The Brooks
Any Day Now
- Duprince / underdog
- 2020
- 49 minutes
On se trouve ici devant un truc en béton : The Brooks, le seul et l’unique octuor qui enflammait le minuscule dancefloor de ses longs jams funk/soul tous les mercredis soirs. Son noyau se constitue d’Alexandre Lapointe (Joel Campbell, Jason Bajada) à la basse, de Maxime Bellavance(Beat Maker, Akon) à la batterie, ainsi que du puissant Alan Prater (Michael Jackson, The O.G’s, Cameo) au chant et au trombone.
Donc, le collectif nous présentait à la fin d’octobre un troisième album époustouflant intitulé Any Day Now, qui témoigne de la virtuosité de ses huit musiciens et qui mérite d’être écouté. À propos, les rumeurs veulent que seulement deux à trois essais aient été nécessaires à l’enregistrement des chansons, tant le groupe est soudé !
On souligne l’apport magistral des cinq autres musiciens du groupe, soit Philippe Look à la guitare, Daniel Thouin derrière les claviers, Philippe Beaudin sur les percussions, Sébastien Grenier au saxophone, puis Hichem Khalfa tenant la trompette, sans compter la vingtaine d’autres collaborateurs et collaboratrices qui ont travaillé sur l’album au Studio Dandurand.
Contrairement aux deux précédents opus Adult Entertainment (2014) et Pain & Bliss (2016) où l’esprit du jazz club et l’énergie du jam étaient «dans le tapis», on assiste ici à des textures et des atmosphères plus posées grâce à un merveilleux travail en studio. La voix éraillée et enveloppante de Prater, elle, agit comme un phare dans la nuit qui guide la troupe.
Any Day Now est un disque extatique à la fois vintage et moderne, regorgeant de belles surprises. Il s’y trouve des orchestrations évoquant les belles années 1970 ; celles de Motown, du P-funk et des pionniers de l’afrofuturisme. Comme tous ces grands chanteurs à l’époque, Isaac Hayes, Sam Cooke, Ray Charles, qui suggéraient des chansons soul-pop avec grand orchestre, The Brooks s’impose avec un opus décapant qui propose le meilleur de la soul et un funk gonflé à bloc de bonnes vibrations.
Et quand je dis afrofuturisme — un terme englobant la science-fiction noire et qui désigne un courant artistique issu de la diaspora africaine — The Brooks n’a rien laissé au hasard, que ce soit à propos du champ lexical, de la pochette signée par l’artiste Christophe B. De Muri et des choix d’instrumentations. En effet, comme le début d’une grande épopée de l’espace, la pièce Nebula ouvre magnifiquement l’écoute du disque avec les arrangements d’Antoine Gratton. Notre voyage spatial s’entrecoupe d’autres morceaux instrumentaux planants grâce à Moonbeam, Headband et Blue Dream, pour se terminer avec la tout aussi épique Étoile Polaire — Conclusion. Violons, violoncelles, harpes, tubas et synthétiseurs se côtoient avec brio.
L’ensemble de l’oeuvre est un véritable retour dans le passé! Ce qui saute au visage au début de l’écoute de Any Day Now, c’est cette attitude à la Parliament / Funkadelic mise de l’avant grâce à des titres comme Drinking ou ZENDER – the MTL. L’héritage intemporel de James Brown et des JB’s se fait indubitablement sentir sur l’effrénée Turn Up The Sound. On entend des influences vocales à la D’Angelo and The Vanguards sur Never Thought, puis l’oreille trouve une ressemblance frappante entre l’acid-jazz-funk orchestral de Jamiroquai sur Gameplay, en particulier.
On apprécie non moins les petits moments organiques et sympathiques enregistrés en studio, comme la puff de weed tirée d’un bong durant les premières secondes de Moonbeam, des bribes de conversations et des exclamations telles « Are we getting paid for this? » à l’aboutissement de ZENDER — The MTL.
Sans me répéter davantage, Any Day Now est une galette tout simplement extraordinaire qui arrive beaucoup plus haut qu’à la cheville des grands noms du funk de ce monde.