Taverne Tour Jour 3 : Lydia Lunch Retrovirus et Chou, le samedi 11 février 2023
Pour cette dernière soirée du Taverne Tour, j’étais de nouveau en service pour assister aux concerts de la formation punk Chou, en plus de celui présenté par une légende vivante du rock et l’une des figures emblématiques du mouvement « no wave », Lydia Lunch. Voilà un résumé de cette soirée toute en sueur et en décibels !
Chou
L’année dernière, le quatuor nous avait présenté une excellente première offrande éponyme remplie d’humour caustique. Musicalement, le groupe s’appuie sur une section rythmique béton — un train, disons-le — formée de la métronomique Gabrielle Oltra (batteuse) et de l’incarnation québécoise du bassiste américain Mike Watt, Patrick « Patch » Chagnon. Chou est complété par le chef d’orchestre du groupe, l’inventif guitariste Bruno Bouchard et le charismatique hurleur Charles Laplante.
L’automne dernier, j’ai assisté à une prestation de la formation en territoire terrebonnien et j’avais été soufflé par l’énergie et la cohésion du groupe en concert. Après une année 2022 aussi satisfaisante que tragique pour le groupe, de revoir le quatuor remonter sur scène m’a ému au plus haut point. Derrière ces compétents musiciens se cachent des êtres humains solidaires, battants et résilients.
Donc, après 135 jours d’absence — Laplante a dévoilé le décompte hier sur scène !!! — Chou nous a donné une leçon de vie et de rock, en 30 minutes tapant. Le groupe en a profité pour nous présenter trois excellentes nouvelles chansons. Comme d’habitude, la section rythmique martiale et le jeu de guitare ingénieux de Bouchard étaient aux rendez-vous. Or, ce sont les hurlements précis de Laplante qui m’ont franchement impressionné. Le bonhomme était, lui aussi, en grande forme.
Le moment fort du concert est survenu à la mi-parcours lorsque l’invité surprise, Antoine Corriveau, est venu déclamer son texte dans Nic Melançon, pièce tirée du premier album. Il faisait bon de voir et d’entendre Corriveau dans un tout autre enrobage sonore auquel il nous convie d’ordinaire. Vêtu de paillettes « cheap », l’auteur-compositeur-interprète a déclamé sa partie comme si sa vie en dépendait.
Enfin, j’aimerais souligner l’excellente sonorisation à laquelle le groupe a eu droit. Chou mérite un son à la hauteur de ses excellentes chansons. Évidemment, le quatuor a quitté sous les « applaudissements-huées » du public. Quand ton groupe se nomme Chou, tu dois t’attendre à ce genre de complicité bon enfant avec l’auditoire !
En vérité, je vous le dis, ce groupe est en ascension vers de nouveaux sommets créatifs. Adeptes de punk rock grinçant, authentique et hilarant, vous devez mordicus faire la découverte de ce groupe hautement mésestimé.
Lydia Lunch Retrovirus
Montréal recevait de la grande visite hier en la personne de Lydia Lunch. Tout au long de sa carrière, cette artiste, activiste et électron libre a constamment défié les conventions. Sa voix éraillée s’est prêtée au cinéma, au spoken-word, à la poésie et, bien sûr, à la musique. C’est sous l’appellation de Lydia Lunch Retrovirus qu’elle se présentait sur la scène de L’Escogriffe. Accompagnée par une formation composée de trois « monsieurs » qui en ont vu d’autres, elle nous a proposé une rétrospective sonore de sa carrière, revisitant ainsi les territoires du no wave, du hard rock, du psychédélisme et du jazz.
Cela dit, je ne suis pas un érudit de l’œuvre de Lunch. Par contre, je me suis dessuinté les oreilles à profusion avec son album et projet nommés Big Sexy Noise, paru en 2009. Et la soirée a démarré en grand avec une réinterprétation noise et totalement réussie de War Pigs de Black Sabbath. D’entendre ce classique déclamé laconiquement par Lunch donnait un tout autre sens à ce brûlot antiguerre.
Évidemment, la petite dame — ne pas me taxer pas de misogynie s’il vous plaît, Lydia Lunch est minuscule — est une habituée aux auditoires indisciplinés et imbibés de vapeurs d’alcool et autres substances. En plein milieu du concert, une admiratrice lui a lancé : « I love you, Lydia ». Et elle de rétorquer : « Love yourself first sweety ». Ce sont ces petites perles balancées au public qui font le charme de l’artiste.
Or, sans ce quatuor de feu pour l’appuyer, l’impact de ses interventions et de sa performance vocale en serait passablement amoindri. Mais quel groupe ! Malgré deux bris du côté de la guitare, il n’y avait rien pour décontenancer cette formation. À commencer par le jeu de basse de Tim Dahl sur lequel s’appuie la vaste majorité des réinterprétations des chansons de Lunch. Performance dissonante et bruyante du guitariste Weasel Walter, une disciple de Nels Cline (Wilco), Daniel Ash (Bauhaus) et du Lou Reed « velvetien » de l’album White Light/White Heat. Le batteur Kevin Shea, lui, garde le rythme avec précision afin que ses deux acolytes s’éclatent à fond. Cette prestation superbement chaotique s’est achevée avec une longue pièce aux allures protopunk qui sonnait comme un hybride entre les Stooges et Hawkwind.
Bref, rien à redire de cette soirée qui m’a franchement ragaillardie, malgré la fatigue des derniers jours. En fait, c’est le Taverne Tour au grand complet qui m’a fouetté. Chapeau à Mothland pour avoir mis sur pied cette initiative musicale qui met en vedette la crème du rock de chez nous et d’ailleurs et qui, de surcroît, me fait découvrir ou redécouvrir ces débits de boisson qui animent la vie nocturne du Plateau Mont-Royal.
Je réserve déjà ma place pour l’an prochain !