Nils Frahm
All Melody
- Erased Tapes
- 2018
- 74 minutes
Mais qui est donc Nils Frahm et que fait-il ? La question serait plutôt : qui est Nils Frahm et qu’est-ce qu’il ne fait pas ? Ce compositeur prodige d’origine berlinoise, qui allie à la fois l’électro minimaliste au classique et au jazz, est également réalisateur, propriétaire de son propre studio, en plus d’être le coauteur de deux livres sur la musique. Suite à la construction de son studio, qui s’est échelonnée sur deux ans, il nous propose son nouvel opus All Melody, un album qui fait déjà bien des vagues dans le microcosme de la musique électro ambiante.
L’ouverture de All Melody, un doux crescendo d’harmonies mixtes, nous prépare à Sunson, une épopée de neuf minutes qui se rapproche plus des racines électro-classiques de Frahm. La cadence posée, qui nous enveloppe tranquillement, laisse place à un synthétiseur appuyé, rythmé et envoûtant, qui transforme l’intro classique en techno minimaliste. Les admirateurs de ce style, rendu populaire par Moritz Von Oswald, Autechre et Aphex Twin, seront charmés par la plénitude instrumentale et la virtuosité de Frahm.
Les harmonies somptueuses de la soprano Lucy Cronin lors de la troisième chanson — simplement intitulée A Place — nous réveillent de l’odyssée qu’est Sunson. Les textures et les effets d’écho, balancés par une orchestration de violons subtils, font ressortir la beauté des synthétiseurs méticuleusement choisis. On découvre ici non seulement le multi-instrumentaliste de talent, mais également le réalisateur hors pair en pleine maîtrise de son univers musical.
Il réussit à mettre de l’avant une ambiance intime avec une réalisation qui, lorsqu’on y porte attention, est dense et chargée. Le chef-d’œuvre My Friend the Forest rappellera l’intimité de Patrick Watson, et même le minimalisme de Brian Eno. Le trompettiste Richard Koch, jusque là effacé, fait une entrée remarquée sur Human Range, avec une complainte qui contraste bien avec les voix en sourdine et les percussions électroniques obsédantes. Sa trompette est également mise en valeur dans la superbe intro de Fundamental Values, une balade au piano simple et efficace. Les admirateurs des albums plus obscurs d’Andy Summers et de Pat Metheny seront ravis à coup sûr.
La chanson titre, toute en répétition, créée une puissante anticipation qui évolue sans cesse jusqu’à en perdre toute forme. Le reste de l’album évolue sur les mêmes bases, sans toutefois être répétitif et ennuyant. Voyez plutôt une variation sur un même thème. Un seul adjectif pourrait englober notre expérience de All Melody, c’est un album organique, en constante évolution, parfois imprévisible et surprenant, souvent doux et captivant. D’ailleurs, cet album gagne à être écouté avec un casque d’écoute et dans un endroit calme. Vous serez plus en mesure d’apprécier l’étendue du travail et de la minutie qui imprègne chaque minute de ce disque.