Critiques

Gus Englehorn

Dungeon Master

  • Secret City Records
  • 2022
  • 32 minutes
7,5

Né en Alaska, Gus Englehorn a également résidé à Salt Lake City, Utah, pour finalement atterrir au Québec en unissant sa destinée à la percussionniste et artiste visuelle Estée Prada. Entretemps, cet ex-snowboardeur professionnel est devenu un auteur-compositeur à temps plein. En 2020, il nous proposait l’excellent Death & Transfiguration; un long format qui détonnait nettement dans le paysage musical québécois. Coincé entre les nombreuses productions électro-pop, hip-hop et folk qui particularisent notre industrie du disque, cet album n’a pas obtenu le rayonnement escompté, tant s’en faut.

Si Death and Transfiguaration portait les stigmates du rock garage des années 60 et de l’esthétique lo-fi préconisé au milieu des années 90, le nouvel album de cette belle bébitte poursuit dans la même veine. Englehorn profite cette fois-ci d’un peu plus de moyens, ce qui n’amenuise en rien la qualité chansonnière présentée sur ce Dungeon Master. Fortement influencé par l’indie rock états-unien — Daniel Johnston et Black Francis (Pixies) en tête de liste —, Englehorn adore surprendre l’auditeur en empruntant des virages sombres et jubilatoires, souvent au sein d’une seule et même chanson.

Les deux premières pièces de Dungeon Master sont des exemples probants du plaisir qu’a Englehorn à brouiller les pistes. Dans l’introductive The Gate, il nous escorte en premier lieu vers un rock tribal, mais qui ne perd rien de son impact mélodique. Puis, sans crier gare, il nous achève avec une conclusion frémissante sur laquelle il déclare un « Me voilà ! », en français s’il vous plaît ! Dans Ups and Downs, on note une forte influence psychobilly « à la Cramps », mais qui, en conclusion, bifurque vers le rock’n’roll des années 50.

Même si la guitare encrassée et la voix d’Englehorn ainsi que le jeu percussif de sa tendre moitié sont résolument mis à l’avant-plan dans le mix, on peut déceler l’apport des synthés, des cordes et des chœurs en fond sonore. Toutes ces subtiles contributions magnifient la voix nasillarde et distinctive d’Englehorn; un passionné de Dylan, semble-t-il. Et ça paraît, sans que ce soit dérangeant !

Parmi les autres pièces marquantes de ce deuxième effort, Englehorn nous gratifie de deux morceaux franchement cathartiques. Dans Exercise Your Demons, il entame la chanson en déclarant ceci : « Hit me. I want you to hit me. You hurt me. ». Ensuite, il se met à pasticher le bon Black Francis en criant ironiquement ad nauseam « I exercise my demons ». La conclusion de Tarantula est bourrée de claviers superposés; une véritable pourvoyeuse de frissons. Lips, elle, est digne d’une excellente chanson des Pixies.

Même si l’auteur de ces lignes risque de passer pour un mésadapté sonore ou un snobinard fini, c’est selon, la musique de Gus Englehorn n’a aucun avenir commercial dans le marché québécois. Avec Dungeon Master, le musicien affirme à nouveau, et pleinement, son américanité. Si Gus Englehorn persiste et signe encore longtemps, il pourrait trouver sa niche ailleurs que chez nous, dans un marché plus réceptif à sa proposition… et je présume que c’est ce qu’il souhaite ! Et c’est ce que nous lui souhaitons également.

L’amateur d’indie rock aussi tortueux que réjouissant sera ravi par ce Dungeon Master !

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