Festival en chanson de Petite-Vallée 2024 | Maïa Barouh, Autour de Marie-Jo Thério, Maten, les chansonneures et chansonneuses, Belle Grand Fille et Marc Déry
Les 3e et 4e journées se sont déroulées sous des températures caniculaires dans la péninsule gaspésienne. Heureusement, le mercure ici revient à une fraîcheur confortable la nuit.
Tout roule comme sur des roulettes, c’est à tout le moins comme ça que ça paraît de l’extérieur alors que les journées se succèdent au Festival en chanson de Petite-Vallée, mais ne se ressemble pas. Il y avait des artistes d’un peu partout dans le monde pour ces 3e et 4e journées de l’événement.
Maïa Barouh
L’autrice-compositrice-interprète franco-japonaise Maïa Barouh arrive avec un héritage peu ordinaire. Son père, Pierre Barouh, est le fondateur de la maison de disque Saravah qui a notamment été un endroit important pour Brigitte Fontaine et Jacques Higelin, pour ne nommer qu’eux. D’ailleurs, dans son concert, Maïa Barouh célèbre l’héritage paternel en le nommant, mais aussi en interprétant la chanson Le goudron de Fontaine.
Cependant, ce qui est vraiment le plus intéressant chez Maïa Barouh, c’est son répertoire à elle. Elle offre une électro-pop qui s’inspire de ses deux cultures dans un mélange qui semble naturel et homogène. De plus, elle est une impressionnante interprète qui a gagné la foule en moins de deux. Ses pièces sont chantées dans plusieurs langues, dont le japonais, et portent sur des sujets variés, notamment de se faire accoster comme si elle était chinoise dans sa France natale. Elle a aussi plongé dans un chant traditionnel aïnus, un peuple autochtone du Japon et de la Russie.
C’était un concert franchement intéressant qui donne envie de mieux connaître la discographie de Barouh.
Autour de Marie-Jo Thério
Les concerts autour de l’artiste-passeur ont toujours un petit côté « talent show » alors que plusieurs personnes du village et des environs se prêtent au jeu. On a notamment entendu une médecin de Gaspé qui a fait un duo avec Joseph Edgar ou un groupe composé de professeurs du village, de la pharmacienne, de la comptable et de son adjointe. Bref, vous comprenez, c’est un concert qui est organisé par ou pour le village en honneur de l’artiste passeur et c’est bien ainsi. Il faut dire aussi que tout le monde se débrouille au chant et que le groupe maison composé de Jean-Sébastien «Ti-Bass » Fournier, Manuel Gasse, Vincent Carré et Lana Carbonneau s’assure que ça soit solide au niveau musical. Le tout était animé avec humour et beaucoup d’autodérision par un Christian Bégin en pleine forme.
En plus des gens de la place qui participait au concert, quelques noms plus connus sont venus faire leur tour. On y a vu bien sûr les sœurs Côté, Jeanne et Mathilde, dont les noms sont synonymes de Petite-Vallée, Marie-Pierre Arthur, les chansonnneurs de l’édition 2024, Belle Grand Fille, Maten, Maïa Barouh, Chloé Lacasse, Guillaume Arsenault et plusieurs autres. Les compagnons de scène de Marie-Jo Thério étaient aussi de la partie : Érik West Millette et Bernard Falaise ainsi que son compagnon de vie, Olivier Bloch-Lanié, fondateur du mythique studio La Frette où ont été enregistré des albums d’Arctic Monkeys, Patrick Watson, Feist, Nick Cave, Idles et bien plus.
Maten
S’il y a une chose qui est sûre avec Maten, c’est que l’énergie et le plaisir seront au rendez-vous et le groupe a assuré de conserver sa réputation avec son concert de fin de soirée au camp chanson. Avec des chansons de son album Utenat paru l’an dernier et des pièces de son répertoire des 25 dernières années, le groupe a mis le party dans la salle. Il y a bien sûr eu un classique makusham qui était à l’étroit dans la salle qui avait gardé ses tables et ses chaises. C’était bien la seule drôle de décision de la soirée. Comme toujours, ce fut fort réussi pour Maten.
Les chansonneurs
Le rendez-vous annuel pour découvrir la cohorte des chansonneurs dans son meilleur élément était maintenant arrivé. Accompagnés par Jean-Sébastien «Ti-Bass » Fournier, Manuel Gasse et Lana Carbonneau, les 8 chansonneurs et chansonneuses nous ont présenté deux pièces chacun en groupe de quatre.
Le premier groupe était composé de FROU, Bagaï, Velours Velours et Sandra Contour. J’ai été surpris par la proposition de FROU qui offre un folk orchestral qui rappelle par moment Fleet Foxes ou Bon Iver. Les arrangements que les musiciens ont joués autour donnaient aussi de l’ampleur aux pièces. C’était à la fois délicat et grandiose. Bagaï pour sa part a une très belle voix qu’elle joint à une interprétation juste. Ça donne de beaux moments touchants sur scène. Velours Velours, pour sa part, fait les camps en chanson depuis de nombreuses années et rêvait du moment où il allait être sur la scène du Théâtre de la vieille forge. Il en a profité pour nous proposer deux nouvelles chansons qui continuent de creuser dans la même direction que son EP paru en 2022. Finalement, Sandra Contour nous a donné une bonne dose de son humour qui la rend attachante. On a appris par le fait même qu’elle était une grande fan de Dubmatique avant qu’elle nous livre deux nouvelles pièces.
Pendant que s’exécutaient sur scène les chansonneurs, une gang d’ados qui font à leur tour les camps en chanson formaient un fan club absolument adorable. De voir la génération qui viendra après fêter aussi fort la génération émergente de musicien est quelque chose de touchant qui représente bien la force du Festival en chanson de Petite-Vallée. Bien qu’il y ait un artiste passeur, il y a une passation de la flamme qui se fait à tous les niveaux et à tous les âges.
Puis, la deuxième cohorte de chansonneurs s’est à son tour présentée sur scène. Celle-ci était constituée de Louve Saint-Jeu, Émile Bourgault, Maud Evelyne et Feu Toute!. Louve Saint-Jeu offre une proposition franchement poétique qui est d’abord et avant tout axée sur les mots. Cela fait en sorte que musicalement, ce n’est pas la proposition la plus développée, mais son interprétation est tranchante, habitée et très convaincante. Émile Bourgault a une fois de plus démontré pourquoi il s’est rendu en finale des Francouvertes en 2022. Sa proposition est aboutie et il y est à l’aise comme un poisson dans l’eau. Il a présenté deux pièces de son album Tant mieux, paru un peu plus tôt cette année. Parlant d’artiste qui ont fait briller leur répertoire, Maud Evelyne a offert une très belle performance des pièces Dis-moi si la ville et Rossignol du Dollorama, tirées de son album Préfontaine, paru en 2023. Finalement, Feu toute! a ajouté une bonne d’énergie dans le lot avec son rock groovy. Elle a puisé dans son EP Vitesse grand V pour offrir la proposition la plus dynamique de l’après-midi.
Les 8 chansonneurs et chansonneuses se sont rejoint sur scène pour interpréter L’oiseau de paradis de Marie-Jo Thério, un moment particulièrement touchant alors que tout un chacun commençait à internaliser la réalité : le parcours se termine. Les larmes ont coulé, les sourires étaient au rendez-vous et une belle unité liait les artistes. C’était beau.
Belle Grand Fille
C’est Anne-Sophie Doré-Coulombe qui officiait le 5 à 7 avec son projet Belle Grand Fille. Celle qui a lancé l’album Les loups dorment tranquilles en septembre 2023 a offert une prestation fort agréable empreinte de la douceur qui caractérise son œuvre. Il y a une belle fragilité dans son interprétation et elle n’hésite pas à se livrer au public avec une belle candeur. Il faut aussi souligner les musiciens qui l’accompagnent et qui ont tous été très bons. Particulièrement, la batteuse montréalaise Mili Hong qui avait de pas pires chaussures à remplir étant donné que Robbie Kuster joue sur l’album. Elle a relevé le défi avec brio y allant de nombreuses nuances exécutées avec grâce. En plus de ses chansons, Belle Grand Fille s’est aussi laissée tenter par deux reprises : Un beau grand bateau de Denise Boucher, mais popularisé par Gerry Boulet et L’amitié de Françoise Hardy.
Marc Déry
Pas de doutes, Marc Déry a bien fait de ne pas se trouver une Job Steady à l’époque pour garder sa blonde, parce qu’il a démontré une fois de plus à quel point c’est un interprète hors pair et un showman accompli. Passant à travers sa discographie, de Zébulon à Atterissage paru en 2019, il a offert une prestation enlevante et bien relevée en compagnie de ses musiciens Jérémie Carrier et Patricia Deslauriers.
Il a notamment livré Miss Meteo que JP « Le Pad » Tremblay, son beau-frère, lui a écrit. Il a aussi fait des succès de Zébulon comme Y fait Chaud, Job Steady, R’viens pas trop tard et Marie-Louise avec les chansonneurs. Il a même interprété Merry Christmas, une pièce un peu cochonne à la demande d’Alan Côté (en souvenir de son premier passage au festival et de gazous oubliés dans la loge). Il a par la suite expliqué que Dédé Fortin lui avait parié à l’époque 50$ qu’Audiogram et plus particulièrement, Michel Bélanger n’accepteraient jamais. Bélanger aurait demandé 25$ et le tour était joué.
C’est difficile de partir
Voilà qui conclut mon périple cette année au Festival en chanson de Petite-Vallée. À de nombreuses occasions pendant les 5 jours, j’ai eu envie de tout laisser derrière moi à Montréal et prendre racine dans ce village unique au Québec. Il y a chez les habitants de Petite-Vallée un sens de l’accueil hors du commun qui en fait l’un des endroits les plus chaleureux d’une province qui l’est déjà pas mal à priori.
Merci au Festival, aux organisateurs, aux nombreux bénévoles (surtout Alain qui est revenu avec moi chercher mon cellulaire que j’avais laissé sur la charge), aux collègues journalistes, à Stéphanie Richard qui assure que le tout se passe sans heurts et à toutes les personnes qui prennent part à la réalisation du festival. C’est un événement magnifique et j’ai hâte qu’on fête l’ouverture du théâtre l’an prochain.
Crédit photo: Couverture : Alexya Crôteau-Grégoire