Critiques

Rymz

Vivre à mourir

  • Joy Ride Records
  • 2024
  • 38 minutes
6,5

Fier de 15 années de carrière, Rémi Daoust, alias Rymz, multiplie les albums, les collaborations de taille, les nominations à l’Adisq et les succès. Cette fois, le Marchand d’son est de retour avec sa besace remplie de 14 nouvelles chansons. Celles-ci se retrouvent dans ce cinquième album sobrement intitulé Vivre à mourir. Alliant des pièces rythmées, d’autres, plus intimes, et de nouvelles collaborations, cette ode nuancée à sa vie rapide représente le fruit de deux années au charbon pour le sympathique rappeur.

Le projet s’ouvre de manière particulièrement intéressante avec la succession de Foutre le camp, Vivre à mourir et Bang. Les deux premières pistes offrent des réflexions profondes qui nous plongent dans les tourments et l’évolution du rappeur au cours des deux dernières années. Les productions sont efficaces et la première assez nostalgique. La chanson-titre s’amène et Rymz déploie sa prose aiguisée avec sa voix rauque et assertive. Tout ça, sur la musique de Gary Wide, qui laisse assez de place au rappeur pour qu’il puisse briller. Presque prémonitoire de son passage à Tout le monde en parle et d’une question, bien sûr, lancée par MC Gilles, Rymz rappe ceci: 

Te rappelles-tu que la musique rend les miracles possibles
J’le fais par appétit, eux ils me demandent “mec ton peura paie-t-il?”

Vivre à mourir

Ces deux morceaux de qualité sont suivis par un moment névralgique de l’album. Bang, inspiré par la phrase qu’il répète souvent à la fin de ses spectacles, débarque et fait tout sauter. Ce morceau créé pour la scène s’habille de sonorités afro-trap particulièrement entraînantes. La piste contraste, positivement, par son énergie indéniable, avec les deux pièces précédentes, plus verbeuses. Rymz, en grande forme, s’époumone et le résultat est réussi. Bang sera un banger lors de futurs spectacles. Pardonnez-moi.

Bon, il y a aussi des moments moins convaincants. Ici le projet s’essouffle un brin avec les collaborations avec GreenWoodz et l’acolyte de longue date D4vid Lee. Le emo-rap à la sauce Juice Wrld de La vie c’est la vie tombe à plat et l’apport du jeune rappeur de Joliette n’est pas particulièrement efficace. C’est plus concluant avec la production saccadée et chaude de Farfadet et de Christophe Martin sur Quand le soleil dort, mais les textes sont parfois trop simples et le refrain légèrement répétitif. C’est tout de même très catchy!

Heureusement, Vivre à mourir reprend du galon sur Ma Pref, partenariat romantique entre Rymz et la chanteuse Naomi, également son épouse. Les deux alternent avec leur style distinctif. La voix suave et tout en contrôle de Naomi s’agence brillamment avec celle, plus rocailleuse, de son partenaire. Ces vœux d’amour façonnent une grosse track aux teintes R&B qui s’écouterait avec plaisir lors d’une soirée chaude de printemps. Une collaboration rusée (comme un renard). VDR life

Et puis, une association surprenante s’invite à la fête. Rymz convie Ingrid St-Pierre sur Fleur sauvage. Au son des notes mélancoliques du piano jouées par la chanteuse elle-même, les deux artistes enchaînent des couplets et des refrains imagés, parfois, un tantinet kitsch. C’est ce qu’a avoué Rymz lui-même lors d’une entrevue avec le collègue Philippe Renaud du Devoir et dans les paroles de la chanson. D’une certaine façon, ça apporte une accalmie et une poésie intéressante au projet, mais les textes et le passage de cordes à la fin plongent la piste en territoire légèrement trop quétaine.

Peut-être c’est kitsch
Reste qu’on s’est pas lâché depuis le premier kiss
Fleur sauvage

Puis, Bang! Ça repart. On plonge au cœur d’une deuxième moitié d’album efficace qui agence des chansons rap rythmées et deux interludes slamés par Rymz, soit Heureusement que t’existes et Pleurer en souriant. Héroïne et son refrain Souldia-esque fonctionne fort. Après, s’ajoutent des morceaux nostalgiques aux sonorités old-school, comme les deux derniers de l’album. Vivre à mourir se conclut avec panache avec le ver d’oreille de High on life et Millénium. La seconde est nappée d’une production aux notes de pianos aiguës emplies de spleen et de rythmes qui revisitent le passé. Farfadet en fait assez sur la production et sur son couplet et le résultat est accrocheur et mélodieux. 

Sur Vivre à mourir, le rappeur natif de Saint-Hyacinthe ne démord pas. On y retrouve son univers riche, son lexique et ses références à lui. Il sait aborder des sujets classiques; ici, la façon dont il vit sa vie sans restriction, ses troubles et ses réussites, de manière intéressante. Les productions, dans un rôle de soutien, en font juste assez pour supporter sa plume. Les morceaux qui nous laissent sur notre appétit par leur simplicité et des collaborations inégales sont rattrapés par d’autres, plus musclés et captivants. Comme l’indique le titre du projet, c’est un album nuancé, parfois sombre et parfois lumineux, que nous a livré avec assurance celui qu’on appelle Petit prince.

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