Coup de cœur francophone 2022 : Lancement de Puisque les heures nous manquent de Jeanne Laforest
Le festival Coup de cœur francophone donnait le coup d’envoi à sa 36e édition, le jeudi 3 novembre 2022, dans plusieurs salles montréalaises. De mon côté, j’ai choisi de commencer les festivités avec Jeanne Laforest.
Aller voir Jeanne Laforest était plutôt un coup de dés : la jeune musicienne a lancé son premier album, Puisque les heures nous manquent, moins d’une semaine avant son spectacle. Aucune pièce, outre l’extrait Fatiguée, n’était disponible avant. Je n’avais donc aucune idée dans quoi je m’embarquais en me rendant au Verre Bouteille en ce jeudi plutôt chaud pour un mois de novembre. Le verdict? L’équivalent d’un partage de journal intime, mais de manière musicale.
Jeanne Laforest sait pondre des textes émotifs, sensibles, mais surtout intimes. Ce n’est pas fortuit. Pendant le spectacle, elle nous a raconté qu’elle a demandé à ses musiciens, alors qu’elle cherchait sa sonorité avec ses musiciens à Kamouraska en novembre 2020, quelles étaient leurs trois chansons préférées de son répertoire. C’était, à l’époque, la première fois que la musicienne présentait ses chansons à des gens. Jeanne Laforest l’a finalement trouvé, son fil conducteur : le côté intime de chacun de ses morceaux. Elle décida alors de broder autour de ces cinq pièces pour créer Puisque les heures nous manquent.
Si j’énonçais d’entrée de jeu que je ne savais pas à quoi m’attendre, ce n’était apparemment pas le cas de la foule plutôt nombreuse rassemblée. Dès que l’artiste monte sur scène entourée de ses musiciens, elle se fait chaudement acclamer. « Ben là, calmez-vous », rétorquera-t-elle, « c’est même pas commencé. On va commencer ça ensemble. » Puis, elle propose à la salle d’entonner une seule et même note, comme à la sortie d’un cours de yoga. Les gens s’exécutent, le ton est donné.
Comme c’est le lancement officiel de son premier album, elle en offrira la totalité. De toi de moi, notamment, prouve toute la capacité de la jeune femme à puiser dans ses expériences personnelles pour en proposer quelque chose de plutôt universel. Lorsqu’elle commence Les murs, qui s’ouvre avec les mots « écoute-moi », on aurait pu entendre une mouche voler tant le public était à l’écoute. Puis lorsqu’elle monte en puissance en énonçant « je ne peux pas continuer à vivre dans ton attente » les gens ont acclamé sa montée vocale contrôlée et toute en émotions.
Comme énoncé ci-haut, l’extrait Fatiguée a été le seul rendu disponible avant la parution de l’album. Le morceau, probablement le plus énergique de l’opus, est plutôt libérateur et intense. Vers la moitié de la chanson, Jeanne Laforest se lance dans un monologue plutôt théâtral qui aborde entre autres les sentiments de ne pas se sentir à sa place et d’avoir peur de ne pas vivre pleinement. Ces derniers fonctionnent très bien avec les thèmes de la chanson. Vers la fin, elle s’amuse avec les effets dans sa voix, ce qui met bien la table pour Dormir, la pièce suivante.
Lorsqu’elle arrive à la pièce Le grand murmure, elle explique que plutôt que d’avoir un chœur de 12 personnes comme sur l’album, elle l’offrira en formule duo avec Gabriel Desjardins aux claviers. On sait qu’une pièce fonctionne quand il y a un petit silence entre la fin de la pièce et les applaudissements, ce qui est arrivé avec cette version épurée.
C’est la tête pleine et le cœur un peu plus léger que l’on ressort d’un spectacle de Jeanne Laforest, parce que soudainement, on se sent moins seul.es face à la douleur, un fardeau que l’on partage tous comme être humain, dixit la musicienne.