Critiques

Swans

The Seer

  • Young God Records
  • 2012
  • 119 minutes
9,5
Le meilleur de lca

Michael Gira est un sadique. Pas constamment, certes; sa période Angels Of Lights a été loin d’être aussi agressive que son oeuvre avec la première incarnation de Swans. Toutefois, si l’inspiration le mène vers une musique impitoyablement lourde, il emprunte sans hésiter le rôle du bourreau. Et son public, un peu maso lui-même, encaisse les coups avec plaisir.

En 2010, Gira a senti que l’heure était venue de réanimer Swans, inactif depuis 1997, pour donner vie à ses plus récentes idées. L’album et la tournée qui s’ensuivirent ont mené Gira et sa troupe à une réinvention de la sonorité classique de Swans. Ce qui était autrefois une monstrueuse et assourdissante machine industrielle est devenu une bête qui gronde, menaçante et capricieuse. Une énorme bête aux mouvements aussi vastes et inéluctables que ceux de la dérive des continents.

Deux ans plus tard, Gira continue de poursuivre cette bête où elle entend bien se diriger. Cette poursuite nous donne The Seer, deux heures de musique qui, au lieu de tester votre patience, la récompensera de façon exponentielle.

La vénérable formation new-yorkaise sait tirer le meilleur des longueurs et de la répétition. On pourrait même dire qu’elle a perfectionné et dominé la formule mieux que quiconque. Et ça fonctionne encore à merveille dans des pièces aussi longues que Mother of the World (10 min), The Apostate (23 min) et la pièce titre (32 min), des chansons qui gonflent et qui respirent, sans jamais s’essoufler. L’approche n’est cependant pas infaillible. Le long mouvement répétitif de A Piece Of The Sky reste trop neutre et tombe à plat à mi-chemin, et ce malgré la présence plaisante et inattendue de Jarboe, l’ex-conjointe et collègue de Gira. Song For A Soldier, chantée par Karen O, aurait couru le même risque si Gira avait tenté d’en faire un hymne hypnotisant. L’économie dans les arrangements et la voix de Karen O en font plutôt une pièce émouvante et complexe.

Vous entendrez et lirez beaucoup de bien au sujet de The Seer, mais aucune de ces phrases ne peut vraiment y rendre justice. Comment décrit-on un album qui, après quelques écoutes, donne l’impression d’exprimer tout? La dynamique explorée par la formation depuis deux ans a ouvert un brèche dans la grande muraille noire de bruit de Swans, et une brillante lumière s’y immisce dorénavant. Gira affirme avoir toujours souhaité atteindre l’extase au moyen d’une musique d’une grande intensité, et s’il dit vrai, il a enfin atteint le but de ses trente dernières années de travail. The Seer est animé d’une énergie peu commune, sinistre par grands bouts, mais souvent teintée d’espoir et tendant presque constamment vers le sublime. C’est une oeuvre majeure qui mérite votre entière attention.

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