Loud
Douze sur douze
- Joy Ride Records
- 2025
- 34 minutes
Loud est de retour avec un quatrième album, un album sur lequel le rappeur se révèle léger, serein et heureux, souvent au détriment de l’effet coup de poing qu’on aurait aimé ressentir en l’écoutant.
L’album s’ouvre avec la pièce 1/12, une introduction qui met sensiblement la table à ce qui nous attend pour la suite. C’est acoustique, doux… et pas très marquant.
S’ensuivent ensuite deux pièces d’ego trip, Splash et A Win is a Win, qui s’inscrivent bien dans l’œuvre globale de Loud. On y célèbre son succès, comme c’est souvent le cas, en regardant de haut ceux qui en seraient jaloux.
Cette obsession peut finir par fatiguer. N’empêche que le trip d’ego fait partie intégrante des codes du rap, et Loud les manie avec une aisance remarquable. Sa maîtrise du verbe reste intacte : il insuffle des doubles sens, détourne des expressions populaires et parvient à renouveler des idées pourtant classiques et maintes fois explorées. Certaines lignes, il faut le dire, continuent d’offrir un plaisir d’écoute indéniable.
Mention spéciale à « Le crib est tellement nice que j’ai des compliments de la maison » et « Y’ont copié mon écriture jusqu’à la ponctuation, donc quand tu dis que je suis limité oublie pas l’apostrophe » sur Splash ou encore « Quand ils parlent de billets ils te regardent de biais, ça c’est des faux culs c’est des BBL » sur A Win is a Win.
Par contre, en contexte de crise du logement, tout le passage sur ses flips immobiliers, « Je te présente à mon gars du real estate/Il m’a get un deal sur le prix listé/Ça c’est un vrai joueur d’équipe/C’est drôle on a grandi en faisant des films de skate/Maintenant c’est d’autre genres de flips », n’est pas nécessairement le genre de vantardise qu’on a envie d’entendre.
Le quatrième morceau de l’album, Par hasard, est une collaboration avec Ariane Moffatt. Loud y signe probablement son plus beau texte de l’album, et ça tombe bien, la production, jolie et minimaliste, permet de bien mettre ses mots de l’avant. On y entend des propos fort intéressants et surtout matures sur son legs et son impact.
Par la suite vient Signe, avec le chanteur Statzz au refrain. On a affaire ici à une balade pop qui semble être conçue pour les radios commerciales. C’est accrocheur certes, mais également plutôt quétaine. Quand le refrain fait rimer « I’m on my way » avec « Everything’s gonna be okay », on se dit que ça ne vole pas super haut. On dirait une chanson de Justin Bieber en 2015.
Changement de registre total pour la prochaine piste avec Une chose à la fois, un morceau qui aurait mieux cadré sur le précédent album du rappeur, Aucune promesse, qui s’inscrivait davantage dans la pure tradition du rap. En effet, on a un beat hip-hop très classique, avec du scratching sur le refrain, le genre de beat apprécié des puristes. Et Loud fait justement appel à l’un des plus grands puristes du rap québécois pour l’accompagner sur la pièce, Connaisseur Ticaso, qui signe un couplet dans ses cordes, à la hauteur de son talent.
À ce que je sache, qui vient ensuite, est le plus remarquable morceau de cet opus. Loud y signe son meilleur refrain de l’album. L’ensemble est accrocheur, sans être ringard. Loud rappe avec ce ton décontracté et nonchalant qui a fait sa marque sur une production juste vraiment l’fun. Bref, du Loud bien équilibré.
Notre enthousiasme ne dure pas bien longtemps. À l’opposé de la précédente chanson, Loud propose sur la prochaine, Lampe magique, son pire refrain de l’album. Le beat du morceau rappelle fortement celui de Tiens mon drink de l’époque Loud Lary Ajust. On se retrouve dans des inspirations dirty south à la Ying Yang Twins, mais quelque chose ne colle pas, comme un manque d’authenticité, qui fait que le morceau sonne comme un pastiche plutôt que comme un hommage.
On quitte le dirty south pour la suivante, Game Time, mais on reste dans des inspirations des années 2000. Le type de beat utilisé sied mieux à Loud, on est dans un vrai esprit de célébration et l’authenticité se fait davantage ressentir. Même l’outro, où l’on sent la forte inspiration de Drake, sonne bien.
Ensuite, Quelque chose, premier simple révélé par Loud pour cet album, est une autre chanson aux visées clairement commerciales. L’échantillon de la voix de Barnev est bien utilisé, certes, car accrocheur, mais les paroles de Loud qu’il adresse à son amoureuse sont… quétaines. À un certain point de la chanson, il lui demande « si je te dis que j’ai fondu, est-ce que c’est extra cheesy? ». La réponse est oui.
Sans Retenue, qui vient après, aurait pu ne pas être retenue. Une autre chanson d’ego trip qui parle de son ascension et qui donc n’apporte pas grand-chose de plus à ce moment-ci de l’album, d’autant plus qu’elle est moins entraînante que celles du début du disque et comporte moins de figures de style mémorables.
Dans l’avant-dernier morceau, Entre nous, Loud semble vouloir se mouiller un peu plus. C’est une balade intime, très minimaliste, s’apparentant presque au slam, dans laquelle Loud évoque une rupture amoureuse. Mais elle comporte quelques problèmes… D’une part, cette histoire de rupture n’est pas particulièrement marquante, et d’autre part, compte tenu de la lenteur de la pièce, le désir de vouloir la réécouter n’est pas nécessairement là. Dans un genre un peu comparable, son morceau Sometimes, All the Time avec Charlotte Cardin, était beaucoup plus efficace.
Enfin, l’album se clôt avec 13/12, un genre de pièce bonus dans laquelle Loud remercie son public et ses acolytes. Encore une fois, c’est un peu ringard, et quasiment trop gentil.
Bref, ce quatrième opus de Loud est marqué par une volonté de plaire au grand public. Il en résulte un album trop sage, complaisant, portant des thèmes de développement personnel qui ne volent pas particulièrement haut.
On aurait voulu des sons plus percutants, plus bruts, du genre du morceau Oui monsieur, fait en collaboration avec son acolyte Lary Kidd, paru l’an dernier. C’est drôle à dire, mais Douze sur douze est trop lumineux pour les temps que l’on vit.
C’est décevant, mais la barre est haute devant un artiste de ce calibre.
La déception est d’autant plus grande que la dernière chanson de son précédent album, Win Win, qui traitait notamment de racisme systémique et de privilège blanc, laissait entrevoir que Loud était peut-être enfin prêt à introduire un propos social plus riche dans son œuvre. Ce n’est pas le cas. Peut-être une prochaine fois.