Critiques

Brittany Howard

Jaime

  • ATO Records
  • 2019
  • 35 minutes
8
Le meilleur de lca

Pour ceux qui ne la connaissent pas, Brittany Howard est la chanteuse du groupe Alabama Shakes. Depuis la parution d’un EP en 2011, suivi de 2 albums, Boys & Girls en 2012 et Sound & Color en 2015, cette formation ne cesse d’attirer l’attention des médias avec d’élogieuses critiques pour leur son soul, rock, blues et funk. Profitant d’une pause grandement méritée des Shakes, ainsi que ses projets musicaux avec Bermuda Triangle et Thunderbitch, la meneuse du groupe a décidé de se recentrer et de se consacrer à la réalisation de son premier album solo.

Affectueusement intitulé Jaime en hommage à sa sœur aînée décédée très jeune, cet album est un projet très personnel pour Brittany Howard. C’est une fenêtre ouverte sur son identité personnelle, ses expériences et ses croyances. Il est foncièrement original, déroutant et puissant, tout comme son interprète qui cultive toujours ce fascinant charisme, mais doté sur ce premier effort d’un supplément d’audace.

Cet album de 11 titres bénéficie d’une grande exploration sonore et puise son inspiration dans plusieurs influences musicales. On y croise du hip-hop, du rap, du R&B, du soul et du funk et, profitant d’un contrôle absolu sur sa composition, Brittany Howard fait usage de ses grandes forces. C’est une musicienne très instinctive, précise et son sens mélodique est très fort, et sa voix, si particulière et reconnaissable dès la première intonation, charme à coup sûr.

History Repeats ouvre le bal avec sa basse électrique accompagnée de solides percussions qui mettent en place une irrésistible rythmique funk à la sauce George Clinton and Parliament Funkadelic, suivi par le brillant et contemplatif He Loves Me, un groove hip-hop très smooth et laid back qui aurait pu être également intitulé God is My Homeboy.

« I know he still loves me when

I’m smoking blunts

Loves me when I’m drinking too much […]

He loves me when I do what I want

He loves me, he doesn’t’ judge me. »

He Loves Me

Elle chante, parle et hésite, comme si les mots lui venaient en même temps que le ressassement de nombreux souvenirs doux-amers. Sur Georgia et Stay High, elle nous parle de désir et d’amour (celui à sens unique et celui partagé) et l’exercice confessionnel est touchant. Tandis que sur Goat Head, elle relate un douloureux épisode de discrimination raciale qu’elle a vécu petite, grandissant dans le sud des États-Unis.

« My mama was brave

To take me outside

Cause mama is white

And daddy is black […]

Who slashed my dad’s tires and put a goat head in the back?

I guess I wasn’t supposed to know that, too bad. »

Goat Head

Niché entre Short and Sweet et Baby (qui mon font penser respectivement à du Billie Holiday et du D’Angelo), 13th Century Metal détone un peu par sa sonorité cacophonique et son discours édifiant, à la limite «religieux», mais sa performance est tout de même intéressante. 

Avec Jaime, Howard s’est laissé la liberté de dévoiler des pans de sa vie et de les traduire en plusieurs histoires captivantes d’amour, d’espoir et surtout de dépassement. Au fil des écoutes, on comprend à quel point cette femme, à mon humble avis, représente l’une des plus importantes artistes d’aujourd’hui et possède l’une des voix les plus pertinentes et engagées de sa génération.

Jaime est un très bon premier album solo. C’est un ouvrage très ambitieux qui insuffle plusieurs genres. On ne peut nier tout le travail exécuté par Brittany Howard sur ce projet ainsi que toute sa passion d’aller de l’avant, dans la forme comme dans le fond. C’est un labour of love à terme dont elle peut être fière.

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