The Tragically Hip
Man Machine Poem
- Universal Music Group
- 2016
- 42 minutes
Ça faisait un sapré bail que je n’avais pas prêté l’oreille à un nouvel album des Tragically Hip; depuis Phantom Power (1998) en fait. Mais la triste nouvelle annoncée le 24 mai dernier m’a donné envie de replonger, probablement une dernière fois, dans la musique de ce fort respecté groupe canadien. En effet, le charismatique chanteur et parolier/poète de talent, Gord Downie, a reçu un diagnostic d’un cancer au cerveau. Incurable. Une immense tristesse s’est alors emparée de mon cœur, car j’ai de magnifiques souvenirs rattachés à la musique et aux concerts des Hip.
Et malgré la condition précaire de Downie, les irréductibles et courageux rockeurs reprendront la route cet été pour appuyer la sortie de leur nouvel album: Man Machine Poem… une critique pas comme les autres.
Ce 13e album studio, réalisé à deux têtes par Kevin Drew (Broken Social Scene) et Dave Hamelin (The Stills) a été enregistré avant que Downie sache que son cerveau était affligé par cette merde. Sans faire de lien exagéré avec les dons prémonitoires des créateurs, ce Man Machine Poem est un album totalement élégiaque.
Vous y entendrez un groupe différent, mature, aussi intense, mais surtout bouleversant. Man Machine Poem s’éloigne de la forme «canadian rock» pur et dur que les Tragically Hip préconisaient et le travail du tandem Drew/Hamelin n’est pas étranger à cet état de fait. Mélodiquement, c’est nettement moins accrocheur. Musicalement, c’est posé, plus éthéré, mais c’est loin d’être plate. Et le jeu de batterie de Johnny Fay, parfois bancal, est mis de l’avant. Le plus ou moins talentueux batteur s’en sort mieux qu’à l’habitude.
J’ai toujours considéré que les Hip étaient le groupe d’un seul homme: Gordon Downie. À un point tel que j’ai toujours décelé un décalage énorme entre le talent du chanteur et la musique assez rudimentaire de la formation. Cette fois-ci, le mélange est beaucoup plus homogène. Downie se fond subtilement à cette musique tempérée. Poussés intelligemment par les réalisateurs, les musiciens, eux, font preuve d’une créativité renouvelée.
Man Machine Poem ne comporte aucun succès radiophonique potentiel. Néanmoins, au fil des écoutes, on découvre un disque cohérent qui s’écoute sans interruption du début à la fin. Quelques pièces ressortent quand même du lot. Man et la voix frémissante de Downie donnent le coup d’envoi à ce disque. Frissons garantis. La Neil Young-esque In Sarnia émeut. Downie y va d’une belle tirade dans Great Soul: «So what’s today’s answer, then? Nothing. Eternally nothing.» Voilà la réponse la plus exacte entendue sur le supposé sens de la vie… Et Machine vient conclure ce disque de manière explosive, contre toute attente. Du bon Hip qui griche juste assez!
Si Man Machine Poem est le chant du cygne de la formation, eh bien, c’est une réussite sur toute la ligne. On n’ose même pas imaginer l’ultime communion que les fans fidèles de la formation auront avec leur chanteur préféré cet été. En écrivant ces lignes, mes yeux se sont un peu embués.
Si les fans des Hip sont d’une loyauté indéfectible, on peut en dire autant du groupe lui-même qui a toujours été d’une générosité sans borne à l’endroit de leurs admirateurs. Oui, Man Machine Poem est une magnifique conclusion à une carrière exemplaire qui, sans être exceptionnelle, a ravi de milliers de fans à travers le pays. Des fois, la vie, c’est aussi simple que ça. Un bon band, un grand chanteur, une couple de bières, des chums… et des souvenirs impérissables. Merci Gord Downie!
Ma note: 7,5/10
The Tragically Hip
Man Machine Poem
Universal Music
42 minutes
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