On laisse la poule à Colin swinguer toute seule, c’est plutôt sous un vent de mélancolie heureuse qu’Alexis Chartrand et Cédric Dind-Lavoie unissent piano droit et violon baroque sur leur dernier opus, Au chemin 4. Un album enregistré au studio du même nom dans lequel traînent quelques fantômes de compositeurs respectables de la scène folklorique, et ça se sent.

Au Chemin 4 rend hommage à plusieurs airs du répertoire québécois et acadien. Les pièces des violoneux comme Yvon Mimeault, Édouard Richard, Joseph Allard et Hermas Réhel sont reprises par les deux amis. Leurs versions sont cependant apprêtées en douceur, parfois en ralentissant le tempo pour créer une ambiance légère. Cette délicatesse permet de savourer les subtilités des œuvres. Alexis Chartrand, au violon, installe le reel en toute politesse, puis Cédric Dind-Lavoie, au piano, diffuse ce léger vent qui fait respirer légèrement. Ils offrent un travail remarquable par les nuances qui nous absorbent. Troquer le swing avec la douceur, tout en respectant le phrasé initial des reels.

J’avais l’impression de jaser avec un vieil ami. Le genre de discussion où l’on se remémore des souvenirs heureux. Aux derniers souffles de l’album avec la reprise de Par un dimanche au soir, mes écouteurs me chuchotaient la mélodie comme si on me racontait une histoire. Encore une fois, une reprise en toute politesse, en toute simplicité. Le travail de captation sonore de Nicolas Babineau est à remercier. Il est accompagné d’Olivier Arseneault à la caméra, qui a enregistré les 9 pièces de l’album en image lors de la prise de son Au chemin 4. Tout est enregistré en plan séquence. Une magnifique manière de marier les valeurs traditionnelles avec l’ère numérique.

Cet album, je le trouve très bon. J’ai grandi les oreilles baignant dans la musique traditionnelle. Il incarne ce que je ressens quand j’écoute les airs qui ont marqué mon enfance. La nostalgie des veillées. Le jeu de piano de Dind-Lavoie déploie cette énergie de nostalgie heureuse. C’est ça, le folklore québécois : on fait grand avec peu. Au chemin 4 incarne manifestement cette pensée.

Cette collaboration fera du bruit, je l’espère. Citation honorable au répertoire dans une sensibilité singulière est la signature violemment touchante d’Alexis Chartrand et Cédric Dind-Lavoie. Je conseille d’accorder cet album à une séance de prélassement au parc, la face dans le soleil, au mois de mars. C’est ce que j’ai fait, et ce que je retourne faire à l’instant.