Critiques

Primal Scream

Come Ahead

  • BMG
  • 2024
  • 82 minutes
6,5

Je vais être franche dès le début de cette chronique : j’ai lancé ce nouvel album de Primal Scream les yeux complètement fermés. En vérité, je les ai connus spécifiquement grâce à leur opus de 1991, Screamadelica (avec sa pochette saisissante), opus marquant de l’expérimentation, aliénant rock, psychédélique et une touche d’acid house. La formation irlandaise, menée par Robert « Bobby » Gillepsie, a depuis poursuivi ses activités depuis maintenant 3 décennies, ce qui n’est pas rien. Maintenant, comme de nombreux autres groupes et artistes cette année (sérieusement, 2024 a été une année incroyable en termes de sorties musicales), Primal Scream est de retour avec un nouvel album, Come Ahead. Cette expression, d’ailleurs, s’avère être une expression tout droit de Glasgow, signifiant une marque d’attitude et de confiance en soi lorsque quelqu’un propose une bagarre à autrui. Audacieux, direz-vous. Eh bien, c’est le message premier de Primal Scream sur Come Ahead. « Tu veux m’affronter? Ne t’inquiète pas, je suis prêt! » C’est une promesse qui nous fait sourire et qui nous donne bien envie de s’intéresser à cet album, et de ce fait, d’un point de vue purement musical, l’album réussit effectivement à convaincre.

Ce qui est sûr, c’est que la palette instrumentale de l’album est très riche, variée, et léchée, que ce soit le saxophone de Melancholy Man ou encore le violon enjoué d’Innocent Money, violon qui a d’ailleurs sonorités presque disco. Il en va de même pour les chœurs venant agrémenter les textures sonores et étoffer les harmonies vocales. Et oui, comme vous pouvez vous l’imaginer, c’est très doux à l’oreille. Come Ahead, c’est un album ose et qui n’a pas peur d’oser des sonorités de différentes époques. D’ailleurs, pour en revenir à Melancholy Man, la guitare électrique d’Andrew Innes résonne dès les premières mesures comme une délivrance. À ce fait, c’est une entrée en matière qui m’a ÉNORMÉMENT fait penser au solo de guitare d’Eddie Hazel sur Maggot Brain, morceau mythique du groupe Funkadelic. Jolie façon de rendre hommage au passé avec un goût de modernité. De manière générale, on remarque un désir accru pour la nostalgie. Après la mode du « rétro » des années 80 au début des années 2020, ici, chaque note résonne comme un appel du passé, comme si nous venions de ressortir de nos archives un album photos poussiéreux, mais ô combien précieux. Il y a du rock, du funk, de la dance, bref, il y en a pour tous les goûts.

Ce qui est tout à l’avantage du projet, c’est son homogénéité et sa capacité à maintenir une ligne directrice musicale, pour le meilleur comme pour le pire. Ce désir de cohérence est effet souvent efficace, mais peut parfois faire tourner en rond la musique en elle-même au bout de plusieurs minutes, sans compter la longueur de certains morceaux. De plus, là où les ambiances sonores viennent ponctuer l’écoute de moments marquants et doux, certaines performances vocales ont tendance à se tapir dans la pénombre et à demeurer plutôt discrètes. Ne vous détrompez pas, Bobby Gillepsie sait résolument bien s’adapter à la mélancolie quand son propos véhiculé le lui demande, mais parfois, les mélodies manquent d’énergie et de vitalité. Là où un morceau comme Ready to Go Home débute de manière frénétique, mêlant batterie et chorale, la performance du frontman peut malheureusement manquer de folie et de relief.

Reste néanmoins que l’album offre des moments de gratification émotionnelle çà et là qui s’avère efficace. Le morceau final, Settlers Blues, offre un joli sentiment de clôture dans lequel Gillepsie décrit également l’oppression du peuple irlandais à travers les époques par les Britanniques. C’est évocateur, fort et touchant. Come Ahead, de par son titre en passant par son propos, est résolument irlandais. Engagé et vulnérable, Primal Scream balance entre vitalité et intimité, le tout de manière habile, pudique, et toujours de manière juste. Néanmoins, là où les idées brillent de par leur pertinence, l’emballage peut parfois manquer d’impact durable. Malgré cela, Come Ahead est un album agréable et qui est destiné à bien mariner avec le temps. De plus, à une époque où les morceaux issus de la musique dite « populaire » se raccourcissent, entendre des solos d’instruments, ça fait chaud au cœur. Et en ce début de mois de novembre, nous avons tous besoin d’un peu de chaleur.

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