Critiques

clipping.

Dead Channel Sky

  • Sub Pop Records
  • 2025
  • 54 minutes
8
Le meilleur de lca

Les rois du rap horrifique sont de retour. Dans la scène alternative du hip-hop, on peut penser à des noms connus comme Death Grips (même si bon, Death Grips, c’est fini), JPEGMafia, jouissant tout de même d’une fanbase considérable et très, TRÈS chronically online, comme on dit, ou même Ho99o9, dans une certaine mesure, même si ceux-ci versent souvent dans le punk ou même le métal. Quelque part parmi cette scène éclectique, on retrouve clipping., à mi-chemin entre l’horreur et le fantomatique et le conceptuel, le tout enveloppé d’ambiances résolument hip-hop. Leur diptyque There Existed an Addiction to Blood et Visions of Bodies Being Burned les a dévoilés au public, les élevant au rang des rois non officiels d’Halloween. Bon, peut-être pas au même niveau médiatique que les Thriller de ce monde, mais quand même…

Cette fois, pourtant, leur nouvel album, Dead Channel Sky, voit le jour en… mars! Qu’à cela ne tienne, au vu de l’état actuel de nos sociétés, l’horreur n’attendra pas. Dominator

Déjà, un des premiers extraits du projet, Run It, surprenait grâce à son ambiance… expérimentale. On se croirait dans un club un peu maléfique dirigé par une race d’extraterrestres aux motivations nébuleuses. Ces ambiances sont monnaie courante sur cet album et ont le don de nous rendre mal à l’aise. Littéralement. Sur des morceaux comme Intro, Go et Dodger les sifflements et bruits de statiques sont harassants, presque insoutenables. Mais on en redemande. Sur le premier Simple Degradation, c’est comme si on écoutait une cassette usée à bout de sa bande.

Les influences du rap expérimental et alternatif sont plus fortes que jamais ici. Sur Mood Organ, on croirait presque entendre une maquette de Death Grips à l’époque de Money Store. « Oh, he dead, » s’exclame Daveed Diggs, rappeur principal du groupe, en référence, d’ailleurs, à un morceau passé arborant à peu près le même titre. L’interprète est d’ailleurs une des étoiles de cet album, se mariant extrêmement bien aux productions. Par exemple, Code arrive à nous faire froncer les sourcils en gardant un groove, celui-ci grandement élevé grâce au flow entraînant de Diggs… Celui-ci infuse à ses performances une vitalité lugubre, Scams et Polaroids étant d’autres excellentes démonstrations de cette habileté à raconter une histoire macabre avec une voix ténébreuse et sinistre.

Pourtant, et je dois le dire, l’album me force également à faire face à un des aspects du hip-hop qui me rebute depuis plusieurs années : le fast flow. Cette technique subit des moqueries depuis longtemps sur le net, et honnêtement, je comprends : la plupart du temps, je trouve ce flow inutile et propice à perdre l’auditeur dans un gloubi-boulga de paroles sans fin. MAIS… je me dois d’au moins nuancer. Dans le cas de clipping., ça peut parfois marcher. La vitesse du débit peut rappeler le flot de paroles incohérent d’un homme au bord du gouffre, ou encore les pas précipités d’un cafard se faufilant entre les jambes des gens. Dans tous les cas, l’album joue continuellement sur la note de l’expérimentation et atteint souvent son but. Vers la fin de l’album, les morceaux Madcap et Mirrorshades pt. 2 s’enchaînent, déconcertent et étonnent. À noter la présence de Cartel Madras sur cette dernière piste, livrant une performance dynamique et charismatique au possible.

Puis, de l’autre côté de la médaille, on retrouvera Welcome Home Warrior, classique et délicieusement efficace, avec Aesop Rock plaçant la cerise sur le gâteau. L’album se conclut enfin sur Ask What Happened, comme un rassemblement de toute l’étrangeté de ce que nous avons entendu précédemment. Nous sommes laissés avec une production à l’orée du breakbeat, comme si nous courions sur place pour finalement nous envoler, libérés, avec une certaine forme de paix intérieure… du moins, c’est ce que nous croyons.

Dead Channel Sky est non seulement la concrétisation de l’œuvre de clipping. que nous connaissions déjà, mais également une ouverture sur de nouveaux horizons. Souvent, nous associons le renouveau des artistes à un papillon prenant son envol, à un oiseau fonçant vers les cieux pour explorer. Ici, ce renouveau, c’est comme un insecte cherchant les coins les plus sombres de ce que nous connaissons. Là où peu d’entre nous osent s’aventurer. Peut-être que c’est là que se cache la beauté.

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