pritchard est ici impressionnante !
C’est en effet assez ambitieux de commencer un album sur une pièce instrumentale de plus de onze minutes, mais c’est là la beauté du génie créatif de Mark Pritchard. Il s’en fout des conventions ou de venir conforter l’auditeur et de le prendre par la main pour tout lui expliquer. On s’en va dans le vif du sujet directement avec une pièce déroutante, en expansion constante jusqu’à l’implosion finale, qui survient vers la 9e minute, juste avant un decrescendo dans lequel rien n’est forcé. C’est juste une toune sur 8, mais Glasspops représente quand même le tiers de la durée The Four Worlds, tout ça en intro!
L’ambiance change par la suite : on s’en va dans quelque chose de plus sombre, de plus lent. Circle of Fear évoque vaguement la musique de films d’horreur des années 70 à la Tubular Bells ou Goblin, comme son titre l’évoque. Puis vient l’anxiogène simple Come Let Us, avec une belle interprétation vocale bien échantillonnée de Gregory Whitehead.
Pour son troisième monde, Pritchard nous amène dans un endroit plus lumineux, plus aérien. La clinquante Arched Window surprend, mais vient faire un bon travail de transition avant la déclamatoire de type « spoken word » titrée S.O.S., qui lance la chanteuse The Space Lady dans un discours grandiloquent sur le sort de la planète Terre. Saluons l’ironie du compositeur qui allie habilement ces paroles alarmistes près de la science-fiction à une musique somme toute très douce. L’effet est percutant et la conclusion sur des bruits satellitaires est tout aussi efficace. Les deux pièces suivantes restent dans cette idée de dérive quasi spatiale, culminant avec l’orgue grandiose de Mên-an-Tol.
The Four Worlds se conclue finalement sur sa pièce-titre : une répétitive exploration ambiante, sombre et dissonante juste ce qu’il faut. À l’image du reste de l’album, ce qu’il faut retenir de cette conclusion un peu étrange et qui détonne, c’est que Pritchard dose encore une fois merveilleusement bien ce qu’il fait, autant au niveau des effets électroniques utilisées que dans la longueur contemplative des pièces. Tout est songé et exécuté de main de maître par un artiste indiscutablement en contrôle de son art. Sans s’adresser nécessairement à des initiés, la musique de l’Anglais reste tout de même quelque peu hermétique par moment, mais la beauté de ce nouvel album suffit tout de même à le rendre appréciable pour tous. Chapeau!