Nine Inch Nails
Ghosts VI : Locusts
- Null Recordings
- 2020
- 83 minutes
Drôle d’époque pas trop le fun, right?
C’est drôle parce que quand la grande annulation a commencé, je me disais que ça prendrait une trame sonore pour immortaliser la chose.
Qui de mieux que Trent Reznor et Atticus Ross pour s’occuper de ça, eux qui sont désormais plus populaires grâce à leur travail de compositeurs pour un million de films ou séries ?
Personne, je pense. Leur boulot sur la trame sonore de la série Watchmen était déjà pas mal anxiogène et je soupçonne que le matériel recueilli et vendu sous la marque Nine Inch Nails découle en partie de sessions antérieures liées au projet d’HBO.
Qu’à cela ne tienne, Trent nous offre deux nouveaux volumes du projet Ghosts. Le premier s’appelle Together et mon collègue Phil Desjardins vous en parlera bientôt. Le deuxième s’intitule Locusts et c’est l’album le plus sombre des deux selon nos acolytes compositeurs. C’est à ce Volume VI que je me suis attaqué.
Je vous confirme tout de suite que c’est de l’excellente musique de pandémie, du moment où on est prêt à vivre dans la réalité plutôt que vouloir la fuir.
Locusts commence doucement avec un motif de piano répétitif et vaguement inquiétant (The Cursed Clock) qui nous emmène à Around Every Corner. Cette deuxième piste nous propose un autre motif de piano sombre auquel se juxtaposent des cuivres qui nous rappellent ceux de God Break Down The Door (de l’album Bad Witch). L’inquiétude fait rapidement place à une pointe d’anxiété qui s’étend sur plus de huit minutes et à laquelle s’ajoutent progressivement des sonorités plus industrielles avant de s’éteindre. Worriment Waltz prend la relève pour un autre 10 minutes de relative tranquillité. C’est avec Run Like Hell que se déclenche pour de bon la redoutable machine anxiogène du duo Ross/Reznor.
J’étais en file à l’épicerie avec des gens masqués quand les percussions de cette pièce se sont mises à résonner dans mes écouteurs. Petit sentiment de fin du monde, j’ai pas besoin de te faire un dessin. Très bonne intensité qui ne baisse pas du tout sur la pièce suivante. En effet, When It Happens (Don’t Mind Me) est une orgie de sons aigus et métalliques qui a lieu sur une mélodie disloquée angoissante.
Bref, quand on dit que c’est pas la meilleure thérapie contre la réalité, c’est le meilleur exemple. Another Crashed Car est articulée sur le son d’un moteur qui n’arrive pas à démarrer et sur celui d’un numéro de téléphone auquel il n’y a pas de service. Ici, l’extrême nervosité de la pièce précédente laisse la place au désarroi et à l’impuissance (Temp Fix, Trust Fades).
A Really Bad Night instaure une ambiance un peu plus tranquille, voire même un brin générique, mais laisse rapidement place à Your New Normal alors que le malaise reprend sa place. Just Breathe n’a rien à voir avec la ritournelle sentimentale de Pearl Jam du même nom et un peu plus loin, Turn This Off Please devient le moment le plus angoissant de l’album, moment qui dure 12 minutes, il faut le mentionner.
Pour le reste, on retourne dans une tranquillité qui est tout sauf apaisante. Ça aurait clairement pu être un album de Reznor/Ross mais l’appellation NIN lui donne un certain prestige supplémentaire. Ce n’est certainement pas aussi captivant que les albums où Trent se fait aller les cordes vocales, mais ça demeure un projet instrumental somme toute intéressant, même s’il est clairement moins marquant que la majorité de ses prédécesseurs. Pour le reste, c’est quand même un bon thrill d’avoir la bande sonore d’un film dont nous sommes tous les héros.