Sarah Davachi
Sarah Davachi – All My Circles Run
- Students Of Decay
- 2016
- 42 minutes
Assise directement sur la scène, telle était la position de Sarah Davachi la dernière fois que l’ai vue en spectacle. Les fois précédentes, debout derrière sa console. Toujours immobile, sereine. L’espace n’est pas pour elle, mais plutôt pour sa musique. Une sculptrice de l’espace, son instrument est le drone.
Davachi est intéressée par les effets psycho-acoustiques de la musique et par le phénomène de l’écoute. L’acte n’est jamais passif. L’inconscient travaille, les souvenirs ressurgissent que l’on veuille ou non, etc. Sa musique est constamment imprégnée de ces idées; que ce soit en concert, dans nos écouteurs ou dans notre salon, ses pièces improvisées ou écrites s’infiltrent tranquillement dans tous les recoins, se mêlent au lieu et le devient éventuellement. Elles entrent dans l’esprit et remuent les songes, délicatement.
Son dernier opus, All My Circles Run, ne va pas à l’encontre de sa philosophie: la musique est une question d’espace, facilement habitable tellement c’est beau. Dans ce cas-ci, tous les morceaux évoluent très lentement. Rien n’est agressant, bien au contraire. Tout flotte, laissant ainsi les oreilles de l’auditeur s’abandonner aux multiples couches de son.
Les cinq pièces de l’album ont été écrites pour les instruments conventionnels que sont les cordes, la voix et le piano. Davachi aime bien travailler avec des instrumentistes puisqu’ils ont leur personnalité unique et des limitations techniques.
Les musiciens à cordes sont les premiers impliqués et For Strings ouvre le bal. Le drone de l’instrument à cordes se promène subtilement de gauche à droite, c’est une sensible recherche du timbre parfait. Aucune évolution jusqu’à ce qu’il y ait des harmonisations subtiles ici et là. La pièce est très organique, tout est frottement lent d’archets, on entend le matériel qui travaille.
La deuxième chanson est celle de la voix: For Voice. Une pièce qui rappelle Ambiant 1, Music For Airports de Brian Eno. Des voix angéliques se superposent et se répondent par dessus une oscillation.
Chanter, troisième extrait de l’album le plus court (seulement cinq minutes) et le moins réussi. Quelque chose qui s’apparente à des mini-glissandos de cordes en loop, notes et accords de piano épars. On pardonne assez rapidement lorsque le morceau suivant débute.
For Organ est majestueuse comme pièce. Je la décrierais comme étant une suspension temporelle par excellence. Imaginez-vous les particules de poussières volant en plein milieu d’un halo lumineux du soleil de fin d’après-midi. La musique pourrait être celle d’une scène de film ou l’ambiance règne, où tout est au ralenti, les caresses, les sourires, etc. Cliché? Et alors?
Cette scène se termine et s’enchaîne le dernier acte, le plus beau de tous: trois accords plaqués au piano et ces cordes derrière. Ces accords sont déconstruits lentement au fil de la pièce, ne laissant qu’une parfaite mélodie qui endormirait n’importe quel insomniaque. Le temps s’arrête encore jusqu’à la cinquième minute où une accélération fait office de climax. Les accords spacieux succombent à un tempo doublé par des notes répétitives alors que l’intensité des cordes augmente.
All My Circles Run est parfait comme album ambiant. On peut s’affairer à écouter les inévitables variations instrumentales, tenter de trouver une récurrence dans l’écriture sans jamais y parvenir, expérimenter le timbre des instruments, écouter Sarah respirer; ou bien le mettre en arrière-plan pour la lecture, massage, bain, fabulations et rêves. Dans tous les cas, il s’immiscera dans vos pensées, y restera bien malgré vous!
Ma note: 8/10
Sarah Davachi
All My Circles Run
Students Of Decay Records
42 minutes
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