Et on déjeune
Secoue le sol
- Indépendant
- 2025
- 26 minutes
En écoutant le premier long jeu du groupe Et on déjeune, une myriade de questions nous viennent à l’esprit. « C’est qui eux-autres ? » « D’où viennent-elles ? » « Depuis quand roulent-elles leur bosse ?» Et surtout : « Comment en sont-elles arrivées à créer ce son distinctif ? »
Julie Mercier, Mélissa Delage, Lou-Raphaëlle Paul-Allaire, Jeanne Perrin et Véronique Fournier sont cinq musiciennes dont l’âge varie de 25 à plus de 40 ans. Elles proviennent de milieux différents, et ont été soumises à des influences distinctes. Si trois d’entre elles étaient de l’ancienne mouture du groupe qui a produit le EP Dans l’eau, paru en 2023, la formation actuelle joue ensemble depuis peu. Elles ont malgré tout réussi l’exploit de composer l’œuvre Secoue le sol en équipe, de sorte que chacune des membres puisse y apposer sa signature.
L’univers qui découle de ce processus créatif est carrément éclectique. Aux puissants motifs de guitare électrique et aux percussions fidèles aux codes du punk rock vient se greffer un savant jeu de synthétiseur qui évoque un retour aux années 80. Naviguant entre nostalgie et modernité, la musique ratisse large et trahit l’imposante culture musicale du quintette. À titre d’exemple, les deux dernières chansons détonnent du reste. Avec sa pop rythmée et sensible, Le 8e passager peut à certains égards rappeler le travail de Cœur de Pirate. Tu attends, une proposition enveloppante et lumineuse à la Coldplay, est rehaussée par d’impressionnants arrangements de cordes.
J’ai récemment demandé à mon fils de 7 ans ce qui, à son avis, était la qualité la plus importante qu’un ou une vocaliste devait avoir. Sa réponse a de quoi surprendre. Il a dit «Ben… il faut que la voix fonctionne avec la musique. Genre, la voix du gars qui chante Thunderstruck ne fonctionnerait pas sur de la musique douce ». Si, comme lui, vous valorisez cet attribut, vous apprécierez le travail de Julie Mercier. La chanteuse s’adapte avec dextérité aux paysages changeants générés par le reste du groupe. Sur la post-punk Joconde, elle adopte comme il se doit un registre plus grave et une livraison saccadée. Puis, elle s’adoucit pour respecter le folk apaisant et le léger pizzicato de Going West. Finalement, elle sort le méchant sur le rock brute et éclaté de Sweet fuckall. La différence entre chaque performance est telle que j’ai été étonné d’apprendre que toutes les pièces sauf Сенцето (interprétée en macédonien par Jeanne Perrin) étaient chantées par la même personne!
Les textes de la formation d’Abitibi-Témiscamingue sont poétiques, introspectifs, et regorgent d’images fortes qui s’arriment parfaitement avec la musique. On le comprend rapidement à l’écoute de l’hypnotisante Nage sous la glace qui nous fait vivre une expérience immersive.
Nage sous la glace
près du zéro
Miraculeuse extra-thermo
Nage sous la glace
Aspire l’air de l’eau
Miraculeuse cyano-Nage sous la glace
Secoue le sol possède toutes les caractéristiques d’un « grower ». La curiosité des premières écoutes laisse rapidement place à une dépendance réelle, et à une volonté de plonger encore plus loin dans l’œuvre.