Le Festif de Baie-St-Paul 2016
Le week-end dernier avait lieu la 7e édition du Festif! de Baie-St-Paul. L’an dernier, accompagné de ma tendre moitié (photographe pour l’occasion), j’avais assisté pour la première fois à cet événement qui m’avait comblé musicalement et… humainement parlant! Toujours escorté par Mme Dumas, j’avais bien l’intention de vérifier si l’impression favorable de l’année dernière ne constituait pas un effet de mode décevant. Voilà donc mon périple au Festif!, édition 2016.
Jour 1
Pour nous, notre Festif! devait commencer avec une prestation du bon vieux Plume Latraverse; concert qui avait lieu à la Salle multi de l’Hôtel Le Germain. Malheureusement, notre arrivée tardive nous a fait louper le légendaire Plume. Dommage.
Donc, c’est à la Scène Desjardins, avec la bébitte Gab Paquet, que Le Festif! a réellement pris son envol. C’est devant un parterre quelque peu dégarni que cet émule d’Herbert Léonard et de Mario Pelchat nous a proposé ses chansons rétro kitsch et souvent humoristiques. Arborant une coupe «totalement Longueuil», portant un pantalon de cuir serré/démodé ainsi qu’une chemise de satin dorée, le bonhomme nous a bien divertis avec son funk-rock-disco 80. Sans être ma tasse de thé préférée, ce serait bien malhonnête de ma part de vous dire que Paquet et son groupe n’ont pas fait le travail. Est-ce que l’artiste pourra passer l’épreuve du temps? Pas certain, mais si une véritable envie de se renouveler habite Paquet, nous pourrions être surpris… un peu comme Les Trois Accords ont réussi le coup, envers et contre tous. Il a terminé sa prestation comme il se doit… en belle bedaine.
Par la suite, c’était la formation Busty And The Bass qui avait l’honneur d’arpenter la Scène Desjardins. Ces excellents musiciens sont parfaitement «festifs». Malgré la surabondance de guitares Nintendo à la U2 et de cuivres, l’énergie déployée est irréprochable. Les quelques moments rappés un peu trop consensuels pour moi sont venus amenuiser mon plaisir, mais grosso modo, dans un contexte rassembleur, le groupe était à sa place. Deux morceaux de robots à la reprise d’I Try de Macy Gray.
Et la grande vedette de ce Jour 1? The Cat Empire. La formation australienne, qui n’a plus besoin de présentation, a mis le public dans sa petite poche. Cependant, malgré le respect que j’ai pour le groupe, j’avais surtout hâte de replonger dans le rock keb qui déménage. Moment fort du spectacle? Une improvisation mettant en vedette le claviériste du groupe. N’importe quel musicien présent, digne de ce nom, aurait vraiment apprécié.
Bien entendu, ceux qui me lisent régulièrement savent à quelle enseigne je loge. On a donc déménagé nos pénates avec grand plaisir au Sous-Sol de l’Église; scène où ça rock en masse! En premier lieu, c’était Francis Faubert qui ouvrait les hostilités en format trio. Accompagné de Dany Placard à la basse, Faubert nous a présenté la quasi-entièreté des chansons de l’excellent Maniwaki. Malheureusement, le jeune public présent se contrecrissait (c’est le mot juste) des lourdes chansons à tempo moyen (à la Fred Fortin il va sans dire) de Faubert. Très dommage, car ce déficit d’écoute (récurrent dans notre belle société), nous a empêchés d’apprécier à sa juste valeur le talent de songwriter de Faubert. Courageuse prestation.
Nous devions poursuivre avec Les Goules, mais la fatigue a eu raison de nos corps. Ne me lancer pas de tomates, on s’est repris un peu le lendemain.
Jour 2
Il fallait se lever assez tôt en ce Jour 2, car Avec pas de casque offrait une rare prestation en plein air au fabuleux Quai de Baie-St-Paul. Cette scène est, et de très très loin, la plus belle, la plus bucolique et la plus contemplative qu’il m’ait été donné de voir de toute ma longue vie de mélomane. Aussi clair que ça! Et d’assister à une prestation d’Avec pas de casque dans ce contexte me réjouissait au plus haut point.
Ponctuée d’un nombre important de nouvelles chansons qui paraîtront sur le nouvel album, Effets Spéciaux, la formation menée par le poète-cinéaste de talent, Stéphane Lafleur, m’a jeté sur le cul. Les nouvelles pièces sont plus complexes, mais demeurent tout aussi accessibles. Si mes oreilles étaient bien décrassées lors de la prestation, Avec pas d’casque passera probablement à la vitesse supérieure avec son nouveau stock.
Moments jouissifs? Le soleil qui fait immédiatement son apparition avec l’arrivée du groupe sur scène et une mouette qui a accompagné le groupe dans un moment musical atmosphérique. Prestation d’anthologie, tout simplement… et Lafleur est actuellement le plus grand poète-chansonnier sur deux pattes depuis Richard Desjardins!
17H45? Puisqu’on n’a pas pu voir Les Goules en action la veille, on s’est rabattu sur la prestation-surprise de Keith Kouna donnée dans une petite ruelle située tout près de l’Accomodation Baie-St-Paul. Seul avec sa guitare acoustique, il nous a gratifiés d’une sélection de pièces issues de ses albums solos. Il n’a pas joué la sublime Batiscan, mais votre homme a eu des frissons lorsque Kouna a entamé Napalm. Un autre qui devrait obtenir un plus grand rayonnement. Un futur monument de la chanson keb, rien de moins.
Après une excellente bouffe au Mouton Noir, on s’est rendu à la Scène Desjardins assister à quelques chansons d’un groupe qui me laisse complètement indifférent: Half Moon Run. Évidemment, les jeunots sont adulés par le public. Ce sont de très bons musiciens, mais j’ai souvent l’impression d’être devant un «boys band» indie-folk-rock. J’ai bien peur qu’ils subissent le même sort qu’un groupe comme Bloc Party. Effet de mode? Je peux me tromper, mais à l’écoute d’Half Moon Run, je ne peux m’empêcher de le penser. Cela dit, les gens étaient heureux et dans le cadre d’un festival comme Le Festif!, ça fonctionne très bien.
Comme prévu, nous étions de retour au Sous-Sol de l’Église pour le doublé I.D.A.L.G et Duchess Says. Grande soirée de rock. I.D.A.L.G m’a impressionné par son immense professionnalisme. Un EXCELLENT groupe qui allie des influences allant de Hawkwind aux Breastfeeders. Ma sympathique collègue présente sur place, Marie-Ève Muller, les comparait à un band de garage rock psychédélique stoner qui adulerait le Moyen-Âge. J’ai compris parfaitement la signification de son commentaire à l’écoute des chansons d’I.D.A.L.G. À suivre très très attentivement. Énergique, sale à souhait, des mélodies enfantines, mais qui sont compensées par une énergie rock qui fait plaisir à voir. Wow!
Et notre soirée s’est terminée en apothéose avec Duchess Says, groupe mené par la prêtresse Annie-Claude Deschênes, une «frontwoman» de génie! Fidèle à son habitude, Deschênes a littéralement subjugué le public présent. Elle a fait asseoir le public du Sous-Sol de l’Église au grand complet, a craché sa bière dans la foule et vidé un pichet sur la tête d’un fan heureux de recevoir autant d’affection. Même si certains peuvent y déceler une sorte de «freak show» faussement «arty», Duchess Says provoque le public et cherche à le faire sortir de sa zone de confort. Musicalement, on est dans une zone floue entre un We Are Wolves en format no wave, un groupe punk ravageur et une performance d’art contemporain. Évidemment, ceux qui croient que Garou est toute une bête de scène seraient rebutés par autant d’irrévérence. Pour ma part, dans l’état actuel des choses, l’insolence de Duchess Says me réjouit au plus haut point. Un doigt d’honneur au conservatisme ambiant. Maudit bon show!
Jour 3
Encore une fois, festival oblige, nous devions nous lever assez tôt afin de nous rendre de nouveau au Quai de Baie-St-Paul. Et c’est Safia Nolin qui avait l’honneur de nous accueillir. Et encore une fois, la dame m’a conquis. Accompagnée par l’excellent Joseph Marchand (un guitariste pour qui j’ai le plus grand des respects), l’auteure-compositrice-interprète nous a offert la plupart des chansons de son touchant Limoilou. Évidemment, afin de désamorcer le spleen constant de ses chansons, Safia et son comparse amusent le public avec quelques interventions improvisées qui font rigoler pas à peu près. On a donc appris que Safia faisait une fixation sur les Pokémons et qu’elle aimerait être Rhianna afin de pouvoir de «montrer ses tits à la planète». Très drôle. Que dire de cette réinterprétation «à la Nolin» de My Heart Will Go On de Céline Dion? Pas de farce, c’était parfaitement réussi. Et ça s’est terminé avec une petite fille qui a remis à Safia une fleur en guise d’appréciation. Ben beau triper rock, mais je n’ai pu résister à ce beau moment… vous pouvez me juger.
À 16h30, avec quelques bières dans la cravate, je me suis rendu à la Scène Hydro-Québec pour voir et entendre le bluegrass-cajun de Canailles. L’ami Labrèche m’en avait dit le plus grand bien… et il avait parfaitement raison. D’entrée de jeu, la bande a demandé au public d’y aller d’un petit continental et pigeant majoritairement dans le répertoire de ses deux disques, Manger du bois et Rond-Points, Canailles nous a proposé également quelques nouvelles chansons… plus «punk», ce qui n’était pas sans me déplaire. Bref, ce groupe n’a aucune autre prétention que de faire lever le party et ils le font très très bien. La preuve? Pu de bières au bar! Attaboy!
On a ensuite passé la grande majorité de la soirée à la Scène Desjardins. En vedette? Yann Perreau, Ariane Moffatt et Champion et ses G-Strings. Le showman Perreau était en grande forme et dans le contexte du Festif!, une prestation de sa part se prend bien. La version électro-pop réussie de La vie n’est pas qu’une salope et l’intense Le bruit des bottes ont réussi à capter mon attention. Évidemment, J’aime les oiseaux, gros succès du dernier né titré Le fantastique des astres, a fait l’unanimité.
Miss Ariane Moffatt a ensuite fait son apparition. Sur disque, les propositions chansonnières de Moffatt me laissent franchement de marbre, mais en concert, je dois avouer que la dextérité musicale et l’immense talent de la dame viennent me chercher. Batterie, guitares, synthés, Moffatt se démène habilement sur tous les instruments. Le pouce bien relevé pour les reprises d’In The Air Tonight de Phil Collins (artiste qui normalement me fait pousser des boutons…), de Material Girl de Madonna et de Eye Of The Tiger de Survivor.
Le dernier concert fédérateur était offert par Champion et ses G-Strings. Bien franchement, on peut faire la fine bouche sur l’électro-rock rassembleur de Champion (que je voudrais nettement plus lourd), mais dans une conjoncture familiale/bon enfant, ça marche. Même si la moitié du public présent désertait lentement la Scène Desjardins, Champion a fait ça comme un grand. Ceux qui ont quitté préféraient probablement la forme chansonnière pure. Notre survivant a commencé la soirée avec Life Is Good et la performance s’est conclue avec Alive Again et What A Life. Maxime Morin, qui a survécu à un cancer, a aujourd’hui bien le droit de triper comme il veut et il a célébré la vie de magnifique manière.
Finalement, on ne pouvait résister à la tentation d’aller voir Grimskunk au Sous-Sol de l’Église. Avec Vincent Peak à la basse et l’ajout d’un batteur métronome qui solidifie la cohésion du groupe, les vieux de la vieille n’ont rien perdu de leur dynamisme, et ce, malgré un Franz en béquilles qui, pour l’occasion, jouait de la guitare sur son séant. J’ai headbagné ma vie sur Silverhead au point les nombreuses consommations de vin blanc se sont transformées en reflux gastrique… et c’est pour cette raison que nous avons laissé tomber la prestation des Hôtesses d’Hilaire. Oui, le dodo était pleinement mérité.
Jour 4
Oui mes amis, on s’est encore une fois levé tôt dimanche. On s’est rendus pour une dernière fois au Quai de Baie-St-Paul pour assister au concert ultime du Festif!, et non le moindre, celui de Fred Fortin. Et c’était le premier concert de la tournée Ultramarr. Malgré quelques harmonies vocales hésitantes entre Fortin et son fidèle comparse, le guitariste Olivier Langevin, le Bleuet et ses accompagnateurs (Tellier, Lafontaine et Joly) ont été complètement impressionnants. En plein air, sous le chaud soleil charlevoisien, j’ai été flaberglasté par l’étonnante cohésion du groupe et cette fois-ci, on sent que Fortin a voulu monter un spectacle en bonne et due forme avec un ordre de chansons réfléchi… ce qui n’a pas toujours été le cas dans sa carrière. Résultat? Un show concis, pro et émouvant. Révérence à la version puissante de Scotch et à la subime Oiseau en entrée de jeu qui met en vedette le jeu métronomique du batteur Sam Joly. À ne pas manquer si ça passe près de chez vous.
Offre festivalière de haut niveau… et des gens pleins d’amour
Mais ce qui distingue réellement Le Festif! de ses semblables, c’est sans contredit, la passion de l’équipe toujours menée de main de maître par Clément Turgeon. Quand on parle de leadership inspirant (toujours dans une langue de bois marketisé à l’os), Clément est un vrai, mais un vrai de vrai, qui fait les choses pour les bonnes raisons, parce qu’il aime passionnément la musique, les artistes et les gens. Je le voyais parcourir toutes les scènes, toujours calme, humble, sans fla-fla inutile et je me disais que ce n’est pas pour rien qu’il a su mobiliser une ville au grand complet et une équipe de feu. Clément, prend ça dans ta pipe, tu le mérites pleinement.
Pour ce qui est des souriants et enthousiastes bénévoles, ces gens-là me font tout simplement capoter. Tout au long du week-end, ma compagne et moi n’avons jamais ressenti d’impatience. Impressionnant. Et j’offre un hommage senti à ce gentil vétéran qui s’occupait minutieusement de couper nos bracelets trop longs. Voilà un de ces détails qui font du Festif! un événement à part.
Finalement, tous les sitedemo.cauits offerts (que ce soit la bière en fût, gracieuseté de la Micro-Brasserie Charlevoix ou encore la bouffe du Mouton Noir) sont d’une qualité exceptionnelle.
Je pourrais discourir longuement sur tout le bien que je pense du Festif! de Baie-St-Paul. Cet événement-là se passe au-delà de la musique. Profondément humain, on a plus que jamais besoin de ce genre de projet pour contrecarrer la morosité et l’étroitesse d’esprit ambiantes.
Oui, Le Festif!, c’est rien de moins qu’une immense leçon d’humanité dans un seul et même événement… mettons que ça fait changement de plusieurs manifestations mercantilistes montréalaises où les Coors Light de la terre se mettent en équipe pour vider notre portefeuille. J’ai vidé le mien à Baie-St-Paul. C’est de l’argent crissemment bien investi !
Longue vie au Festif! On se revoit pour la 8e édition.