Basia Bulat
Are You in Love?
- Secret City Records
- 2020
- 43 minutes
Sa voix est reconnaissable entre toutes et reste son atout le plus précieux… Quatre ans après avoir lancé Good Advice, qui montrait un certain virage pop, la musicienne indie folk canadienne Basia Bulat rapplique avec Are You in Love?, un album un peu plus intimiste qui évoque la chanson à la Carole King ou le soft rock des Carpenters. C’est encore bien fait, malgré un petit manque de puissance émotive.
Pour une deuxième fois de suite, Bulat a fait appel à Jim James, de la formation My Morning Jacket, pour assumer la réalisation de ce qui constitue son cinquième opus en carrière. James avait eu une influence marquée sur le son de Good Advice, qui se voulait un peu plus rassembleur et aussi plus élaboré dans ses orchestrations que les parutions précédentes de la musicienne originaire de London, en Ontario, maintenant domiciliée à Montréal. Are You in Love? poursuit donc dans la même veine, avec plusieurs morceaux baignés de somptueux arrangements de cordes et parfois de Wurlitzer, même si on entend aussi un peu d’autoharpe, ce drôle d’instrument, moitié cithare, moitié accordéon, devenu la marque de commerce de Bulat.
L’artiste nommée trois fois sur la courte liste du prix Polaris (2008, 2014, 2016) et finaliste aux prix Juno en 2014 s’est toujours abreuvée à la musique des années 60 et 70, notamment avec des influences de Motown et de Girl Groups comme les Shirelles ou les Ronettes. Mais c’est possiblement encore plus évident sur ce nouvel album, qui donne parfois l’impression d’un voyage dans le temps. La chanson-titre n’est pas sans évoquer Five Years de David Bowie, tandis que Your Girl a un petit quelque chose à la Fleetwood Mac ou The Cars. Il y a également quelque chose dans le ton et dans la livraison qui sonne très vintage et qui peut rappeler la tradition des singer-songwriters des années 70, non seulement Carole King, mais aussi Joni Mitchell.
L’approche de ce cinquième album se veut d’ailleurs très personnelle au chapitre des textes, comme si Bulat s’ouvrait à nous comme elle ne l’a jamais fait auparavant. Elle aborde certes des questions difficiles, dont le deuil de son père, mais on la sent aussi qui s’accroche à l’espoir et aux belles choses de la vie, notamment sur Electric Roses, co-écrite avec Meg Remy, alias U.S. Girls. Cette impression de quête personnelle est renforcée par le contexte qui a entouré la création d’Are You in Love? Bulat a senti le besoin de faire un voyage dans le désert du Mojave, en Californie, pour se ressourcer. Ce n’est pas un disque de solitude, mais plutôt de vulnérabilité. « Le désert t’expose, a-t-elle lancé dans un communiqué, il n’y a nulle part où se cacher ».
Il s’agit néanmoins d’un album un peu plus linéaire que ce à quoi la musicienne nous a habitués. Il y a peu de morceaux ici qui atteignent la grandeur dramatique de Tall Tall Shadow, par exemple. En fait, il faut attendre l’excellente Love Is at the End of the World, en toute fin de disque, pour voir Bulat ouvrir les vannes avec un refrain épique et puissant, et un texte porteur d’espoir :
« You could keep on running
You could start a war
Diamonds in the dust
Still sing into the dark ».
–Love Is at the End of the World
Il y a aussi de belles ballades, comme la délicate Already Forgiven, sorte d’hybride rappelant à la fois Bright Eyes et Dolly Parton, mais on ressent une certaine lassitude à la longue, tandis que des morceaux intimistes comme The Last Time ou Fables se succèdent. Ça manque un peu d’intensité et d’envolées puissantes.
Au final, Are You in Love? reste un album d’une réelle beauté, autant dans les textes que les musiques. Et la voix unique de Bulat exerce toujours le même magnétisme. Mais c’est aussi un disque très lisse, et malheureusement trop sage.