Alexandre Désilets
Les gens heureux
- Les disques de la cordonnerie
- 2021
- 35 minutes
Avec son huitième album intitulé Les gens heureux, Alexandre Désilets pose la question de la nécessité du bonheur et de sa quête constante. Cet album a été élaboré avec son collaborateur de longue date, le multi-instrumentiste Jean-François Beaudet (guitare, co-réalisation). Désilets en signe d’ailleurs les paroles, la musique et la co-réalisation.
Alexandre Désilets poursuit son virage stylistique qu’il avait pris avec Fancy Ghetto et Down de nos high en offrant une pop radiophonique somme toute agréable. Or, il ne s’agit pas d’un album qui va passer à l’histoire. En effet, il ne révolutionne rien par ses choix artistiques, autant au niveau des paroles que de la musique.
Tout d’abord, l’album offre de bonnes chansons pop. La plupart présentent des refrains entraînants qui pourraient passer sans problème sur les ondes commerciales. Le meilleur exemple est sans conteste la seconde piste de l’album, Euphoria. Dès les premières secondes, elle donne envie de se trémousser. La voix plus feutrée de Désilets amène tranquillement le refrain. Ce dernier reste en tête comme le caramel qui colle dans les dents. Cette métaphore n’est pas nécessairement péjorative; j’adore le caramel. Mais je me suis réveillée plusieurs jours de suite avec Eu-pho-ri-a-a-a dans la tête…
J’aimerais faire une petite mention spéciale à Seul, qui sonne vraiment comme une pièce de comédie musicale avec ses chœurs en ouverture. On ne peut qu’imaginer le héros d’une comédie musicale prendre place devant la scène, alors qu’une fête fait rage derrière lui, pour chanter sa solitude.
Ensuite, la voix si particulière de Désilets est franchement bien mise de l’avant dans Les gens heureux, ce qui n’est pas pour déplaire. Le jeu de guitare qui l’accompagne tout au long de l’album, assuré par Jean-François Beaudet, est excellent. Il sauve parfois même la donne pour certaines chansons qui deviendrait sans saveur sinon. Je pense notamment à la pièce-titre. La mélodie est bien, mais que dire des paroles… Alexandre Désilets tente, avec cet album, d’aborder des sujets d’actualité, comme l’amour au temps du numérique. Parfois, c’est un peu du réchauffé insipide… Par exemple, l’album s’ouvre sur la phrase « J’ai plus besoin de personne / Je fais l’amour au robot. » Ça en dit long.
Ce n’est pas la seule fois de l’album que Désilets est maladroit avec ses mots. Loup y es-tu aborde la violence conjugale, un sujet d’actualité alors qu’on soulignait le 17e féminicide survenu au Québec le 19 octobre dernier. Or, son texte manque complètement la cible et manque même de sensibilité. Notamment, dans le deuxième couplet, Désilets chante : « La prochaine fois qu’il lève la main sur toi, Je lui mets mon poing ! » Pourtant, c’est bien connu que la violence ne règle pas la violence.
Mais là où le bât blesse réellement, c’est lors de la finale. Juste avant que la guitare prenne d’assaut la pièce, on entend Alexandre Désilets questionner le personnage violenté de sa chanson : « t’en as pas assez, te faire tabasser. » Ça aussi, c’est su, recherché et répété : les victimes de violence conjugale ne restent pas dans cette situation par plaisir. Elles sont souvent paralysées par la peur. Je trouve ça un peu aberrant qu’en 2021, après 17 féminicides au moment d’écrire ces lignes, qu’on partage encore ce type de message « simplifié ». Si Alexandre Désilets avait profité de cette chanson pour offrir un angle moins exploité, par exemple une pièce où le chanteur, un homme, s’adresse à l’homme violent, ça aurait pu être intéressant. Mais le discours mené par Loup y es-tu a été entendu et redit partout dans les médias et n’apportent rien de plus à la problématique.
Les gens heureux est un album dichotomique : des rythmes dansants et des mélodies pop radiophoniques agréables avec des textes souvent insipides ou qui ratent complètement leur cible. Dommage.