Érick d’Orion et Martin Tétreault
1948
- Kohlenstoff Records
- 2016
- 46 minutes
Les artistes québécois Érick d’Orion et Martin Tétreault évoluent dans le milieu de la musique contemporaine depuis un bon bout de temps; ils sont membres de plusieurs projets et ont également participé à une quantité étonnante de collaborations. C’est dans cet ordre d’idée qu’ils ont composé/improvisé 1948, un album paru cet été sur Kohlenstoff qui rend hommage à la musique concrète et à son inventeur Pierre Schaeffer. Avec d’Orion à la platine numérique et les sons électroniques et Tétreault au tourne-disque et aux disques préparés, 1948 propose une expérience auditive très près de la matière première, formée de sons fixés qui n’ont certainement jamais été joués de la sorte auparavant.
Le bruit de lecture de vinyle ouvre Para, suivi par une fréquence aiguë qui perce l’oreille. On sent la boucle à partir des pulsions réverbérées, comme des gouttes circulant dans une salle de bain. Le bruit de friture s’intensifie et accompagne ensuite une ligne mélodique étouffée. Le battement de la boucle amène un son de synthèse qui sert de flatline à la brique de distorsion et le flot de gouttes. La masse se tortille dans l’entonnoir et termine en itérations. L’atmosphère cauchemardesque de Par-delà a des qualités de film expérimental créé sur le LSD. La masse synthétique aux allures de surface martienne supporte des échantillons à la Gesang Der Jünglinge. La radio crépite et les ondes s’éloignent comme des astres flottant dans l’espace.
Rundfunk est tellement plus abrasive, les circuits ont clairement sauté. La distorsion se consume comme un réacteur pendant que les fréquences frétillent; le disque a pris feu, comme un film resté pris, défiguré par la chaleur de la lampe. Labyrinthe chuchote d’abord quelques bruits blancs, la synthèse établit ensuite une boucle à laquelle se joignent des harmoniques scintillantes. L’aiguille lit les égratignures inscrites sur le vinyle, le synth devient un bourdonnement de mécanisme. La masse réverbérée assure la suite en duo avec les bruits de statique, la haute tension revient progressivement pour faire terminer ça calciné par le courant électrique.
Cinq études de bruits (1948) de Pierre Schaeffer est un excellent prélude à 1948 qui apporte nécessairement une perspective historique à l’album. On remarque d’abord à quel point l’étude des bruits a évolué en soixante-dix ans, et bien plus si l’on remonte à Luigi Russolo. On constate ensuite que malgré notre attachement au procédé analogique vintage, les possibilités du numérique permettent maintenant d’inventer des bruits dignes d’une révolution industrielle.
MA NOTE: 7/10
Érick d’Orion et Martin Tétreault
1948
Kohlenstoff
46 minutes