Chroniques

Entrevue | Émile Bilodeau: Le sens des Îles

On trouve, dans une accolade partagée avec Émile Bilodeau, le même réconfort que lorsqu’on se pose les pieds dans le sable fin et chaud lors d’une journée à la plage.

En cette fin d’après-midi chaude de début d’automne, je rejoins le chanteur dans un café de Rosemont. Avant même que l’on passe à table, le gaillard m’explique qu’il est, on ne peut plus enjoué de jaser de son album à venir. Visiblement, Bill aux Îles, son sixième album qui sera dans les bacs le 12 septembre prochain (en pleine Journée de l’album québécois!!!) est un projet qui lui tient à cœur. 

Et ça se comprend. Bill, nommé ainsi depuis le secondaire, porte ce projet bien haut avec la petite équipe qui l’accompagne depuis un moment déjà.

Les Îles-de-la-Madeleine, terre d’accueil

Émile Bilodeau a adopté l’archipel, et vice-versa, depuis près de 10 ans maintenant. C’est sa rencontre avec sa copine Flavie qui lui débloque les secrets les mieux gardés de ce magnifique endroit. Et depuis, il ne s’en sort pas. Tellement, qu’à l’hiver 2024, Émile a trouvé refuge à Havre-Aubert et a passé son mois de février à écrire des tounes inspirées par ces lieux suspendus. « Les milieux insulaires sont inspirants pour plusieurs raisons, mais surtout pour la déconnexion », me confie-t-il. Et l’hiver aux Îles, ça semble assez propice au décrochage. Il abonde en ce sens: « S’y déposer, c’est assez particulier. Surtout l’hiver. J’ai fait ça dans une certaine solitude, d’où l’aspect solo du projet. »

Oui, précisons que Bill aux Îles est un projet assez personnel et indépendant. Les chansons composées en solo ont été enregistrées pour l’album lors d’un concert capté devant public Aux Pas Perdus, une salle de spectacle de Cap-aux-Meules. Et Émile Bilodeau pousse la chose jusqu’au bout. Seul sur scène, guitare en main, tambourine au pied et poussant la note à l’harmonica, le presque trentenaire adopte la formule homme-orchestre, mais en ayant toujours la collectivité en tête. Cet album live, entre chansons et monologues, comme Richard Desjardins l’a fait au Club Soda en 1993, appartient de tout droit aux Madelinots et Madeliniennes. « On l’entend dans l’album, on sent que la communauté m’a adopté, tout de suite ça a été un coup de foudre avec les gens », explique Émile. 

L’échange ne s’arrête toutefois pas là. Pas mal de monde a mis la main à la pâte, comme la gang de la Shed Surf Bar qui a fourni des coussins pour la veillée, le band local Les Groundskeepers qui a assuré la première partie, et finalement, la salle Aux Pas Perdus qui a généreusement accueilli le chanteur le temps de deux soirées. 

Puis, les lieux ont aussi un impact sur des morceaux de ce projet. Le disque respire les Îles et son vent salin. Prenons la pièce Havre-Aubert, par exemple, un premier morceau instrumental pour Bill qui s’inspire de la solitude et de la plénitude de cet endroit. Le principal intéressé abonde en ce sens: « Au début, je me forçais à mettre des paroles, ça a toujours été ça mon référent, mais là, c’est comme si les îles m’ont proposé de fermer ma yeule. » 

Une chanson qui sort des Îles

Un peu avant qu’on se fasse mettre dehors par le propriétaire-barista, Émile Bilodeau me fredonne un air de Kashtin. Initialement, l’auteur-compositeur-interprète mentionne qu’il voulait reprendre une chanson de Florent et de Claude pour son album. C’est en discutant avec son professeur d’innu-aimun et l’acolyte Scott-Pien Picard que cette idée a pris une autre direction. « Bill, si tu chantes ça, ce ne sera pas parfait. Les Innus vont dire que t’as un drôle d’accent. » Alors, une autre idée a germé, celle de traduire une partie des textes de Ça va, sa chanson la plus populaire dans cette langue. « Si ce sont tes mots, si personne les a chantés avant, il n’y pas de référents. Personne ne va chialer si tu le dis pas parfaitement », ont approuvé ses proches.

En plus, il explique que cet air est assez apprécié par les Innus qu’il côtoie maintenant depuis trois ans. Cette nouvelle itération allait de soi. Finalement, Muat Tsham a été enregistrée avec l’auteur-compositeur-interprète Matiu à Port-Cartier, devenant la seule chanson du projet s’étant échappée des Îles. 

Le sens des choses

En créant son disque, Bill s’est posé la question, s’est interrogé quant à son lien avec le territoire et ses relations avec les communautés autochtones qu’il fréquente. Ce nouvel album verra le jour, mené par une quête de sens. Celui-ci, il l’a trouvé dans la nouvelle partie de sa carrière qui a débuté lorsqu’il s’est déposé aux Îles. Fréquentant ces lieux et allant vers sa communauté depuis presque 10 ans, et plus fréquemment après les succès qu’il a connus avec Rites de passage, Grandeur mature et Tout seul comme un grand, Émile Bilodeau croit qu’ancrées dans le sol sablonneux de ce territoire, ses nouvelles chansons ont le droit d’exister dans leur contexte bien spécial.

Même son de cloche avec sa relation avec les Innus. Bilodeau explique: « Tout le travail que je fais avec la communauté, c’est dans le but de leur donner de la lumière. » On ressent fort ce désir lorsqu’il réitère son soutien au projet réclamant un quota de 5% de musique autochtone sur les ondes des radios commerciales canadiennes qui a été demandé par un rassemblement d’artistes et de leaders autochtones en 2023. Ou encore quand il préfère le Nitassinan et Port-Cartier aux Pas Perdus pour enregistrer Muat Tsham avec Matiu.

Émile Bilodeau prendra la route, cet automne, pour présenter les extraits de Bill aux Îles un peu partout au Québec avec un spectacle mis en scène par Hubert Proulx. Après un retour sur l’archipel et un passage à la Shed Surf Bar, Bilodeau reviendra en ville, au Gésu, le 25 septembre prochain, pour nous faire voyager à notre tour. « On me reconnait pour mes textes, mais là, le public va voir le musicien et je suis vraiment content de l’assumer », conclut-il, alors, qu’au même moment, le patron du café ferme la porte à double tour.

Bill aux Îles paraît le 12 septembre prochain. Plus de détails ici.

Crédit photo: Johanie Forest

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