Critiques

Sufjan Stevens

Carrie & Lowell

  • Asthmatic Kitty
  • 2015
  • 44 minutes
8,5
Le meilleur de lca

Certaines œuvres d’art nous permettent de renouer notre foi envers l’être humain. Alors que celle-ci est souvent fragilisée par les conflits armés, par les injustices, le rôle de la femme dans certains pays ou encore par la force démesurée utilisée par un policier sur une jeune femme… Ces nuages noirs qui semblent étouffer toute beauté rendent la réalité morose. De la même manière, le deuil que Stevens a dû vivre lors de la mort de sa mère l’a emprisonné dans une noirceur dépressive. Carrie & Lowell a été pour l’Américain une porte de sortie, une thérapie et Stevens saura vous toucher tout autant.

Pour vraiment comprendre d’où vient la genèse de l’album qui porte le nom de sa mère et de son beau-père avec lequel il a fondé Asthmatic Kitty, je vous réfère à l’excellent article du Guardian. Un peu comme un deuil, les chansons de Carrie & Lowell restent simples, dénudées, mais surtout, elles sont présentées avec retenu. Alors que certains aiment bien plonger dans un pathos dégoulinant à la première occasion, Stevens possède la pudeur et la sagesse de ne pas ouvrir les valves au complet, mais de contenir et utiliser cette force pour pousser vers l’avant les pièces.

Death With Dignity qui ouvre la galette donne le ton autant par son titre évocateur que sa musicalité. Stevens est seul avec une guitare. Et c’est ce à quoi on peut s’attendre sur l’ensemble de l’album. Oubliez les voyages sidéraux que nous proposait l’auteur-compositeur-interprète avec ses envolées musicales sur The Age Of Adz. Cette fois-ci, on reste les deux pieds bien plantés sur terre, une tasse de thé dans les mains en regardant la vie à travers une fenêtre sans avoir le courage de sortir confronter l’extérieur et l’humanité. Sans doute, ce que lui-même ressentait au début de son deuil.

Certaines pièces proposent tout de même un travail sonore un peu plus charnu telle la douce Fourth Of July, mais on reste tout de même dans un univers de simplicité et de nuance. Ce qui fait la force de Stevens sur Carrie & Lowell reste ses mélodies personnelles et uniques. Drawn To The Blood constitue un bon exemple; l’Américain nous entraînant avec sa voix et son rythme.

Décidément, on pourrait s’étaler de long en large sur le nouveau disque de Sufjan Stevens, mais reste que l’écoute est encore le meilleur moyen de pleinement goûter la richesse de cet opus. Musicalement moins aventureux que ses deux prédécesseurs, Carrie & Lowell se tourne vers l’interprétation et la simplicité. Stevens réaffirme avec éloquence et pertinence qu’il est un artiste qui passera aisément à l’histoire. Si Illinoise et The Age Of Adz sont des albums phares, Carrie & Lowell fera sa place dans la discographie du créateur sans toutefois posséder le panache des deux précédents.

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