Loscil
Monument Builders
- Kranky
- 2017
- 38 minutes
L’album Sea Island de Loscil, sorti en 2014, pouvait sembler long et ennuyant pour certains. Monument Builders, son plus récent paru en décembre dernier, est complètement l’opposé. Court, excitant et riche en émotions, il s’agit d’un des meilleurs disques ambiants de 2016 selon beaucoup de palmarès, incluant le mien.
Sa particularité réside dans la forte présence d’éléments percussifs alors que les opus précédents de Scott Morgan (l’unique homme derrière Loscil) en comptent très peu. La chanson Deceiver est la seule exception, sereine pièce qui comprend toutes les caractéristiques losciliennes (parce que oui, il a maintenant droit à son propre adjectif, après avoir fait une dizaine d’albums, et ce, sans compter de nombreuses collaborations): lent tempo, une note ou deux d’un synthétiseur qui appuie bien les temps et qui crée une ambiance cinématographique; celle d’un excellent drame où l’espoir semble se confondre avec le deuil.
L’ouverture nommée Drained Lake donne un ton hargneux à l’album. Les premières secondes sont comme un vent qui souffle dans un long tuyau oublié en haute Sibérie. Une sorte de respiration de la nature, jusqu’à ce que le rythme chamboule tout. Saveur dub comme dans le meilleur d’Andy Stott, prélude à l’ambiance macabre, rythmée. C’est une angoisse évolutive qui se termine en paisible résolution.
La deuxième piste, Red Tide, confirme l’agressivité inédite de l’artiste. Son début surprend: une basse rapide, intense, arpégée et exacerbée. Au fil des changements d’accords, la superposition d’éléments se fond dans une accumulation. L’oreille s’habitue et se laisse transporter; cette rudesse devient un prétexte, un vecteur de l’originelle beauté loscilienne! Le timbre organique d’un cor français vient se joindre au tout jusqu’à la fabuleuse finale.
Après l’écoute exhaustive des 38 minutes de l’album, même s’il s’agit du plus court de l’artiste, on ressort épuisé par la richesse des textures et la montagne russe auditive. D’autant plus qu’on ne peut faire abstraction aux propos dénonciateurs de l’œuvre : le tragique film que Scott Morgan nous décrit musicalement est celui de la détérioration de notre planète causée par l’homme. Anthopocene est le titre le plus révélateur à cet égard.
Finalement, l’album concept fait preuve d’une incroyable cohésion. Sa sitedemo.cauction semble bâclée à la première écoute, mais il n’en est rien, tout est parfaitement calculé. L’utilisation d’éléments « glitch » y est d’ailleurs pour beaucoup: plusieurs fois je me suis demandé en l’écoutant si mon lecteur de disque faisait défaut. Eh bien non, ce sont des erreurs contrôlées qui approfondissent les rythmes et le propos de l’album. La voix humaine surgit ici et là au fil de ces incertitudes jusqu’à ce qu’elle se perde et se dissolve dans cette finale aux accents de fin du monde.
Ma note: 8,5/10
Loscil
Monument Builders
Kranky
38 minutes