Pour cette première demi-finale des Francouvertes, on retrouvait un heureux mélange des genres en plus d’Alexandre Martel qui venait nous jouer trois pièces du défunt projet Anatole.

Photos par Coline Beulin

J’étais bien content de voir Alexandre Martel jouer ces trois pièces étant donné que j’avais manqué, à mon grand désarroi, le concert final d’Anatole à Montréal. Il a commencé sa prestation en se rappelant les commentaires qu’on lui avait donnés lors de ses deux passages au concours. Avec Mauves il avait reçu : « est-ce que ce band est une joke? » Puis, avec Anatole : « ce n’est pas un concours de théâtre ». Il a ainsi rappelé à tous les participants de ne pas trop s’en faire. Par la suite, il a lancé Toune 5, tirée de son dernier album. Il a par la suite livré Testament en version acoustique. C’était franchement réussi, bien que très différent de la version originale. Son côté joueur avec le public est toujours très présent et il s’est permis quelques petits jeux avec le public silencieux qui était pendu à ses lèvres. Une bien belle manière de mettre la table pour la suite.

Karolan Boily

Ce qui m’a le plus marqué de la prestation de Karolan Boily est sa capacité à installer des atmosphères et de passer de l’une à l’autre de manière naturelle. Sa suite de chanson coulait de source et ses interventions entre les chansons semblaient authentiques et bien préparées. Elle a lancé le tout avec la chanson Du calme au noir qui faisait l’usage de Vocoder (ou d’un autre filtre du genre) et qui donnait un résultat à la Bon Iver. Un peu trop près de l’artiste américain à mon goût, mais on sentait la cohésion dans le groupe et cela promettait pour la suite.

Elle semblait un peu nerveuse pendant les deux premières chansons et cela se traduisait par une certaine gêne. Elle semblait ne pas se laisser totalement aller dans les élans vocaux de ses chansons. Cela s’est tassé à partir du moment où elle a joué en solo à la guitare, comme si un poid c’était levé sur ses épaules.

La chimie entre les membres de son groupe est palpable et cela a donné lieu à quelques bons jams musicaux franchement intéressant. J’en aurai pris plus. Il y avait de belles ambiances que la formation réussie à créer et j’aurais aimé que ça s’étire. Un peu comme Karkwa ou Queens of the Stone Age sait le faire en concert. C’est sûr que la contrainte de temps aux Francouvertes n’est pas particulièrement idéale pour ce genre de folie qui relève un peu plus de l’improvisation, mais c’est tout de même ce que je ressentais à l’écoute.

Au niveau des textes, il y a encore du travail à faire. Alors que les chansons où les textes sont courts ont généralement une portée poétique, les autres manquent de second degré. Ça demeure relativement simple, concentré sur des problèmes amoureux anodins. C’est bien écrit, mais ça gagnerait à être étoffé. Dans l’ensemle Karolan Boily a offert une bien bonne prestation qui me fait dire que c’est un projet à garder à l’œil.

Soleil Launière 

L’artiste originaire de Mashteuiatsh a fait une entrée en scène très théâtrale, en lenteur pendant que son groupe s’occupait de mettre la table autour d’elle. Se concentrant sur Taueu qui est paru en octobre 2023, Soleil Launière a livré une prestation solide où la corporalité était impressionnante. En plus de chanter, l’artiste habitait la scène avec un aplomb qui rappelle qu’elle a fait aussi des études en théâtre. Son corps se faisait parfois animal, parfois sensuel et offrait une panoplie d’images fortes sur scène.

Avec ses mots et ceux de Joséphine Bacon, Soleil Launière a chanté ses pièces alors qu’elle était entourée de Simon Walls avec qui elle a collaboré sur l’album ainsi que Lisa Iwanycki (Mirror Mirror, Blood and Glass, Creature), Olivier Cousineau (comment debord) et Marie-Neige Harvey (Andromède). Autant bien dire qu’elle est bien entourée. Et ça parait dans la livraison de son concert. C’était quasiment trop pro pour les Francouvertes. Soleil Launière a offert une prestation qui aurait tout aussi bien pu se retrouver sur n’importe quelle scène extérieure cet été.

Ce qui m’a le plus marqué est la force de sa voix, notamment pendant MMIWG2S et à quelques autres occasions à travers le concert. Era Ew, Au Bout et O Broc ont toutes frappées dans le mille au cours de sa prestation. Même si elle ne parle pas couramment l’innu-aimun, elle trouve le moyen d’écrire et de chanter dans sa langue, ce qui est tout à son honneur. Ça va prendre encore beaucoup de Soleil Launière pour renverser la vapeur et redonner aux langues autochtones de la place.

Une prestation sans failles et marquante.

Sensei H

Contrairement à sa prestation aux préliminaires, Sensei H s’est présentée cette fois-ci en duo avec Vérone. Les deux femmes ont rapidement installé leur complicité sur scène, ce qui a aussi rappelé que Vérone signe la plupart des trames de Sensei H, ce qui n’est pas anodin. Faisant fi de la mise en scène, la rappeuse de Québec a laissé toute la place aux mots pour cette prestation convaincante.

Misant sur les pièces parues sur Trop de chance, Sensei H a livré du mot au pied carré pendant son concert. Au point où elle arrivait parfois au bout de son souffle. Elle possède une excellente agilité articulatoire et est capable de se lancer dans des flows très rapides sans grandes embuches. Ça manque parfois un peu de nuance et de variation dans le débit, mais ça demeure assez solide.

Ses textes sont bien écrits et traitent du sujets variés. Elle est habile au jeu des références même si je sens qu’elle est capable d’aller encore plus loin. Ce que j’ai particulièrement apprécié, c’est sa capacité à traiter avec le même aplomb de sujets durs et sérieux comme l’agression sur 10 novembre et ensuite passer à un sujet plus léger et comique sur Hors du commun. Cette capacité à maîtriser la scène et sa performance est tout à son avantage. On sent tout le travail qu’il y a derrière.

Palmarès

1. Soleil Launière
2. Sensei H
3. Karolan Boily

Ça se poursuit ce soir avec Le Belladone, PRINCESSES et Nectar Palace.

Crédit photo: Coline Beulin