Retrouver un peu d’espoir au Festival de la chanson de Tadoussac | Entrevue avec Chloé Sainte-Marie
On peut se mettre à énumérer à l’infini ce qui fait du Festival de la chanson de Tadoussac un événement unique et couru chaque année. Que ce soit la proximité avec l’estuaire et les rorquals, la chaleur des gens ou encore la programmation qui ne cesse d’être hallucinante, tout le monde à mille et une raison sde vouloir traverser Baie-Sainte-Catherine pour quelques jours.
Pour Chloé Sainte-Marie, la destination prend tout son sens à travers sa place dans l’histoire de l’Amérique. À quelques jours de son spectacle, nous l’avons rencontré pour en discuter.
Un symbole fort
Quand on lui demande comment elle va, Chloé Sainte-Marie nous annonce avec un sourire dans la voix avoir très hâte de jouer à Tadoussac. Celle qui est en tournée depuis l’automne pour présenter son dernier album Maudit Silence note que le fait de jouer à ce lieu majeur de la rencontre et de la relation entre les Français et les Premières Nations.
« Tadoussac c’est un beau symbole! C’est le symbole des rencontres! Fatalement, je devais me retrouver à Tadoussac, parce que c’est là que tout a commencé! C’est un lieu charnière dans l’histoire et c’est fort de me retrouver là parce que l’album est en 14 langues. On entend le quechua, le créole, le guarani, c’était évident pour moi de jouer à Tadoussac avec un album pareil. »
Celle qui est liée d’une grande amitié depuis plusieurs années avec la poétesse Joséphine Bacon, souligne également que ce lieu de passage pour tous les Innus de la Côte-Nord a une place particulière dans son cœur et que son spectacle est une sorte de reflet de cette relation.
« Joséphine, c’est elle qui m’a appris la langue. Je l’ai rencontré sur Maria Chapdelaine, elle connaissait bien Gilles [Carle] et un jour elle m’a demandé de chanter ses poèmes. Je lui disais: » C’est impossible, je ne connais pas ta langue, je ne peux pas me l’approprier », mais c’est elle qui m’a dit: »Je vais te l’apprendre » et c’est comme ça que j’ai commencé à découvrir ces langues-là qui sont d’une force et d’une poésie incroyable! »
Également habitée par beaucoup de fierté de voir que les festivals font de plus en plus de place aux artistes des différentes nations autochtones, elle n’a que des bons mots pour la nouvelle génération.
« Les jeunes, qu’ils soient Innus, Abénakis, Atikamekw et de toutes les nations, on sent qu’ils prennent leur place. Ils sont là. Ils prennent la place qui leur revient, c’est leur territoire, leur langues, leurs rêves, alors c’est magistral ce qui se passe actuellement. C’est un moment magique et unique. C’est le fruit d’un travail de plein d’aîné.es qui restituent cette mémoire depuis des années et on voit les résultats de plus en plus. »
Pour la suite du monde
Chloé Sainte-Marie a vu neiger. Avec le travail qu’elle a mené en amont de la création de son dernier disque et à travers ses récents voyages, elle a vu une autre façon d’appréhender le territoire.
« Mon spectacle c’est un portrait du bout à l’autre de l’Amérique, on y entend des voix, celle de Lola Kiepja qui est la dernière de la nation Selk’nam a avoir grandi dans les coutumes ancestrales. C’est aussi des textes de Nancy Huston et Jack Kerouac, c’est un mélange de tout ça. »
Pour elle, les cases et les réserves n’ont aucun sens et vont à l’encontre des valeurs humanistes qu’on retrouve dans la poésie de tous les peuples de l’Amérique.
« En voyageant avec Jean Morisset pour l’album, j’ai pris conscience de l’écrasement sédentaire. L’urbanisation, les villes, c’est à pleurer de tristesse. Pourquoi le réchauffement de la planète et tout ça? Tout est brisé. La biodiversité s’effondre et c’est dramatique. »
Toutefois, malgré tout ça, quand on lui demande ce qui lui donne de l’espoir pour la suite, elle répond spontanément la chose suivante:
« Je pense que l’homme est bon. Je pense que l’être humain est foncièrement bon. Les erreurs de l’humanité viennent de la société. La société vient pervertir. Ce qui me donne espoir, par contre, c’est que l’humain en soi est bon.
Cette bonté on la ressent à Tadoussac. Combattre le cynisme n’est pas toujours facile, mais venir faire un tour au Festival de la Chanson ne peut que nous aider dans nos tentatives.
Pour plus d’information et pour réserver un billet, c’est ici!
Crédit photo: Camille Gladu-Drouin