Colin Stetson
When we were that what wept for the sea
- 52Hz Records
- 2023
- 71 minutes
S’étant surtout fait remarquer pour son travail de compositeur de musique de film ces dernières années, le saxophoniste Colin Stetson revient par la grande porte avec un nouvel album double d’une grande puissance évocatrice. Écrit en hommage à son père mort subitement, When we were that what wept for the sea est une ode à la vie et à la nature dans ce qu’elles ont de plus beau, mais aussi de plus terrible.
Né au Michigan, mais basé à Montréal depuis plusieurs années, Colin Stetson est une figure incontournable de la scène locale, connu à la fois pour son travail en solo ainsi que pour ses multiples collaborations avec des artistes d’ici et d’ailleurs. Sa versatilité est sans aucun doute une de ses plus grandes qualités, lui qui alterne habilement entre les projets les plus expérimentaux et d’autres, davantage grand public, comme en font foi ses apparitions sur des disques de Tom Waits, Arcade Fire ou Feist.
Mais c’est surtout sa technique particulière qui fait de Stetson un des instrumentistes les plus prisés et les plus appréciés. Avec sa méthode unique dite de la « respiration circulaire », le musicien a développé un son qui lui est propre, basé non seulement sur les capacités harmoniques du saxophone, mais également sur ses qualités percussives, à grands coups de tapements de doigts sur les touches. Plus impressionnant encore, il enregistre généralement ses morceaux en une seule prise, sans overdubs.
Conçu comme une longue suite de plus de 70 minutes en 16 chapitres, When we were that what wept for the sea illustre la diversité de textures que Stetson peut produire à partir de son seul instrument. L’album s’ouvre d’une manière majestueuse avec The Lighthouse I, dont l’aspect contemplatif évoque incidemment des images de bord de mer, le souffle régulier du saxophone imitant le bruit des vagues tandis que les notes graves tenues rappellent le son d’une sirène de bateau. Puis, les eaux se déchaînent sur la chanson-titre, où on reconnaît la technique typique du Montréalais d’adoption, les notes aiguës répétant le même motif à vive allure au-dessus d’une basse saccadée, le tout enrobé d’un effet d’écho dans le but d’en amplifier la résonance.
Musicalement, ce huitième album studio de Stetson (si l’on exclut ses projets en duo ou en groupe) s’abreuve à des sources familières pour le musicien, notamment le jazz d’avant-garde (l’épique Long Before the Sky Would Open, avec le saxophone hurlant) et le post-minimalisme (l’hypnotique Infliction, qui s’écoute comme un mantra, avec son motif en boucle). On sent ici l’influence d’un Pharoah Sanders, mais aussi celle de l’école minimaliste américaine incarnée par Steve Reich et Philip Glass.