Critiques

Wreck and Reference

Indifferent Rivers Romance Ends

  • The Flenser
  • 2016
  • 44 minutes
4,5

Wreck And ReferenceIl existe pour certains un attrait irrésistible dans la musique misérable, la musique que l’auditeur moyen qualifiera de «déprimante». L’émotion triste exprimée sans maquillage est ce que bien des détracteurs de Radiohead, des Smiths et de Joy Division leur reprochent, mais c’est aussi ce qui attire leurs fans les plus fidèles. Ça peut donc être une bonne chose d’étaler sa souffrance dans sa musique. Mais il y a tout de même des limites. Le duo californien Wreck And Reference franchit cette limite par un bon kilomètre.

Avec ses deux albums précédents, No Youth et Want, le duo empruntait au black metal pour créer un électro-pop gothique d’une grande intensité. Cette fois, avec Indifferent Rivers Romance Ends, il rend sa musique moins intensément féroce, s’amollissant par moments jusqu’à l’ambiance sans histoires rappelant la trame sonore de jeu vidéo, laissant ainsi toute la place aux voix et aux textes. Et ces voix et ses textes expriment un cafard si insistant et unilatéral que l’auditeur risque de se demander assez vite pourquoi il se ferait subir ça.

Soyons justes, ce n’est pas horrible pendant tout l’album. Les trois premières pièces donnent l’impression que le groupe pourra trouver un équilibre et maintenir un certain intérêt. Dans la première pièce, Powders, le chanteur relate une conversation parsemée de vérités troublantes et d’incompréhension insurmontable. Quand il s’interrompt lui-même en plein vers parce qu’il a l’impression que son interlocuteur l’a traité de lâche, on a l’impression qu’il pourra nous surprendre par son honnêteté désarmante. L’impression ne dure pas. Dans une pièce comme Languish en fin d’album, l’honnêteté devient forcée et maladroite, évoquant une caricature de Morrissey («Is this the sensible world? Or just a sick joke my childhood played upon me?» Misère!).

Si l’arrière-plan musical venait nous secouer ou nous émouvoir, ça pourrait sauver le tableau. Ce n’est le cas qu’en début d’album. Par la suite, les mélodies sont simplistes et les dynamiques sont linéaires et ne mènent à presque rien. La pièce Manifestos tente une approximation du travail orchestral d’un Clint Mansell, mais rate la cible et tente de se racheter en terminant avec une modulation, stratagème qui demande autant de culot que d’instinct pour la musique pop pour être réussi. Du culot, on en sent ici. Du talent pour la musique accrocheuse, beaucoup moins.

La tentative de se renouveler est louable, mais ce que Wreck And Reference a trouvé ne fonctionne pas pendant un album en entier. On leur souhaite de se réconcilier bientôt avec la musique énergique et déstabilisante de leurs albums précédents.

Ma note: 4,5/10

Wreck and Reference
Indifferent Rivers Romance Ends
The Flenser
44 minutes

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